Beaucoup d’urbanistes et
d’élus réfléchissent pour faire de nos villes des lieux agréables à vivre,
beaux, aérés, qui favorisent le « vivre-ensemble » comme on se plaît
à le dire de nos jours. Nous savons que ce sont là des questions difficiles et
des équilibres précaires. Mais pourtant essentiels. Et nous le percevons
d’autant mieux que nous vivons en ville. Saint Jean, lui, n’est pas un
urbaniste. Il n’imagine pas une « cité idéale ». Il a une vision et
cela est tout différent. La ville qu’il nous décrit arrive au terme de
l’Apocalypse, au moment où l’on tend à dire : « enfin ! ».
Enfin le combat s’achève ; le royaume de Dieu s’installe avec « un
ciel nouveau et une terre nouvelle ». C’est donc le terme de l’histoire
qui nous découvrons ici.
La particularité de cette
ville, qui annonce ce que nous découvrirons un jour à la consommation des
temps, est bien que son éclat ne vient pas d’une source extérieure, mais de son
cœur qui est le Seigneur. Nos églises, qui se voudraient une préfiguration de
cette Jérusalem céleste, reçoivent du soleil leur lumière qui fait chatoyer les
vitraux et transfigurer l’intérieur. Par contre nous sommes appelés,
nous-mêmes, à refléter la lumière intérieure qui est la nôtre. Et c’est pour
cela que nous sommes, de l’Eglise, les « pierres vivantes ».
Cette lumière, nous le
savons, ne vient pas de nous, de nos mérites, de notre intelligence. Nous ne
sommes pas à nous-mêmes des lumières. Ce qui devrait transparaître, c’est la
lumière de la foi que Dieu a mise en cœurs par notre baptême. Parce que de la
sorte Dieu ne reste pas extérieur à nous-mêmes mais il est plus intime à
nous-mêmes que nous-mêmes. Ce Maître intérieur est accueilli de manière
particulière comme un aliment dans l’eucharistie.
Que se passe-t-il
alors ? En venant en nous, le Seigneur nous illumine. C’est-à-dire qu’il
vient nous révéler tel que nous sommes, en vérité, nous fait découvrir
peut-être sous un jour meilleur que ce que nous imaginions. Il vient encore
nous transformer et changer quelque chose en nous. Le recevoir dans
l’eucharistie dépasse donc de loin le seul geste physique de s’avancer pour
recevoir l’hostie.
« Si quelqu’un m’aime, il
gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui,
nous nous ferons une demeure. » C’est la condition ou plutôt le préalable que
le Seigneur pose : garder sa parole. Ou pour dire les choses autrement,
peut-être un peu trivialement : digérer cette parole. Ce que nous recevons
ainsi du Seigneur nous avons à l’assimiler, comme toute nourriture. Ce que nous
« ingurgitons » produit quelque chose en nous et apporte une réponse
à nos besoins vitaux. La Parole de Dieu dessine un chemin, une route qui ira
jusqu’au cœur de notre cité intérieure. C’est là que le Seigneur veut demeurer,
Lui que nous reconnaissons à chaque eucharistie comme « l’Agneau de Dieu
qui enlève le péché du monde ». Là Il se lie à nous et l’Esprit nous le
fait découvrir. Et nous nous découvrons plus tout à fait comme identiques, parce
que nous ne sommes plus seuls. Dieu est avec nous.
Et parce qu’il ne viendrait
à personne l’idée de ne se nourrir qu’une seule fois, sous peine de mourir, le
Seigneur nous invite à Lui faire une place au cœur de notre vie, à Lui
permettre de nous nourrir. Il nous éclairera de l’intérieur et nous
resplendirons de sa lumière.
Imaginez cette cité éblouissante,
scintillant de l’éclat des pierres précieuses. Elle semble un modèle du genre.
Par contre, chose curieuse, on ne trouve en elle aucun sanctuaire. Le diction
populaire, lui, fait dire qu’il faut « que l’église reste au milieu du
village », pour signifier une organisation pacifiée de la communauté
humaine locale. Ici, dans la « Ville sainte », la Jérusalem céleste,
c’est l’Agneau qui est au cœur. « La ville n’a pas besoin du soleil ni de
la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire,
c’est l’Agneau », dit Jean.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire