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mardi 31 décembre 2019

Homélie de la messe de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 1er janvier 2020

Nous voilà passés de 2019 à 2020, dans le fracas des pétards et des fusées, ou des bouchons de champagne. Certains auront vécu ce passage avec une angoisse face à l’avenir, d’autres de manière aussi pétillante que le breuvage rémois. Certains sont heureux que 2019 prennent fin et d’autres se demandent, anxieux, ce que leur réservera cette année. Tous, au demeurant, aimeraient savoir ce que ces mois et ces semaines à venir nous imposeront ou nous découvriront. Et plus encore qu’allons-nous devenir ? En terme de santé, d’équilibre personnel et spirituel, de vie professionnelle ? Dieu nous répond par une grande simplicité. Rien, vous ne deviendrez rien si vous oubliez de qui vous êtes et pour qui vous êtes. C’est-à-dire si nous venons à L’oublier. Car celle que nous fêtons en ce huitième jour après Noël, la Vierge Marie, Mère de Dieu, nous enseigne ce qu’il convient de faire : « elle, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. ». C’est-à-dire relire sans cesse, au soir de chaque journée, ce que nous avons vécu pour y discerner l’œuvre parfois discrète, fugace ou cachée, du Seigneur. Ne rien oublier pour en tapisser notre cœur et en faire une couche protectrice qui n’oubliera pas de nous protéger lors des assauts de l’existence ou de faire remonter à notre mémoire aimante combien Il ne cesse d’être présent.
 
Ce n’est pas pour rien que les chrétiens honorent en ce jour, celui de l’Octave de Noël, mais aussi le premier de l’an civil, la maternité de la sainte Mère de Dieu. En effet, comme le rappelle saint Léon le Grand, « lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence : l’anniversaire de la tête, c'est l’anniversaire du corps ». Et de poursuivre : « sans doute, chacun de ceux qui sont appelés le sont à leur tour, et les fils de l’Église apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa passion, ressuscités dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité. »
Ainsi chacun de nous doit entrer dans cette nouvelle année en ne perdant jamais de vue d’où il vient : la Nativité de Jésus est notre propre naissance. Ce que nous avons préparé durant le temps de l’Avent, ce que nous avons célébré il y a une semaine n’est pas derrière nous et ne sera pas remisé dans quelques jours dans les cartons de nos décorations de Noël. Le Fils de Dieu nous donne de naître non pour notre perte mais pour notre vie. Et sa naissance ne cesse de se poursuivre en nous chaque fois que nous ouvrons notre cœur à sa Parole et agissant selon la loi nouvelle de l’Evangile.
 
Et saint Léon développe encore : « tout croyant, de n'importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu’il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n’appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l'homme pour que nous puissions être fils de Dieu. Car si lui-même, par son abaissement, n’était pas descendu jusqu’à nous, personne n'aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu’à lui. ».
 
Beaucoup vont se targuer, ces prochains jours, de prendre de bonnes résolutions, résolutions qu’ils se plairont à oublier aussitôt qu’elles auront été énoncées. Nous, nous allons demander à Dieu, avec l’aide de sa grâce et de la tendresse maternelle de Marie, notre mère, de fuir le péché. Nous allons prier les uns pour les autres, non pour que nous soyons préservés et mis à part, comme des Apaches dans leur réserve, mais pour que, déjà mis à part parce que choisis par Dieu comme ses enfants, nous puissions nous montrer dignes de ce que nous sommes. Nous peinerons sur ce chemin de perfection, mais nous savons qu’il en vaut la peine et qu’il est l’unique source de notre joie dans une monde qui se cherche.
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie des premières vêpres de la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu - 31 décembre 2019


« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sujet de la Loi juive pour racheter ceux qui étaient sujets de la Loi et pour faire de nous des fils. » (Ga 4, 4-5)
 
Nous sommes à un moment particulier de l'année. In lumine anni iam occurente, dans la lumière de l’année désormais déclinante, nous chrétiens, nous ne voulons pas vivre ces heures comme celles d’une déchéance imposée par la fugacité du temps. Nous nous tenons là, confortés par la Parole du Seigneur que « les temps sont accomplis », ainsi que l’exprime la brillante concision de l’apôtre Paul.

 
Alors qu’à minuit, nous changerons de millésime, passant de 2019 à 2020, nous ne pourrons pas nous lamenter qu’une année de plus s’achève. Certes, tempus fugit, comme disaient les Latins (le temps fuit), mais la manière de compter nos années se fait en référence à l’Incarnation même du Fils de Dieu. C’est donc dans cette grâce que nous demeurerons plongés, celle de l’Emmanuel, né d’une femme, sujet de la loi juive pour nous racheter. Dieu désormais décidant d’habiter le temps des hommes par sa présence. Et c’est ce que nous fait vivre et célébrer cette Octave de Noël qui s’achèvera demain avec la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu.


