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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 29 janvier 2021

Homélie pour le 4ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 31 janvier 2021

« Il arrive souvent que, dans l’exercice quotidien de Notre ministère apostolique, nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu’enflammés de zèle religieux, manquent de justesse, de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la situation de la société, ils ne voient que ruines et calamités ; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés ; ils se conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, n’avait rien à leur apprendre et comme si, du temps des Conciles d’autrefois, tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les mœurs et la juste liberté de l’Église. Il nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui, à travers la succession des temps et des travaux des hommes, la plupart du temps contre toute attente, atteignent leur fin et disposent tout avec sagesse pour le bien de l’Église, même les événements contraires. » 


Voilà les paroles de Jean XXIII ce 11 octobre 1962 devant plus de deux milles Pères conciliaires au moment où s’ouvrait, à Rome, le second concile du Vatican. Les prophètes de malheur, frères et sœurs, nous en connaissons hélas tous autour de nous. Ils ne sont pas cloisonnés à Rome ou dans les années soixante. De ces personnes qui voient des malheurs partout plutôt que les bonnes nouvelles, repèrent le mal plutôt que le bien, promeuvent la calomnie plutôt que le respect, les temps présents en débordent : dans les médias et jusque dans nos cercles les plus proches. Et finalement ces personnes ne sont prophètes de rien, si ce n’est d’elles-mêmes. Leur opinion, leur ressenti, leurs fragilités la plupart du temps sont premières et, pour elles, le socle de qu’elles pensent être « leur » vérité. Cette dernière est tout aussi subjective et relative que ceux qui l’énoncent. 


C’est parce que Jésus est l’antithèse, l’antitype, de cela qu’il suscite l’étonnement. Différent des scribes qui se perdent en conjectures, Lui n’entend pas faire son auto-promotion ou distiler « sa » vérité. Il sait qu’Il la tient d’un autre, dont Il est le Verbe. Il est lui-même la Vérité de Dieu révélée aux hommes et agissant au milieu d’eux. Ce jour-là à Capharnaüm tous constatent que la grandeur et la probité de son enseignement viennent tout autant de son autorité qu’elle ne l’inspire. Il parle d’autorité. Non comme celui qui prétend avoir raison, non comme celui qui veut dominer et écraser les autres de son savoir, mais en étant le porte-parole de ce qui, littéralement, déborde de lui. Car son autorité ne s’épuise pas : elle est une source qui ne tarira pas. Au sommet de la croix, à l’agonie, elle agira encore dans le décharnement de son corps disloqué : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! », s’exclamera le centurion romain. Comme nous avons l’habitude de le dire, un peu familièrement, Jésus en « impose » mais sans artifice aucun. Pour preuve que cela n’est ni de l’esbrouffe, ni de l’art oratoire, ou de la poudre jetée aux yeux, l’esprit impur chassé de homme possédé à la synagogue le reconnaît lui-même : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » C’est-à-dire que le contraire absolu de la vérité, l’auteur et le père du mensonge, l’antithèse de Dieu cède sous le poids de cette autorité. 


Jésus ne fait pas que d’énoncer des paroles, nous venons de l’entendre, il y joint le geste, l’action à la parole. Il fait ce qu’il dit et il dit ce qu’il fait. Sa parole est performative. Son autorité est sacramentelle, au sens où elle manifeste Dieu à l’œuvre. Dans les temps que nous connaissons, demandons de quitter nos masques de faux-prophètes pour nous laisser guider vers une vérité qui nous rendra libres. Nos paroles et nos gestes se rejoindront. Ils feront autorité, de l’autorité de Dieu. Ils seront témoignages. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 22 janvier 2021

Homélie pour le 3ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 24 janvier 2021

« Tel est pris qui croyait prendre ». On connaît le proverbe et son ton volontiers moqueur. Extrait d’une fable de La Fontaine, « Le rat et l’huître », s’utilise lorsqu’un individu qui tente d’en piéger un autre est lui-même victime de ses manigances. Pourtant ici, rien de moqueur, bien au contraire, mais plutôt une rencontre qui vient bouleverser des existences. Tout commence dans une urgence, celle perçue par Jonas, mais non par les habitants de Ninive ; celle annoncée par le Christ de l’imminence du Royaume, mais non par les pêcheurs de la mer de Galilée. 


Ninive est l’une des plus anciennes cités de Mésopotamie. Important carrefour de routes commerciales traversant le Tigre, elle occupait une position stratégique sur la grande route entre la mer Méditerranée et le plateau iranien, ce qui lui a apporté la prospérité, de sorte qu’elle est devenue l’une des plus grandes cités de toute la région. A son apogée, au début du VIIe siècle av. J.-C., Ninive est alors entourée de remparts de briques sur une longueur de douze kilomètres et couvre 750 hectares à son apogée. L’ensemble de ce vaste espace est aujourd’hui une superposition de ruines recouvertes à certains endroits par les nouvelles banlieues actuelles de la ville de Mossoul. Là au cœur de cette mégalopole antique, un homme est envoyé par Dieu. Son nom est Jonas. Sans doute n’était-il pas contraint par un couvre-feu dans l’exercice de sa mission et le voilà ainsi à arpenter les rues pour prêcher l’urgence de la conversion. De manière aussi instantanée qu’étonnante, les habitants « crurent en Dieu » et « se vêtirent de toile à sac », à défaut de porter un masque ? Frères et sœurs, l’urgence de la conversion n’est pas différente ni différée pour nous qui vivons comme les habitants de Ninive, sans trop penser à Dieu ni au jour où nous serons face à lui. Les temps particuliers qui sont les nôtres nous invitent à imaginer déjà des lendemains différents. Et s’ils étaient d’abord le temps propice pour entendre ce que Dieu a à nous dire ? Pour nous rendre plus fidèles à l’écoute de l’évangile et au commandement de la charité ? A nous questionner en profondeur sur nos capacités à transformer nos vastes espaces de vie en antichambres du Royaume à venir ? Nos masques seraient alors comparables aux toiles de sac des habitants de Ninive.


