Cela a duré quinze jours. Quinze jours de tractations et de
pseudo-révélations par la presse, de petits mots subtilement glissés par les
uns et les autres. Et nous l’avons eu, sur le perron de l’Elysée. Le
remaniement gouvernemental est arrivé. L’actualité des derniers jours nous aide
à imaginer la scène de l’évangile de ce jour. Jacques et Jean, les fils de
Zébédée, sont des braves gens. Ils ont trouvé leur maître. Celui-ci parle d’un
Royaume qui se met en place. Ils préparent leur avenir. C’est naturel. Mais
plus qu’un portefeuille ministériel, ils comprennent peu à peu que, bientôt,
Jésus ne sera sans doute plus là. Jésus,
en effet, a annoncé à ses disciples, et pour la troisième fois, sa Passion et
sa Résurrection maintenant toute proche. Plus les jours passent, plus il sait
comment va s’écrire l’histoire. Ses sentent bien que quelque chose se
prépare : « ils étaient effrayés et avaient peur », nous
rapporte saint Marc. C’est dans cette imminence, dans cette urgence, que
Jacques et Jean se décident à interpeller Jésus : « Maître, nous
voudrions que tu exauces notre demande ». Et quelle est-elle cette
demande : plus qu’un portefeuille ministériel au prochain remaniement, siéger
à la droite et à la gauche de Jésus dans son Royaume !
A chacune des trois annonces de la Passion, un message a été
délivré par le Christ. Après la première, il invite ceux qui veulent le suivre
à prendre leur croix sur eux, chaque jour ; invitation qui reste encore
mystérieuse. Après la seconde, il donne en exemple aux disciples un enfant
qu’il met au milieu d’eux ; il les aide à comprendre que, dans la famille qu’il
est en train de fonder et qui plus tard sera l’Eglise, la puissance n’est pas
le critère absolu, mais au contraire la dépendance, la faiblesse et la capacité
d’accueillir la Parole du Père. Après cette troisième annonce enfin, le support
qui va lui servir à enseigner ses disciples est la question posée par Jacques
et Jean. Peut-être avez-vous pensé qu’elle était incongrue, venant juste après
l’annonce des souffrances que le Christ devrait endurer. Vous n’êtes pas les
seuls à en juger ainsi puisque l’Evangile nous dit que les dix autres qui les
avaient entendus s’indignaient contre Jacques et Jean. S’il fallait chercher
une excuse à ces deux-là , on pourrait cependant rappeler qu’ils étaient avec
Pierre sur la montagne de la Transfiguration où il leur avait été donné de
contempler la gloire du Christ. Peut-être leur demande se rattache-t-elle à ce
moment si intense vécu avec lui et dont ils espèrent qu’il pourra se prolonger
plus tard. Pierre, sur le moment, voulait installer trois tentes pour demeurer
avec Jésus tant ils étaient heureux avec lui.
Mais le temps de la glorification n’est pas encore venu. Nous
sommes ici à l’ultime étape avant que Jésus ne monte à Jérusalem. Il tire la
leçon de cette demande. Il appelle les Douze autour de Lui, et le contenu de son
message est simple. Quelques jours auparavant, il leur avait donné l’exemple
d’un enfant. Aujourd’hui l’exemple qu’il leur donne est celui du serviteur : « Celui qui veut devenir grand sera
votre serviteur, celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ».
Plus qu’un serviteur, un esclave. Pas simplement quelqu’un qui se met librement
au service d’un autre, quelqu’un qui est lié à la vie à la mort au service qui
lui est confié.
Le Christ ne se présente pas comme le chef d’une nation
païenne, il ne se présente pas comme le concurrent de César, il ne se présente
pas comme le concurrent d’Hérode, il ne se présente même pas comme un de ces
leaders messianiques qui ont parcouru l’histoire d’Israël. Il se présente comme
le serviteur souffrant annoncé par le Prophète. Il va délivrer son peuple et à
travers lui l’humanité entière, non pas en imposant sa loi mais en offrant sa
vie. De quelque façon nous devons le comprendre : nous ne changeons jamais rien
dans le cœur et l’histoire des hommes tant que nous n’acceptons pas de donner
notre vie pour ce changement. Ce qui change le cœur de l’homme n’est ni la
guerre, ni la révolution, ni la domination ; c’est l’offrande que nous serons capables
de faire de nous-même pour le bien de tous. Parce que le Christ l’a fait et que
le chemin qu’il trace pour nous est le seul qui conduise à la vie.
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