Et c’est encore ces jours de fête, ceux de l’Octave, le prolongement même de Noël, qui nous permettent ainsi de glisser d’une année à l’autre sans sortir de cette grâce de la proximité divine. « Jésus est la nouveauté au milieu de ce vieux monde, et qu’il est venu guérir et reconstruire pour ramener nos vies et le monde à leur splendeur originelle. » (Pape François, Admirabile signum, Rome, 2019, 4) C’est ce Seigneur qui irradie depuis plus de deux mille ans la vie d’un monde qui, sans lui, irait irrémédiablement à sa perte. Et c’est bien quand il s’éloigne de Lui que nous sentons notre monde en danger : quand il ne respecte pas la Création, quand les hommes décident de préférer la violence au dialogue, quand en son nom des esprits fragiles et innocents peuvent être abusés. A ces moments-là de l’Histoire, nous percevons la folie de penser une société dont on viendrait à évacuer Dieu, lui demandant de prendre la porte. Or Il est la porte de l’Histoire car, en passant en Lui, le sens des choses et des existences se révèle.


 
Ce soir, nous allons faire œuvre d’introspection en confiant au Seigneur ce qu’a été cette année, pour nous, pour l’Eglise et pour le monde. Nous allons lui confier les besoins de l’humanité entière en nous souvenant notamment de ceux et celles qui sont les plus pauvres et dont la dignité est la plus atteinte, nous souvenant que ce sont ceux-là qui, dans la nuit de Noël, ont été les premiers à se mettre en route avec leurs troupeaux, pour vénérer ce Dieu, frêle comme eux, né dans une mangeoire. Et au cœur de cette œuvre de prière, nous penserons aussi aux nombreuses fois où la nuit obscurcit notre vie. « Eh bien, même dans ces moments-là, Dieu ne nous laisse pas seuls, mais il se rend présent pour répondre aux questions décisives concernant le sens de notre existence : Qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ? Pourquoi suis-je né à cette époque ? Pourquoi est-ce que j’aime ? Pourquoi est-ce que je souffre ? Pourquoi vais-je mourir ? Pour répondre à ces questions, Dieu s’est fait homme. Sa proximité apporte la lumière là où il y a les ténèbres et illumine ceux qui traversent l’obscurité profonde de la souffrance (cf. Lc 1, 79) » (Pape François, Admirabile signum, Rome, 2019, 4).

 
D'une année à l’autre, d’un jour à l’autre, nous voulons demeurer dans cette lumière éternelle de la Nativité. Et nous demandons à Dieu, par l’intercession aimante de sa Mère, la Vierge Marie, de nous y garder !

 

 
AMEN.

 
Michel STEINMETZ †


 
 
 

samedi 28 décembre 2019

Homélie de la fête de la Sainte-Famille - dimanche 29 décembre 2019

Entre Marie et Joseph, la Verbe de Dieu fait chair a appris à devenir un homme. Rappelons-nous ce que nous en disent Luc et Matthieu, les évangélistes de l’enfance. À Bethléem, Marie sa mère, après avoir mis au monde son fils premier né, l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire (Lc 2,7). Les bergers vinrent lui rendre visite (Lc 2,8-20), puis les mages (Mt 2,1-11). Huit jours plus tard, l’enfant fut circoncis (Lc 2,21). Quarante jours après sa naissance, son père et sa mère le présentèrent au Temple de Jérusalem (Lc 2,22-38). Lorsqu’ ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui (Lc 2,39-40).
Un portrait idéal
Ce dernier verset nous dresserait un portrait assez idyllique de la Sainte Famille, et disons-le quelque peu aseptisé, celui d’une famille où les rapports seraient parfaitement équilibrés et harmonieux. On s’imagine alors Marie allant puiser l’eau chaque matin avec les autres femmes de Nazareth, puis vaquant aux occupations domestiques. On contemple l’enfant Jésus reposant sur ses genoux. On entrevoit Joseph travaillant le bois avec amour dans son atelier de charpentier. Puis on pense à Jésus qui grandit et qui devient l’apprenti de son père. On l’imagine apprenant à lire la Torah à la synagogue et jouant avec les autres enfants de Nazareth. Or, en se référant à ce beau portrait idyllique – nourri par l’imaginaire des croyants et des artistes, cette Sainte Famille n’aurait rien à voir avec nos familles d’aujourd’hui. À l’heure des familles recomposées, des familles monoparentales et de la manipulation génétique, la Sainte Famille peut-elle encore éclairer la foi des familles chrétiennes d’aujourd’hui ?
 
Une famille menacée
L’évangile selon saint Matthieu nous présente, quant à lui, une famille menacée. Après qu’Hérode s’enquiert de savoir où réside l’enfant-roi recherché par les mages venus d’Orient, et qu’il décide de mettre à mort les enfants mâles de Bethléem, Dieu intervient. L’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et l’invite à fuir en Egypte jusqu’à la mort du tyran. La Sainte Famille est certes une famille atypique, elle est aussi une famille en danger. Danger non seulement d'une intégrité physique, mais aussi celui d’un équilibre familial quant à l’abandon du lieu de vie, d'une parenté plus large, de relations sociales et professionnelles. Le départ précipité pour
l’Egypte est un réel déracinement.
 
