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dimanche 22 janvier 2012

Homélie du 22ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 28 août 2011

« Seigneur, tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté ». Il est, dans la Bible, n’est-ce pas ?, des paroles étonnantes de liberté à l’égard de Dieu, d’autant plus lorsqu’elles sortent de la bouche d’un prophète. Souvent, nous nous faisons l’idée d’une Bible aseptisée, dépourvue de tout sens critique, de toute passion. Pourtant, l’histoire, la grande et belle histoire, de l’homme avec Dieu est remplie de tourments, de cris de joie, de pleurs, de révoltes.
L’histoire du prophète Jérémie est bien, à ce titre, l’histoire d’un croyant qui se livre sans fausse pudeur. C’est une histoire singulière qui, aujourd’hui, nous rejoint tout particulièrement, me semble-t-il.
En effet, notre société contemporaine marquée en maints endroits par un exhibitionnisme certain – pensez à ce qu’on appelle la « télé-réalité » ou aux magazines people – aime les gens qui se livrent ainsi. Et la solitude, dont témoigne le prophète, nous interpelle : sans tomber dans le pessimisme, nous savons bien que, si les chrétiens demeurent numériquement majoritaires, leur influence et leur visibilité sont inférieures à celles des décennies passées. Les phénomènes évènementiels, tels les JMJ, traduisent bien une vitalité de la foi, ou tout du moins un intérêt pour elle, mais la question d’une foi précisément vécue au quotidien, et non uniquement sous la modalité de la fête, reste posée notamment pour les jeunes générations.
La solitude de Jérémie, sa vie intérieure marquée par le combat contre sa volonté propre et, malgré tout, l’expérience du caractère irrésistible de la Parole de Dieu font du prophète une figure hautement attachante.

I.- La solitude du prophète, tout d’abord.
Au lecteur du livre qui porte son nom, Jérémie se présente comme un grand solitaire. « Je reste à l’écart » : ce sont les termes mêmes qu’il emploie pour caractériser ses rapports avec la société (15, 17). Incompris et persécuté, mal-aimé de ceux qui devraient l’entourer et l’encourager, les membres de sa famille, il n’est avec eux ni quand ils font la fête à des jeunes mariés ni quand ils pleurent un mort. Il ne connaîtra jamais le réconfort et les responsabilités de la vie conjugale et il ne sera jamais père. Incarcéré, brutalisé, entraîné malgré lui vers l’Egypte, il finira ses jours dans une terre lointaine et nul ne gardera le souvenir de sa tombe.
Pourtant, nous sommes assez bien renseignés sur sa vie intérieure. Nous savons que cette solitude ne correspondait nullement chez lui à une disposition naturelle. Elle lui était imposée par une force extérieure qui lui faisait violence, qui l’assaillait, qui le remplissait, le tenaillait, requérait une adhésion totale sa volonté, qui avait besoin de sa solitude comme d’un moyen d’action. Cette force impitoyable, c’était la Parole de Dieu.

II.- La liberté de Jérémie vis-à-vis de Dieu.
Si le prophète avoue s’être laissé séduit, il n’en demeure pas moins critique à l’égard de Dieu, semblant dire : « Tu m’as eu, et me voilà dans de beaux draps ! ». Résister pour lui n’est plus possible, car la Parole du Seigneur est désormais en lui comme une force explosive.
Aucun prophète n’évoque la Parole de Dieu et sa manière d’agir avec autant de douloureuse précision que Jérémie. « Dès que je trouvais tes paroles, je les dévorais », dit-il (15,16) ; bien qu’elles le réjouissent, leur effet est souvent dévastateur : « à cause de tes paroles, je tremble de tous mes membres, je deviens comme un ivrogne, un homme pris de vin » (23,9). Quoi qu’il en soit, dans la vie de cet homme, la Parole est devenue le facteur-clé, le centre encombrant, trouble-fête aussi bien que raison d’être.
Jésus, annonçant à ses disciples l’inévitable Passion qui semble peu à peu se dessiner pour lui, fait une pareille expérience de solitude, de moquerie et de rejet : il lui faudra souffrir beaucoup, être tué pour ressusciter dans la gloire. C’est là assurément la seule voie pour le disciple : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

III.- Le joyeux acquiescement, enfin.
Si Jérémie se plaint et souffre, il n’oublie pas pour autant d’avouer : « mais il y a en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être ». Ce feu est à mettre en relation avec la séduction dont il fait l’objet et qu’il confesse pareillement. Peu à peu sa volonté s’est fondue avec celle de Dieu, dont il a été le parfait porte-parole.
Si la parole de l’homme est en prise avec la Parole de Dieu, c’est bien toujours cette dernière qui triomphe. Et pour dissiper les doutes de son existence, ceux qui ravagent son âme, il ne reste plus à Jérémie que l’absurde certitude mais ô combien réelle que c’est vraiment le Dieu vivant qui lui parle.
Il trouve, sa vie durant, le fondement de son action dans cet ardent désir à servir la Parole.
Puissions-nous prendre un peu exemple sur Jérémie : quand nous répondons positivement à l’appel du Seigneur en nous efforçant de vivre chrétiennement, quand nous prenons part à la vie de l’Eglise, nous avons sans doute des raisons de râler, de maugréer contre Dieu. « Tu nous as bien eu ! Il est plus facile, plus confortable de faire et de vivre comme tous les autres, de ne pas nous encombrer encore avec ton Evangile !». Nous nous sommes peut-être laissés séduire contre notre volonté : mais une fois que nous avons pu faire l’expérience de cette convivance, de cette enracinement en nous de la Parole de Dieu, nous sommes aussi en mesure de savoir qu’il est juste, qu’il est bon de perdre un peu de notre volonté pour gagner en proximité avec Dieu.
« Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ».

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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