Il est fort étonnant que la liturgie célèbre en même
temps saint Pierre et saint Paul, tout d’abord, parce que ce sont deux
personnalités fort différentes, et ensuite parce que chacun d’eux méritait bien
une fête particulière. Paul, juif ardent et converti, a couru avez zèle dans
tous les pays, il a fondé des Eglises partout, il les a organisées avec Tite et
Timothée. Pierre, lui, a été parmi les
premiers appelés. Il a suivi Jésus sur les chemins de Palestine. Il a été placé
à la tête du groupe des Douze, reconnaissance manifestée dans le fait qu’il a
été le premier à entrer dans le tombeau vide au matin de Pâques. « Prince
des apôtres », pierre sur laquelle le Christ a décidé de bâtir son Eglise,
il a trahi trois fois. Pierre qui, par crainte, s’est séparé de la table des
judéo-chrétiens à Antioche, provoquant ainsi une grave scission dans la
communauté chrétienne. Paul avait alors
publiquement réprimandé Pierre qui n’a rien pu faire d’autre que d’obéir à Paul.
Deux figures qui, au final, loin de s’affronter, se
sont complétées dans le dessein de Dieu. L’un, Pierre, partisan de l’annonce de
l’Evangile à l’intérieur des terrains connus (le judaïsme) ; l’autre,
Paul, apôtre des nations, allant témoigner aux païens. Ces deux figures
devaient être unies par le martyre à Rome, à quelques années d’intervalles.
Elles sont pour nous, dans leur unique fête, le rappel que l’Eglise annonce
toujours le Ressuscité dans toutes les directions : aux baptisés que nous
sommes et à ceux qui ne le sont pas encore. Sans relâche.
L'Eglise nous invite donc à nous souvenir dans une
même fête de deux tempéraments fort divers, ceux de Pierre et de Paul. Ils sont
appelés « colonnes de l’Eglise » parce que c’est bien sur leur
témoignage, jusqu’au sang du martyre, que nous pouvons appuyer, aujourd’hui
encore, notre foi. Nous sommes réunis ce matin en cette antique église, au
moins en ces fondations : la plus ancienne de notre région, et nous
honorons ici, dans la lignée séculaire de croyants, Pierre, le prince des
Apôtres. Dans l’évangile, le Christ confie son Eglise à Pierre, nous
l’entendions : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon
Eglise ». Mais les clefs reçus, Jésus ne les confie pas à un homme en
propre, mais à celui qui sera le garant de l’unité entre tous.
C'est à Pierre ou mieux encore à chacune et chacun d’entre
nous que le Christ s’adresse au plus intime de notre intime pour nous demander
au creux de notre cœur : « et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Il n’y
a pas de réponse toute faite qui conviendrait à tout un chacun. Pierre et Paul
y ont répondu chacun à leur manière, avec leurs tempéraments, leurs histoires.
Mais leur réponse a culminé et s’est rejointe dans l’offrande de leur vie à la
suite du Christ. Dieu nous permet d’avancer à notre propre rythme sur le chemin
de notre foi. Notre réponse dépendra dès lors de la manière dont nous le
ressentons et cette perception pourra évoluer au cours de nos histoires
respectives. Dieu est Dieu, le Dieu des vivants. « Et pour vous qui suis-je ? »
Une réponse possible, un cri de foi, une réponse ultime : « tu es le Messie, le Fils du Dieu
vivant ! ». Oui, Seigneur tu es pleinement toi dans le mystère de la foi.
Aucun concept ne nous permet de t’enfermer dans nos images réductrices. Tu es
tout simplement celui que tu dois être, comme tu nous demandes d’être qui nous
avons à devenir.
N'ayons pas peur, frères et sœurs, de nous laisser
tourmenter par la question de Jésus : « pour toi, qui
suis-je ? », ne craignons pas d’emmener cette question avec
nous ! Il n’y a de bonne ou de mauvaise réponse. Car, au final, il n’y a
qu’une seule réponse qui vaille, celle de l’amour reçu et offert. Comme la
larme de Pierre à son reniement, se sachant aimé malgré sa faiblesse.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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