Jésus revit l’expérience de son peuple
Ici l’évangéliste ne fait pas œuvre d’historien mais bien de théologien. En racontant la fuite en Égypte, Matthieu nous montre que dans la réalité de son incarnation, le Fils de Dieu revit le même drame que le peuple d’Israël dans les temps lointains. Comme Joseph, le fils de Jacob, Jésus, le fils de Dieu, voit sa vie menacée, non pas par des étrangers mais par son propre peuple. Comme Joseph vendu par ses frères plutôt que d’être tué par eux, l’enfant Jésus est emmené en Égypte par un autre Joseph, l’époux de Marie et son père adoptif, pour qu’il ait la vie sauve. L’enfant donc dans sa chair les événements de l’exode. Là les Hébreux, guidés par Moïse, étaient invités par Dieu à suivre l’ange du Seigneur pour prendre la route vers la terre promise (Ex 23,20). De même, après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit de revenir au pays d’Israël (Mt 2,19-21). La fuite et le retour en Egypte semble récapituler toute l’histoire sainte : le plan de Dieu semble se dérouler non pour être voué à l’échec mais pour sa réussite dans le salut de Dieu.
 
Dieu vient nous rappeler que son Fils n’a pas grandi dans la ouate. Bien sûr, Marie et Joseph étaient des époux et des parents aimants. Jésus a pu grandir au sein d’une famille heureuse où il a été aimé. Mais cette famille a aussi connu ses moments d’angoisses et de difficultés. Marie et Joseph ont bâti leur maison sur le roc de la Parole. Mais cela n’empêche pas les épreuves. Puissent nos familles, à l’exemple de celle de Nazareth, être bâties sur ce roc. Puissent nos familles en être sanctifiées.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

dimanche 22 décembre 2019

Homélie de la solennité de la Nativité du Seigneur - 25 décembre 2019

Messe de la Nuit
 
 
« Mesdames et Messieurs, la SNCF est au regret de vous annoncer que le train initialement prévu pour Strasbourg, départ 16h45, partira avec un retard indéterminé ». Imaginez, chers amis, que Marie et Joseph aient entendu ce message. Que serait-il advenu ? Nous ne serions pas rassemblés ce soir pour fêter Noël. Mais parce que, par un dessein mystérieux de la Providence divine, le train de la grâce n’est jamais en retard, ce soir, cette nuit, le Sauveur du monde est né. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. »
 
A considérer l’évènement qui nous rassemble, dans son historicité, nous pouvons nous interroger. Pourquoi ? Pourquoi à ce moment-là de l’histoire des hommes ? Dieu estimait en effet que le moment était venu, propice et favorable, à ce qu’Il nous envoie son propre Fils. Le signe annoncé par Isaïe – souvenez-vous : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous) » verrait son accomplissement. Oui, ce jour de l’Histoire, dans une bourgade lointaine de Palestine, dénommée Bethléem et connue sans doute des seuls Juifs, « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » Depuis l’Alliance établie jadis avec Abraham, depuis le choix de ce petit peuple parmi les peuples de la terre, depuis le don de la Loi avec Moïse au Sinaï, la promesse de Dieu n’a cessé de traverser les âges et les générations. Malgré les infidélités du peuple élu et ses refus de croire, malgré son impatience et son refuge dans d’autres croyances, malgré toutes ses compromissions avec le monde, Dieu ne s’est pas dédit. Il est resté fidèle et patient, entêté d’amour même. Et alors que ce peuple frémit d’un désir de conversion – celle prêchée par Jean-Baptiste, qu’il ploie sous le joug de l’oppression romaine, il plaît à Dieu de faire germer cette terre et d’y faire éclore son germe : Jésus, l’Emmanuel. Au cœur de cette société si paradoxale, si divisée, si contrastée, Dieu décide de venir y planter sa tente, pour être au plus près de ceux qui souffrent et qui continuent d’espérer. Voilà pourquoi aucun train à quai, en grève, n’aurait pu empêcher la grâce de se manifester ce jour-là.
 
Si vous avez été attentifs au message ferroviaire, il y a quelques instants, vous aurez compris que le train dont il était question n’était pas à destination de Bethléem mais de Strasbourg. Qu’est-ce à dire ? Si certains osent encore revendiquer le titre, ici, de capitale de Noël, nous savons, nous croyants, qu’il n’en est rien. Et pourtant. A considérer alors non plus seulement l’historicité de Noël, mais plus encore sa portée et son actualité, nous comprenons que le Fils de Dieu n’a pas pris chair de notre chair pour prendre la température et observer, de manière extérieure quoiqu’avisée, à quoi bien ressembler la condition humaine et ce que l’homme en aurait fait depuis la Création. Quand le Verbe se fait chair, il vient se lier à notre humanité. Il la rachète et la renouvelle de l’intérieur. Cet échange merveilleux vient semer en notre humanité une part de divinité. Ou plutôt ce qui était enfoui en nous, sous les immondices du péché et sous les sédiments de notre orgueil, est remis au jour. Nous redécouvrons à Noël notre vraie nature. Nous sommes crées par Dieu et pour Dieu. Il y a en nous quelque chose de divin. C’est vrai, il faut parfois creuser en profondeur pour le découvrir, mais la réalité n’en demeure pas autre. La question pour nous sera donc quant à notre volonté et notre désir de laisser advenir notre part le plus belle. Voilà pourquoi le train de la grâce arrive jusque devant notre porte, celle de notre cœur.
 
