Le jour de la Fête-Dieu, tout
le monde, jadis, se mettait en procession. Il ne manquait pas une personne.
Toutes les maisons du village étaient présentes. Non comme une obligation, mais
comme un honneur : honneur de pavoiser les rues, de décorer les maisons,
de monter les reposoirs, de couvrir les rues de tapis de fleurs. Honneur de
saluer le Seigneur, présent dans son eucharistie, passant au milieu de nous et
venant à notre rencontre. C’était l’expression de toute une vie communautaire
des villages d’autrefois autour de l’eucharistie. Aujourd’hui, cette forme de
piété se fait plus rare. D’ailleurs, une procession n’exprime plus la foi d’un
village tout entier. Les chrétiens sont plutôt parsemés dans le monde, au
risque même de ne plus retrouver leur unité. Il est important, plus que jamais,
de se retrouver ensemble comme chrétiens, pour célébrer notre foi, pour se
former, pour construire une communauté, dans une société qui ne transmet plus
la foi chrétienne de manière automatique.
L’eucharistie est la réunion
la plus importante de la paroisse. Parfois on a dit : N’est-il pas plus
important de se donner à la charité, plus que d’aller à la messe ? Pourtant,
l’un n’exclut pas l’autre, bien au contraire : les deux choses s’impliquent.
Dans nos jours, il est normal d’entendre dire : que vaut une messe si on
ne vit pas dans la charité ? C’est vrai, mais curieusement, l’inverse est
moins évident : est-ce quelqu’un qui essaie de vivre dans la charité
chrétienne, a-t-il encore besoin d’aller à la messe ? Pour beaucoup de
fidèles, la réponse à cette question n’est pas si facile... Pour beaucoup
aujourd’hui, aller à la messe semble plutôt être quelque chose d’optionnel.
Pourquoi vais-je encore à la messe ? Est-ce parce que je suis engagé dans
la paroisse ? Est-ce que j’irais encore quand je n’aurais plus d’engagements
dans la paroisse ? Peut-être pas...
En tout cas, il faudrait à
nouveau découvrir que l’eucharistie est la racine de toutes nos communautés
chrétiennes, la raison d’être de toutes nos assemblées, de toutes nos équipes
paroissiales, de tous nos engagements ecclésiaux. Pourquoi ? C’est le
Seigneur Jésus lui-même qui nous appelle chaque fois au rendez-vous, pour nous
dire sa parole, pour nous donner sa vie, pour nourrir notre vie. L’eucharistie,
il faut bien la préparer, bien sûr, mais à la limite, l’eucharistie est quelque
chose que nous ne pouvons pas faire ou produire nous-même. Le danger de la
participation active à l’eucharistie est un peu que on se laisse aveugler par
des choses pratiques et de se passer de l’essentiel, pourtant l’unique
nécessaire : la rencontre avec le Christ.
Célébrer l’eucharistie dans l’esprit
de la liturgie nous procure un trésor de spiritualité et ouvre vraiment nos
yeux et nos oreilles pour une autre dimension. L’eucharistie sera « sauvée »
par notre pauvreté, notre pauvreté d’esprit. Nous devons réapprendre, je crois,
à désirer la nourriture de notre âme qui est Jésus, d’entendre sa Parole qui
donne la vie. L’Eglise à beaucoup mis l’accent sur le fait que le Seigneur est
réellement présent dans l’eucharistie, qu’il se donne vraiment lui-même en
nourriture. Sans cette conscience de la présence réelle, l’eucharistie se vide,
perd son contenu et devient plutôt une expression de nous-même. En fait, nous nous
célèbrerions nous-mêmes.
Est-ce que nous savons
pourquoi Jésus a choisi le moyen d’un repas et de la nourriture pour nous
rencontrer ? C’est que la nourriture entre vraiment en nous et se
transforme en nous. Personne peut descendre en nous si profondément que Jésus
le peut, et il peut nous toucher là où nous ne pouvons pas être présent à
nous-mêmes. Jésus entre en nous et nous transforme de l’intérieur. L’eucharistie,
c’est la Parole de Jésus, de nouveau devenue chair et sang pour nous,
nourriture de vie éternelle. Faisons route avec lui, comme les disciples d’Emmaüs,
pendant toute une vie, et à la fin, nous serons complètement guéris et
transformés en Lui. Nous aurons la vie que Jésus nous promet dans l’évangile d’aujourd’hui :
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je
le ressusciterai au dernier jour. »
AMEN.
Michel Steinmetz †
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