Jésus assure que le moment décisif a sonné au cadran
de l’histoire. Avec lui, c’est Dieu lui-même qui vient inaugurer son règne. A
chacun de laisser venir ce règne en « se convertissant », en faisant confiance
à l’annonce de Jésus. La foule demandait des guérisons et des miracles ; les
disciples suivaient Jésus dans l’espoir d’avoir les meilleures places dans un
royaume de grandeur et de puissance (9, 34 ; 10, 37). Mais alors quel est ce Royaume
mystérieux ? Aucun évangile n’en donne une définition claire et précise. Comme
les rabbins de son temps mais avec un génie inégalé, Jésus a eu le don
d’inventer de petites histoires pour guider les cœurs vers la compréhension de
ce qu’il voulait en obéissance à Dieu : les paraboles.
Jésus disait : «
Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son
champ. Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit,
il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi,
enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille
car c’est le temps de la moisson ». Déjà, dans la première parabole, Jésus se
comparait à un semeur qui jette les graines (ses paroles) dans les cœurs où
elles fructifient selon les bonnes volontés. Ici il affirme sa certitude
tranquille : sa Parole peut bien sembler ridicule, inefficace, inutile, mais
elle modifiera la vie car elle porte en elle une puissance de vie qui se
développera à son rythme et donnera du fruit en son temps. En même temps, il
met en garde les disciples contre l’impatience et le zèle intempestif : il ne
faut pas désirer des fruits avant le temps comme le paysan sait qu’il est
inutile de tirer sur les feuilles. Le texte grec dit : elle pousse « automatè
», c’est-à-dire de façon « automatique », par la force même
qu’elle contient, par la puissance de Vie.
Quel a été ensuite le début de ce règne de Dieu sur
terre ? Il était comparable à la petitesse de la graine de moutarde : la
plus petite de tout le potager. Un pauvre prédicateur juif circulait dans un
espace de quelques km2 pendant trois ans, abandonné par ses
disciples et condamné à la mort ignominieuse de la croix : événement
insignifiant dans l’Empire romain. Or aujourd’hui qu’en est-il advenu ?
Combien d’êtres humains en recherche de sens ou en état de perdition sont venus
se réfugier près du Christ, se sont désaltérés à la source de l’Evangile, ont
accepté de donner leur vie pour ce Nazaréen ?
Début insignifiant et extension universelle : dans
tous les peuples, sur tous les continents, le baptême enfante des disciples, la
croix est vénérée, la Bonne Nouvelle est lue, étudiée, proclamée, accueillie
avec allégresse ! Lorsque l’on jette les grains de l’Evangile et l’amour de
Jésus en pleine terre humaine, au sein profond de l’humanité, ils subissent
beaucoup d’échecs certes mais toujours ils fructifient, guérissent les plaies,
dilatent les espérances, allument le feu de la charité. Trop souvent, nous
n’osons pas prendre des initiatives, nous élancer, seuls, en pionniers,
inventer des façons inouïes de propager la Bonne Nouvelle, lancer une idée
petite comme une graine mais dans l’espérance que – si Dieu le veut et quand il
le voudra – elle portera du fruit.
Il me semble que cette parabole vient à point nommé.
Trop souvent, et sans le dire, nous venons à douter de la force de l’Evangile.
Nous sommes guettés par ce grand danger spirituel de l’acédie. C’est un terme
un peu technique que les Pères du désert, à origine du monachisme en Egypte,
utilisaient pour désigner cette résignation qui se transforme en paresse et qui
atteint l’âme au plus profond. « A quoi bon ? », c’est son
slogan. « Que voulez-vous que j’y fasse ? », « on ne peut
rien y faire », sont les symptômes de cette grave maladie. Frères et
sœurs, soignez-vous ! Ne tardez pas ! Prenez le doux médicament de
l’Evangile ! La Parole vivante de Dieu ne cesse de produire du fruit.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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