Frères et sœurs, quelle que soit votre existence, si sombre, triste ou ténébreuse soit-elle, quelle que soit l’opinion que vous avez de vous-même ou le jugement que les autres portent sur vous, ce soir, en regardant l’enfant-Dieu, frêle et fragile, couché dans la mangeoire, acceptez-vous de voir en Lui Celui qui rend à votre vie sa beauté et sa dignité ? Consentez-vous-même à aller plus loin encore et à accueillir sa divinité qui rejaillit sur vous et vous inonde de la douce clarté d’un Dieu qui aime et pardonne ?
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 21 décembre 2019

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (A) - 22 décembre 2019

Ces jours-ci, un ami avait posté une information sur un réseau social. Il se moquait de lui-même devant une bourde qu’il venait de faire. Rien de bien grave. Beaucoup ont commenté les choses avec humour et amitié. Cependant il s’est trouvé une personne pour mettre méchamment en cause un tiers. Cet ami a dû supprimer ce commentaire désobligeant. Souvent je demeure stupéfait par ce genre de propos ; ils ont souvent pour auteurs des personnes parfaitement non-informées sur le sujet qu’elles se croient en capacité de commenter. Mais le plus grave est que tout aussi souvent des propos hargneux et blessants viennent se mêler à tout cela. Jadis, ces paroles étaient l’œuvre des piliers de bar au bistrot du coin, et ne portaient finalement pas plus à conséquence que cela ; aujourd’hui, elles sont écrites et diffusées très largement. Il y a de quoi être affligé.
Imaginez dans la Palestine du Ier siècle, l’histoire de Joseph. Elle a probablement scandalisé les habitants du petit village de Nazareth : le récit de Marie, fiancée à Joseph et enceinte avant son mariage, a dû certainement alimenter des ragots... et les commentaires déplacés !
Il est facile d’attaquer pour ne pas se remettre en question. Dans nos familles, dans nos lieux de vie, nous aussi, nous alimentons souvent, involontairement, la suspicion, les intrigues... Nous discutons, convaincus parfois d’avoir certaines clés, alors que celles-ci nous manquent. Les murmures sont souvent des moyens de ne pas se remettre en question, de ne pas faire face à la réalité. Les murmures sont aussi des signes d’orgueil car nous croyons savoir. Et l’histoire de Joseph nous montre précisément que nous ne savons pas tout. Que l’intimité ne peut jamais nous appartenir. Joseph, lui non plus, ne savait pas tout et il n’était pas prêt. Mais il a accueilli simplement et sans juger la vie qui lui était confiée. Accueillir sans juger : voilà ce qui fait de lui un homme juste. Et comme Joseph, nous pouvons entendre une voix nous dire : « Ne crains pas ». « N’aie pas peur de ce qu’on dit de toi ». C’est parce que tu ne connais pas l’intimité des histoires de ceux que tu rencontres que tu es invité à ne pas juger. Juger, c’est avant tout ne pas connaître. Voilà pourquoi la justice dans l’antiquité grecque  souvent représentée avec un  voile sur les yeux. Comme si tout jugement s’accompagnait toujours d’un mouvement d’inconnaissance, qui peut restaurer la confiance.
 
Dans l’Evangile, alors que Luc nous présente l’histoire de Jésus à travers les yeux de Marie, Matthieu nous présente la même histoire, la naissance de Jésus, à travers les yeux de Joseph. Joseph ne comprend pas ce qui lui arrive. Deux possibilités s’offrent alors à lui : la suspicion qui murmure ou la confiance qui ne juge pas. Joseph est un homme juste, c’est aussi un homme religieux. Il connaît les Ecritures et il est pétri de l’attente de son peuple. Un jour, Dieu enverra un Sauveur. Il va naître d’une vierge. Elle sera enceinte et on lui donnera le nom d’Emmanuel. Voilà le signe que Dieu donnera. Joseph, pas plus qu’Acaz, n’exigera de signe. Il l’accueillera, tout simplement, et fera confiance. Confiance à Marie, confiance à l’ange, confiance à Dieu.
 
Le temps de l’Avent est donc bien plus qu’un temps d’attente. C’est un temps qui nous invite à transformer notre regard, pour accueillir avec confiance l’imprévu, ce que nous n’avons pas choisi, ce que nous n’avons pas décidé pour nous-mêmes. Cela prend du temps de discerner qui nous pouvons devenir, ce que Dieu nous invite à être.  Parfois nous prenons des décisions, et nous ne comprenons nos choix que bien plus tard. Il ne s’agit pas de tout justifier, mais où que nous soyons, il est toujours possible de relire sa vie. Nous ne pouvons changer notre histoire, mais nous pouvons changer sa lecture pour intégrer dans nos vies ce qui semble impossible à accepter ou à digérer. Voilà la liberté des enfants de Dieu. C’est cette liberté que nous montre Joseph : un chemin d’humilité et d’inconnaissance. Joseph, en ne craignant pas de prendre Marie pour épouse, veut ainsi le non-voulu. Comme le dit le poète, « Lorsque tu désires ce que tu as, tu as ce que tu désires. »  
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 14 décembre 2019

