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lundi 29 octobre 2018

Homélie du 30ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 28 octobre 2018

Homélie prononcée en l'église Saint-Nicolas d'ERGERSHEIM
à l'occasion du départ de Soeur Nicole Pfleger
 
 
Pour bien mesurer la portée de la parole adressée à l’aveugle Bartimée à la sortie de Jéricho, il nous faut revenir au début de l’histoire. Jésus monte à Jérusalem ; il va consommer l’offrande qu’il fait de sa vie pour le salut des hommes. Entouré d’une foule nombreuse et bruyante, que nous imaginons sans peine tant le récit de saint Marc est cinématographique, Jésus n’est pas accessible à cet aveugle tenu à l’écart et dissimulé par la foule.
 
Pour s’orienter, celui qui ne voit pas, celui qui ne sait pas, est obligé de se fier aux autres, aux bruits et aux « on-dit ». Sœur Nicole, en arrivant ici il y a 36 ans, vous étiez un peu comme Bartimée et comme tous ceux qui traversent les commencements : vous ne connaissiez personne même si Ergersheim vous était familier à cause de Krautergersheim… Comme Bartimée, vous saviez, parce que vous aviez décidé de Le suivre jusqu’à Lui consacrer votre vie, que Jésus guérit, qu’il vient en aide aux miséreux. Vous aviez non seulement choisi la voie de l’éducation, le charisme de votre fondateur, mais aussi de vous immerger dans la foule des « cherchants-Dieu » parce que vous-même continuiez de Le chercher dans votre vie. Alors avec Bartimée, en faisant face aux moments personnellement éprouvants que vous avez dû traverser, vous avez crié vers Jésus, en même temps que vous ne cessiez de présenter dans la prière celles et ceux que vous saviez en difficulté. Au cœur de la foule, de ce peuple d’Ergersheim qui peu à peu s’est élargi aux dimensions d’une communauté de paroisses, vous n’avez eu de cesse d’aller à la rencontre, de réconforter, parfois de secouer mais toujours pour remettre debout. J’en ai été personnellement témoin lors de nos mémorables « tournées ». Je crois que l’on peut dire qu’il n’y a de famille dont vous ne sachiez rien et que bien des intérieurs qui vous étaient devenus familiers.
 
En guérissant l’aveugle par la seule puissance de la foi, Jésus pose un signe. Et ceux qui l’entourent ne s’y trompent pas. Seul le Messie de Dieu est capable de cela, comme l’annonçaient les prophètes et Isaïe, en particulier, au chapitre 35. Si donc l’Envoyé de Dieu est au cœur de son peuple, c’est que le temps de Dieu est arrivé. La consommation des temps est proche. La fin des temps arrive, ce moment où toutes choses seront soumises à Dieu.
 
Aujourd'hui, nous ne savons si nous vivons la fin des temps, mais, nous en sommes sûrs, nous vivons la fin d’un temps, d’une époque. Sœur Nicole, bien malgré vous, votre départ pour une nouvelle mission apostolique, cristallise autour de vous une charge symbolique qui dépasse votre personne. Vous êtes la dernière religieuse de nos villages. Après Sœur Thérèse, trop rapidement partie rejoindre le Père, puis Sœur Rose-Marie et Sœur Gabrielle, auxquelles nous pensons sans oublier Sœur Laurence, avec vous s’achève une présence d’Eglise particulièrement signifiante. Cette présence féminine et maternelle, discrète et pourtant fondamentale, celle qui n’est pas dans l’exercice du gouvernement de la communauté, mais qui inséparablement, en dit la tendresse et la prévenance. C’est un moment historique pour nos paroisses qui se mesurera à l’aulne des années à venir. Nous savons ce que nous perdons. Qui, désormais, prendra le relais pour dire simplement, par des gestes et des paroles, la gratuité et la bonté du Seigneur ?
 
Nous ne pouvons ce soir que rendre grâce et nous souvenir de l’expérience décisive de Bartimée. Comme lui, nous pouvons être rejetés ou sommés de nous taire. Comme lui, nous pouvons rencontrer sur notre route des gens qui nous trouvent « dérangeants » ou inconvenants. Comme lui, nous avons peut-être pas les moyens de surmonter les obstacles qui se dressent devant nous. D’où va venir la solution, d’où va venir le salut ? Qui va ouvrir la brèche et le chemin vers la lumière ?
 
C'est le Christ lui-même qui a entendu ses cris et qui va l’appeler. L’évangile nous dit : « Jésus s’arrête et dit : appelez-le ! » Quoi qu’il se passe désormais, nous savons quelle est la source de l’action : c’est Jésus lui-même qui a entendu les appels de l’homme qui mendie dans le vacarme de la cohue, c’est lui qui prend l’initiative de le faire appeler pour venir à son aide.
 
Quelle que soit la perception immédiate que nous avons des besoins des hommes de notre temps, quels que soient les motifs très louables de solidarité humaine qui nous animent – vous en avez portez le souci, jamais nous ne devons oublier que nos démarches pour venir en aide à nos frères sont d’abord et principalement une expression de l’amour de Dieu pour l’humanité. De cet amour, nous ne sommes que les premiers bénéficiaires et donc d’humbles serviteurs. C’est cet amour qui doit donner son dynamisme et sa qualité à notre présence et à notre action.
 
C'est ainsi que nous sommes conduits à entendre la parole adressée à Bartimée : « Confiance ! Lève-toi il t’appelle ! » Ce qui constitue la véritable espérance pour Bartimée, ce n’est pas d’avoir rencontré des hommes compatissants et solidaires ; c’est de savoir que celui qui l’appelle et qui vient à son aide, c’est Jésus, Fils de David, celui qu’il avait appelé au secours.
 
Quelles que soient les qualités des services rendus, ce n’est pas l’ambition de faire mieux que les autres qui nous pousse à aller au-devant de ceux qui appellent au secours. C’est l’ordre du Christ lui-même auquel nous nous efforçons d’obéir. C’est la charité de Dieu à laquelle nous essayons de donner une figure humaine dans le monde qui est le nôtre. Ici et maintenant. Et votre départ, Sœur Nicole, ne pourra pas nous en dédouaner.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

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