La culture de la vigne est très répandue dans les pays
méditerranéens, comme elle peut l’être dans nos villages. Si l’image biblique
peut aisément être comprise de tous à l’époque, nous sommes, ici entre collines
et coteaux, sans doute des privilégiés pour en saisir pareillement le sens. Une
belle vigne, quelle merveille ! Elle fait l’attention délicate et
constante de son propriétaire. Les semaines passent et on la regarde pousser.
On scrute le ciel pour espérer les conditions les plus favorables à son développement.
Arrivent les jours où les feuilles regorgent de sève et les grains sont gonflés
de jus ! Les grappes sont prometteuses d’un millésime qu’on savoure à l’avance.
Une vigne plantureuse porte fièrement le nom de son propriétaire. Vous savez
bien qu’en se promenant dans le vignoble, de manière un peu espiègle, on repère
telle ou telle vigne, en faisant des commentaires sur son propriétaire…
Il n’est donc pas étonnant que la vigne ait servi d’image
familière pour exprimer une réalité bien plus profonde. Ainsi Israël est la
vigne de Dieu. Déjà le prophète Isaïe avait décrit les relations entre Dieu et
son peuple : « Mon ami possédait une vigne sur un coteau plantureux.
Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix. La
Vigne du Seigneur tout puissant, c’est la maison d’Israël et les gens de Juda
sont le plant qu’il chérissait » (Is 5, 7sq).
Le psaume 79 reprend
la même comparaison sous forme de prière nationale pour Israël en difficultés. « Dieu de l’univers reviens ! Du haut des
cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la ! ».
Dans les évangiles
synoptiques, Jésus reprend l’image de la vigne dans une de ses plus virulentes
paraboles où il dénonce la fourberie des responsables et dirigeants qui n’ont
jamais accepté de se convertir aux appels des prophètes et qui maintenant se
préparent à mettre à mort l’ultime envoyé, le Fils même de Dieu. La conclusion
tombe comme une menace terrible : « Que fera le maître de la vigne ? Il
viendra, il fera périr les vignerons et confiera la vigne à d’autres » (Matt 21,
33 ; Mc 12, 1 ; Luc 20, 9). Chez saint Jean, l’image de la vigne connaît son
aboutissement plénier : la vigne n’est plus une nation, un territoire mais
Quelqu’un. Son succès n’est plus menacé mais assuré et plantureux.
La « vraie » vigne, en réalité, c’est Jésus.
Il est le cep et les disciples sont les sarments. Ils participent à la vie du
Christ comme les branches participent à la vie du cep auquel ils sont attachés.
Il faut demeurer en lui, comme la racine s’accroche à la terre. En effet, le
fils éternel du Père, Jésus-Christ seul peut conférer aux entreprises humaines
une valeur d’éternité. « Je suis la vigne et mon Père est le vigneron ».
Désormais, le plant choisi par le
vigneron, n’est plus Israël, mais Jésus, le Bien Aimé. Le nouvel arbre de vie,
c’est le peuple qui naît de Jésus et ne fait qu’un avec lui. Mystère de la sève
dont le mouvement intérieur et discret a uni le cep aux sarments jusqu’à leur
faire porter du fruit. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure,
celui-là donne beaucoup de fruit ! ». Encore faut-il que le sarment «
demeure » sur le cep et qu’il fructifie de la même façon que celui-ci. Cela ne
se fera pas sans douleurs mais, dans ses souffrances, le sarment reconnaîtra la
main du Père qui l’émonde. La Parole de Jésus « purifie le sarment », l’Evangile
taille dans nos prétentions égoïstes, dans nos recherches vaniteuses, dans les
soucis du qu’en dira-ton afin que nous soyons focalisés sur un seul but : porter
le fruit que Dieu demande. Si le sarment refuse et ne fructifie pas, s’il en
reste à une croyance superficielle, à un culte inefficace, à une piété stérile,
alors le Père le coupe et le détache du Fils comme un sarment inutile. Et que
faire des sarments stériles sinon les jeter au feu ?
"Demeurer en
Jésus" est l’expression qui parcourt tout le texte car, affirme Jésus « en
dehors de moi vous ne pouvez rien faire ». Heureux ceux qui savent humblement
qu’ils sont eux-mêmes les sarments dont Jésus est le cep et le Père le
vigneron ! Heureux ceux qui dans la patience et la ténacité, émondent la
terre des hommes pour qu’elle porte son fruit le plus beau : ils sont la
vendange de la vigne de Dieu !
Michel
Steinmetz †
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