Homélie du 3ème dimanch de l'Avent (A) Gaudete - 15 décembre 2019

La semaine passée, nous entendions Jean-Baptiste nous interpeller avec vigueur : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Aux pharisiens et saducéens qui venaient là en curieux, il disait : « « Engeance de vipères Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. » Et, si vous vous souvenez bien, je vous invitais aussi à la conversion, à ne pas passer à côté de cette occasion unique d’aller au Seigneur pour lui préparer la route. Je vous disais que la conversion est un retournement : il nous faut donc demander au Seigneur qu’il nous aide à nous retourner comme des crêpes ! Et aujourd’hui, nous sommes un peu plus loin dans l’évangile. Jésus a déjà bien entamé son ministère public et Jean-Baptiste, lui, croupit en prison. Mais là, de son cachot, il se tient informé de ce qui se passe au dehors. Et il constate que la conversion porte des fruits. Il n’a pas prêché pour rien. Le temps de Dieu est là, tout proche. A quoi le reconnaît-on ?
 
On reconnaît le temps de Dieu à tous les retournements qu’il produit. C’est-à-dire à des choses insensées qui se manifestent et qu’à vrai dire on n’aurait pas imaginé possible. Isaïe les annonçait comme motifs d’espérance : « Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ». Et aux envoyés de Jean – ses indicateurs, Jésus répond : « « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. ». Ce qui était annoncé s’accomplit. Jésus le réalise. Et tout le monde peut le constater. Non seulement l’effort de conversion a hâté le moment favorable du salut, mais le Royaume produit lui-même des retournements en cascade.
 
Pourtant devant les signes qui nous sont donnés, il faut garder la patience. Car, très vite, nous pourrions céder à l’impatience. Soit par euphorie, soit par facilité. Euphorie de croire que tout est joué et facilité de renoncer à une conversion qui, de fait, ne serait plus nécessaire. La patience de Dieu produirait-elle l’impatience ? Dieu, lui, ne cesse de patienter pour nous laisser le temps de nous préparer à l’accueillir, de porter les fruits dont parlait le Baptiste. Il est comme le cultivateur qui « attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. » Il aurait bien des raisons de s’impatienter envers nous qui traînons les pieds à aller vers lui ! Et le comble serait que nous soyons impatients, tels des enfants gâtés qui trépignent des pieds dans l’attente des cadeaux d’un Noël qui n’en finit pas de venir.
 
Notre impatience serait dangereuse car elle pourrait nous entraîner à la résignation, tout d’abord : nous deviendrions des gens blasés, incapables de nous émerveiller encore. Et donc nous ne serions plus en capacité de voir les signes que Dieu met devant nos yeux, ceux d’un Royaume qui vient, quand le pardon est rendu possible, quand des personnes seules sortent de leur isolement, quand on donne à manger à ceux qui n’ont rien, etc… L’impatience pourrait ensuite engendrer lassitude et fatigue : elle viendrait à entamer notre endurance. Nous sombrerions alors dans une sorte de spleen spirituel : à quoi bon ? Nous voyons certes des signes, mais les signes ne font pas le Royaume. Alors comme par dissolution, nous perdrions notre vertébration en devenant des mollusques de la foi.
 
Nous n’allons donc rien céder ! Nous demeurerons dans cet état de veille qui, plus que lassitude et résignation, fait jaillir en nous le désir de Dieu.  C’est lui qui nous poussera à l’action ainsi qu’Isaïe nous le demande : « fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent :"prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu…" ».
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 6 décembre 2019

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (A) - 8 décembre 2019

« Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. » (Is 11, 3-4)
Qui ne rêve pas de cela ? Car nous savons le poids de la dictature des jugements faciles, des médisances, du travail de sape. Nous pouvons en être les victimes, y compris au sein de nos communautés chrétiennes. Les enfants et les jeunes peuvent être les proies du harcèlement dans leur école ou leur collège. Il est bon alors d’entendre ces paroles. Une petite voix cependant nous susurre avec malice à l’oreille : « arrête de rêver ! Ce n’est pas demain la veille ! ». Alors que faire ? Y croire ? Ne pas y croire ? Les choses sont un peu plus complexes qu’il n’y paraît.  
 
Comment est-ce donc possible ? À moins qu’on ne rêve d’un messie qui viendrait magiquement transformer le monde, sans que l’on n’y fasse rien, comme des disciples de Jésus ont pu rêver un moment qu’il allait arranger les choses, sans eux, malgré eux.
Et voici que la lecture du prophète Isaïe nous donne une indication qui doit orienter autrement notre réflexion. « Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer…» (Is 11,9-10). Nous découvrons que ce nouveau monde de justice et de paix coïncide avec un pays rempli de la connaissance du Seigneur. Nous sommes loin d’être une humanité remplie de la connaissance du Seigneur. Nous avons besoin de faire encore beaucoup de chemin, sinon pour être rempli de la connaissance du Seigneur, au moins pour en avoir une part suffisante pour éclairer notre vie.
 
