Une lecture rapide et réductrice de l’évangile de ce jour pourrait faire passer
Jésus pour un révolutionnaire qui nous libérerait de toute contrainte, de toute
règle, de tout rite. Il n’en est rien.
Le Christ se situe et nous situe par rapport à la loi, quelle qu’elle soit, même
celle qui provient de Dieu, celle dont Moïse nous parle dans la première
lecture. Les scribes et pharisiens honoraient Dieu des lèvres, mais leur cœur
était loin de Lui. Comme si la loi était, pour Jésus, non pas un commandement mais
plutôt un processus, une lente maturation qui nous invite à intérioriser
celle-ci, à se la réapproprier pour véritablement la faire nôtre. Une loi des
lèvres et loin du cœur est une loi sèche, sans fondement. Elle ne vit pas et
conduit souvent l’autre à une mort spirituelle certaine. En effet nous laisse
entrevoir l’Ecriture, peu à peu, au fil des générations, de Moïse à Jésus, les
hommes n’ont plus compris le sens de la loi. La loi est alors vidée de son
contenu. C’est ce que Jésus nous invite à vivre : redonner tout simplement sens
à toutes ces lois dont nous avons besoin pour vivre d’abord avec nous-mêmes et
puis avec les autres.
Pour se faire, il y a lieu de d’abord tenter de comprendre le pourquoi de la loi ?
En s’incarnant dans notre monde, en prenant notre condition, Dieu a voulu nous
permettre de comprendre le sens premier de la Vie, de notre Vie. Dans sa
générosité, Il nous a laissé une recette miracle, c’est-à-dire la loi par
excellence, la seule véritable, celle de laquelle découle toutes les autres :
la loi d’Amour. Notre expérience de tous les jours nous fait découvrir que
cette loi est bien difficile à mettre en œuvre. Nous nous laissons souvent
dépasser par la vie. Or c’est cette loi de nous aimer les uns les autres qui
est la plus importante. C’est elle qui demande à être méditée, intériorisée,
ruminée pour régénérer notre cœur. Si nous avions la certitude que Dieu était
au milieu de nous et qu’il se cachait derrière les traits de l’un ou l’une d’entre
nous, ne croyez-vous pas que nous changerions d’attitude les uns vis-à-vis des
autres ? L’être ne serait plus simplement perçu comme humain mais comme
lieu possible où se révèle le divin.
Recevant des traditions, en plus de lois, nous vivons également de rites, comme le
rappelle l’évangile. Il n’y a pas lieu de les sous-estimer, de les mépriser.
Nos vies en sont remplies. Alors êtes-vous en droit de vous demander, pourquoi
Jésus est-il si dur avec les scribes et les pharisiens ? Ils
accomplissaient les rites et les commandements. Il n’y avait pas lieu de leur
en tenir rigueur. La réponse peut vraisemblablement se trouver dans la parole
biblique : « ce peuple m’honore avec ses lèvres, mais son cœur est loin de moi
». Puisque la loi est d’abord loi d’amour, c’est dans le cœur que celle-ci doit
résider. Cependant, comme elle nous semble si difficile à réaliser dans notre
quotidienneté, nous sommes heureux d’avoir des garde-fous, des balises que nous
appelons commandements et rites. Ils sont importants car ils nous permettent de
nous évaluer nous-mêmes. Ils sont donc avant tout des critères d’auto-évaluation
que nous nous donnons à nous mêmes.
AMEN.
Michel Steinmetz
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