C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’appel de Jean-Baptiste : « Convertissez-vous car le royaume de Dieu est tout proche ». La conversion, c’est précisément soumettre et changer notre manière d’agir en fonction de la lumière venue dans notre monde. Et le royaume, c’est celui établi par la résurrection de Jésus, mais dont la réalisation concrète n’est pas achevée. Elle n’est pas achevée, non pas parce que Dieu aurait été empêché et qu’il aurait déjà usé ses forces ! Si l’accomplissement du royaume des Cieux n’est pas achevé en ce monde au moment où nous parlons, c’est précisément parce que nos cœurs ne sont pas encore disposés à accueillir le royaume, parce que, de par le monde, des multitudes d’hommes et de femmes ne participent pas encore à la connaissance du Seigneur. Devant chacune et chacun d’entre nous se pose la question décisive pour sa liberté : comment est-ce que je veux vivre ? Est-ce que je veux vivre selon la parole que Dieu me donne ou est-ce que je veux vivre en l’ignorant ?
 
Cette conversion concerne tous les domaines de notre vie. Elle concerne nos pensées, nos rêves, nos illusions, nos relations avec ceux qui sont les plus proches de nous, famille, amis… Elle concerne notre manière d’engager nos forces pour la transformation du monde, soit par notre travail, soit par la part que nous prenons à l’organisation de la société… Mais ce monde nouveau de justice et de paix attend que nous ayons préparé les chemins du Seigneur. C’est pourquoi nous devons entendre cette parole de l’épître de saint Paul aux Romains :  « ce qui a été écrit à l’avance l’a été pour nous instruire afin que grâce à la persévérance et au réconfort de l’Écriture nous ayons l’espérance » (Rm 15,4). Grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, c’est-à-dire grâce à notre détermination, à notre fidélité dans l’accueil de la parole de Dieu, à notre recherche quotidienne pour la méditer, aux décisions que nous sommes amenés à prendre pour la mettre en pratique, nous pourrons hâter le temps béni du royaume.
 
Oui, aujourd’hui, le Royaume des Cieux s’est fait proche, aujourd’hui la violence et l’injustice peuvent être éradiquées si nos cœurs fortifiés par la parole de Dieu persévèrent dans la volonté de faire ce que Dieu attend de nous.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz  

vendredi 29 novembre 2019

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (A) - 1er décembre 2019

« Dis, Papa ! C’est quand qu’on arrive ? ». Cette interrogation, que de fois ne peut-elle pas être lancée, par les enfants au long d’un voyage ! Et que de fois ne provoque-t-elle pas chez le questionné un agacement certain. « Dis, Papa ! C’est quand qu’on arrive ? ». Cette question, nous la posons de manière tout aussi compulsive à Dieu. Mais quand adviendra donc la fin ? Quel est le moment où le Christ reviendra ? Entendez : pour qu’il nous trouve prêts et aussi – avouons-le – pour arrêter de jouer avec la vie et prendre une posture enfin un tant soit peu sérieuse. Car si nous connaissions ce moment, nous pourrions nous organiser et planifier notre conversion. Or, précisément, nous ne savons pas. Et nous nous trouvons assez paradoxaux :  à la fois nous désirons que ce monde change, qu’il passe et qu’il soit tout entier transformé par l’amour irradiant de Dieu et nous nous complaisons, en des comportement individuels et collectifs, à ne pas trop hâter ce jour.
 
Saint Augustin avait dit, en parlant du Christ : « Via viatores quaerit » (Je suis la voie qui cherche les voyageurs). Oui, frères et sœurs, nous sommes en chemin.  C’est un voyage que la vie nous fait faire et nous n’en connaissons pas le terme. Ou, plutôt, ce que nous savons comme ferme et assuré, c’est que l’issue de ce voyage est la sainte cité de Dieu, « la montagne de la maison du Seigneur » qui se tient « plus haut que les monts » et « s’élève au-dessus des collines ». Et voilà sans doute pourquoi, d’année en année, le temps de l’Avent veut nous remettre en marche, avec allant et entrain. Nous ne sommes pas livrés au néant. Pour nous, l’Histoire a un sens et donc un avenir. Le Christ Seigneur en est la clé de compréhension et il nous entraîne à sa suite, « voie qui cherche les voyageurs ».  
 
Commencer par la fin, voilà qui n’est pas banal ! Nous débutons l’année liturgique par un enseignement de Jésus qui annonce sa venue à la fin des temps et qui nous invite à la vigilance afin d’être prêts à l’accueillir à tout moment : « Tenez-vous donc prêts, c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra ! ». C’est que le temps de l’Avent est à la fois le temps du commencement et celui de la fin. Je vous invite certes à considérer votre vie personnelle, mais plus largement encore l’histoire de l’humanité. La naissance de Jésus a très secrètement bouleversé le cours de l’histoire humaine. Car Celui qui est né de Marie, c’est l’Emmanuel, Dieu « en personne » qui a décidé de venir pour être avec nous, pour habiter quotidiennement au cœur de nos histoires, jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28,20).
 
La force du chrétien est de croire que la nouveauté promise s’est infiltrée en profondeur en ce monde et que la nuit ne l’emportera jamais sur le jour. Notre vie ne s’arrête pas à ce que nous en percevons. Elle a une dimension cachée, secrète et subversive. Ainsi, quand la ville de Jérusalem est assiégée par les armées assyriennes, le prophète Isaïe annonce que Dieu va libérer son peuple et réunir toutes les nations sur sa montagne sainte, à Jérusalem. Au moment où les armes menacent de tuer, il a l’audace de faire cette annonce : « Des épées, on forgera des socs de charrue, des lances, on fera des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation. On ne s’entraînera plus à faire la guerre. » C’est l’espérance qui donne cette audace au prophète Isaïe ; il sait que Dieu va venir sauver ce monde de ses guerres fratricides. Cette semaine, lors de son voyage au Japon, le pape François a lancé un appel pressant aux gouvernants et aux consciences pour renoncer à l’arme atomique – « immorale » –, à la dissuasion – une « fausse sécurité » – et pour engager une démarche « collective et concertée » vers « une paix désarmée » qui, seule, peut « garantir un avenir commun » dans un monde globalisé et conscient de la vulnérabilité de la planète. A chaque fois que nous aurons ainsi progressé chacun dans son cœur, et nos sociétés par l’engagement de chacun, nous nous rapprocherons du temps où, enfin, Dieu pourra nous trouver prêts.
« Dis, Papa ! C’est quand qu’on arrive ! ». Saint Paul le rappelait comme une vérité élémentaire : « le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants ». Alors, frères et sœurs, « c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. » et d’éveiller vos consciences.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 16 novembre 2019

Homélie du 33ème dimanche du Temps oridnaire (C) - 17 novembre 2019

Je vais vous faire une confidence : je n’aime pas ce temps, ce moment de l’année, ou plutôt ce qu’il est devenu. Voici que nous sommes encore dans le temps ordinaire de la liturgie, un sapin de Noël s’est déjà planté devant notre église. Un peu partout des chalets surgissent de terre, annonciateurs d’un marché dit de Noël qui commencera dans quelques jours alors que nous serons éblouis tant par les illuminations que l’ambiance consumériste qui déferlera sur nous. L’affiche censée faire la promotion d’une opération somme toute commerciale d’un marché destiné à préserver le sens de Noël ressemble plus à une campagne publicitaire d’un grand magasin de la place Kléber. Et nous voici donc pris en tenaille entre ce que nous voudrions vivre, l’Avent et le temps de l’attente, et ce que nous aurons sous les yeux. Nous aurons du mal à nous préparer avec sérénité et intériorité à la venue d’un Enfant-Dieu que l’on s’apprête ainsi à mettre, prématuré, en couveuse. Mais nous n’aurons pas le choix. Et avec audace nous allons nous préparer. Et finalement c’est ce qui est intéressant. Conjonction et entrechoquement des temporalités qui font jaillir en nous une tension féconde.
 
Y avez-vous déjà prêté attention ? Depuis la semaine passée, les textes de la liturgie nous invitent à considérer la fin des temps, lorsque toutes choses seront récapitulées en Christ. Et à peine nous aurons devant les yeux de la foi ce Christ de gloire jugeant l’humanité, nous serons invités à l’attendre, encore. Paradoxe du Royaume de Dieu, déjà au milieu de nous et encore à construire. Aujourd’hui certains disciples de Jésus se délectent de ce qu’ils contemplent au Temple. Ils prennent l’image – ce qu’ils voient – pour la réalité – qu’ils ne voient pas encore. Or cela passera, leur dit Jésus. Ils ne peuvent s’installer confortablement dans ce temps. Le Règne de Dieu les tire encore plus loin, plus en avant. Mais eux veulent savoir. Quand cela arrivera-t-il ? Quand l’image laissera place à la réalité ?
 
Nous avons affaire aujourd’hui à une sorte de « message codé ». Le « jour du Seigneur » serait comme l’apparition d’un soleil dont les rayons guériraient les justes, mais brûlant comme une fournaise pour consumer les impies. Souvent les mots manquaient pour décrire le passage de ce monde perverti à un autre plus parfait. C’est pourquoi la tradition biblique s’est forgé un langage, une sorte de code. Avec des images de bouleversements cosmiques, elle cherche à signifier et à symboliser la fin de ce monde mauvais. Ces expressions de catastrophes n’indiquent nullement le « comment » de ce qui va arriver, mais bien plus l’espérance en un monde meilleur, donné par Dieu. Parce que s’ils indiquaient le « comment », nous serions ici proches de ce jour avec les deux secousses sismiques que nous avons vécues la semaine passée ! Et donc, comme dans un message codé, le plus important n’est certainement pas le code, mais plutôt le message, l’important pour nous n’est pas de nous appesantir sur ces images étranges qui abondent dans le texte, mais bien de rechercher la foi qui se cache derrière ces images.
 
Le Christ nous propose de vivre ces temps comme un temps pour le témoignage et non pour la peur. Discerner les signes des temps au milieu de nous devrait bien plus occuper notre quotidien que tous les prophètes de malheur voulant nous en détourner dans des solutions faciles voire contraires à l’Evangile. Dans l’adversité, il s’agit donc de demeurer dans la confiance en Dieu, parce que nous voulons croire que, décidément, rien ne lui est impossible. La certitude de la venue du Seigneur habite toute la vie de l’Eglise sinon elle ne serait qu’une ONG de plus parmi tant d’autres. Le Christ doit revenir certes, mais au milieu des tempêtes de ce monde, des questions qui demeurent sans réponse, il reste mystérieusement présent à son Eglise, la soutenant dans le témoignage qu’elle a à donner, inspirant même les réponses que chacun devra proclamer face à ses détracteurs.
 
Chaque jour, par notre persévérance et notre confiance en Lui, nous construisons un peu plus ce Royaume, jusqu’au jour inconnu de son achèvement. Là alors il nous trouvera prêts, debout et vigilants.
 
 AMEN.
 
Michel Steinmetz †   

jeudi 31 octobre 2019

Homélie du 31ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 3 novembre 2019

Je me suis toujours imaginé Zachée comme un homme certes petit, Luc nous le dit, mais aussi grassouillet et peu habile à grimper au sycomore. Sur la balance, il aurait tendance à faire bouger l’aiguille. Mais sur la balance de Dieu, pour reprendre l’image du livre de la Sagesse, le poids de sa faute est peu de choses, comparé à la grâce que Dieu va lui faire. C’est souvent, et à tort, une leçon morale que l’on dégage de cet épisode. On y voit la nécessité de se convertir en partageant ses richesses avec les pauvres. Mais il y a là un enseignement bien plus large et profond : la rencontre entre Jésus et Zachée nous révèle en Jésus, un Dieu en recherche de l’homme, et, en Zachée, un homme en quête de Dieu, ouvert à la conversion.
Jéricho. Jésus traverse Jéricho sans parole, sans dire mot. Jéricho, c’est la ville la plus ancienne selon l’archéologie, mais, pour un Juif, à la fois la ville sacerdotale et le lieu païen de trafic douanier. Rome y a ses comptoirs et sa garnison. Porte de la Terre promise, vers laquelle Josué envoya deux espions qui se cachèrent sur la terrasse de Rahab, la prostituée.
Zachée. Son prénom est déjà tout un programme. D’autant qu’on sait que le nom, pour un Hébreux, est toujours porteur d’une mission. Il a un sens. Il désigne une fonction. Il détermine une vocation. Il assigne une charge. Zachée en Hébreux signifie : le pur. Pourtant par sa profession : « exactor » : percepteur d’impôts (comme l’évangéliste Mathieu), Zachée est corrompu. Percevant les impôts de Rome, par une profession obtenue aux enchères, donc en payant grassement le pouvoir romain, puis en se remboursant par une majoration des impôts auprès de ses concitoyens, il un collabo doublé d’un voleur. Paradoxe que ce nom de pureté et cette profession de péché ! Paradoxe de ce qu’est tout homme : un mélange de bien et de mal, et donc, avec en lui, marqué comme une identité, un appel à la conversion.
Qu’en est-il de cet homme ? Avait-il appris la conversion de son collègue Mathieu, si heureux à la suite de son nouveau maître ? Ou était-il perplexe devant cet argent mal acquis ? Et, pour lui, ce Jésus qui est-il donc en fait ? Ce ne doit pas être par « pure » curiosité que Zachée cherche à voir Jésus. Il court, sort de la ville, monte sur un arbre...Voilà non seulement qui est peu compatible avec sa position d’homme rangé en Israël, mais voilà surtout qui révèle, selon l’évangéliste, sa volonté active, efficace et persévérante de rencontrer Jésus. Zachée escalade un sycomore. Ce figuier sauvage à branche basse, est, en Israël, le symbole de la loi mosaïque et du temple. Ainsi, pour trouver comment bien vivre, Zachée se servait de la Loi et du culte, du moins, il en était informé. Mais tout cela ne serait-il pas périmé ? Il grimpe à l’arbre mais le Salut n’est pas obtenu par l’escalade de préceptes ni par la multiplication d’efforts impossibles. La loi est tout aussi inefficace que le sacerdoce ancien (Jéricho) pour être justifié ; tous deux sont destinés à disparaître. Il faut descendre et suivre l’invitation de Jésus.
Aimé de Dieu, ou aimanté par Dieu, le voici appelé à changer ! Zachée est « regardé haut avec amour » par Jésus. Nous pouvons expérimenter le passage de Jésus quotidiennement en chaque eucharistie. Certes notre première conversion a eu lieu lors de notre baptême et toute notre vie chrétienne est comme une seconde conversion, journalière. La vie durant, chaque jour passant, communiant au Seigneur de gloire lors de nos célébrations, son invitation est pressante : « aujourd’hui le salut est entré dans cette maison ». L’appel à suivre Jésus et la réponse quémandée (son nom classique est la conversion) sont toujours uniques. Nous n’avons que des variantes du rapport entre l’appel et la décision. Le « suis-moi » requiert autant de réponses que de sujets convertis. Dieu nous parle à partir d’un lieu de l’âme propre à chaque être. Et de cette zone indicible de l’âme chaque élu livre sa réponse en une vie d’amour et de fidélité, à hauteur d’homme, avec humilité, confiance et compassion. Chacun de nous est un Zachée. Chacun est appelé à le devenir dans sa conversion.
 
AMEN.
                       
Michel Steinmetz