L’urgence se poursuit sur les bords de la mer de Galilée. Avec une mise en scène digne de Fellini, l’évangéliste nous décrit Jésus, arpentant les rivages. Sa mission se comprend comme une marche incessante et captivante. Rien ne semble désormais plus retarder l’imminence du règne de Dieu. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Pourtant ce règne ne s’imposera pas ; comme en préalable, et comme à Ninive, il sollicite l’adhésion des hommes par le retournement de leur cœur. A ceux qui sont affairés à leurs affaires, à ceux qui pêchent le poisson, jettent ou réparent leurs filets, Jésus adresse un appel : « Venez à ma suite ! ». Par un retournement que seule la grâce de Dieu peut opérer, ces hommes – d’abord André et Simon, puis Jacques et Jean, dans des séquences parfaitement similaires – quittent tout pour le suivre. Eux qui s’occupaient avec leurs filets, à les jeter ou les réparer, sont pris par le filet que leur lance Jésus. « Tel est pris qui croyait prendre ». Ils seront désormais des « pêcheurs d’hommes » pour agrandir le filet de Dieu jusqu’à ce qu’il se déverse, rempli de l’humanité entière, le jour où les temps seront accomplis. Tous seront pris, mais non pour la mort comme c’est le cas avec les poissons que l’on extraie de l’eau, mais pour la vie celle que donne l’eau du baptême et de laquelle on ressort plus vivant qu’on ne l’a jamais été. 


Saint Paul le rappelait, pour peu que nous l’ayons malencontreusement oublié : « le temps est limité ». Car « il passe, ce monde tel que nous le voyons ». Ne fuyons pas dans un avenir incertain, mais commençons à habiter le temps qui est le nôtre pour nous laisser prendre aux filets du Christ et Le suivre sans délai. Ce sera le premier remède à notre mal. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 15 janvier 2021

Homélie pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 17 janvier 2021

La mode est aux débats contradictoires un peu partout dans les journaux, maintes émissions de télévision ou sur les réseaux sociaux. Argument contre argument, bon sens contre bon sens, idéologie contre idéologie, sagesse contre sagesse. Chacun est sûr de détenir sinon la vérité, du moins sa plus grande part à propos de la pertinence des mesures prises en temps de pandémie, de l’utilisation des vaccins, de la politique aux Etats Unis… C’est à celui, ou celle, dont les arguments seront les plus convaincants et les plus décisifs. Celui, ou celle, qui se montrera le plus fort, ne fusse qu’en parole, pour imposer son propre point de vue aura gagné !


Ce jour-là, sans doute les conversations vont-elles aussi bon train entre Jean et ses disciples. De quoi parlent-ils ? Nous ne le savons pas. L’Evangile reste discret sur ce point. Mais nous pouvons imaginer qu’ils refont le monde, ou plutôt qu’ils se demandent que faire pour que le monde ressemble à ce que Dieu attend de lui ? Ils se sont déjà engagés aux côtés du Baptiste et tous sont persuadés qu’une véritable conversion est nécessaire pour que les choses changent. Pour eux, le monde d’après doit être le temps de Dieu. Alors ils attendent et ils espèrent que Dieu enverra vite son Messie. Qu’il tiendra promesse. André est l’un des deux disciples. 


L’évangéliste nous dit que « Jésus allait et venait ». Sobrement. Il ne se mêle pas à la conversation. Il ne prêche pas pour sa paroisse. Jean, quant à lui, qui avait déjà tressailli dans le ventre de sa mère en rencontrant Jésus dans le sein de Marie, sait qu’il est le Messie, celui qui doit venir et qui plus grand que lui. Alors, il le désigne : « Voici l’Agneau de Dieu ! ». Les disciples ont la réponse qu’il cherchait. Elle n’est pas une opinion de plus dans le concert du monde. Elle est ici la certitude ancrée viscéralement dans la foi du Baptiste et que l’Esprit rend possible. Remarquez bien qu’on est conduit à Jésus et que notre propre foi ne peut se passer de témoins. J’aimerais vous inviter, maintenant ou plus tard, à réfléchir dans le secret de votre cœur à celles et ceux qui vont ont conduit à la foi, qui vous ont fait connaître le Christ et l’aimer, vous attacher à Lui comme votre Sauveur. Vous découvrirez que votre foi a pu prendre appui sur la foi des autres. Nous ne faisons rien d’autre chaque dimanche quand ensemble nous disons la foi de l’Eglise : nous nous appuyons sur l’Eglise dont la foi précède la nôtre et sur nos capacités réciproques à croire. Nous nous portons mutuellement dans notre adhésion au Christ.


A cette désignation, les deux disciples répondent en posant la question, ô combien délicate et peut-être un peu gênée : « Maître, où demeures-tu ? ». Jésus répond tout aussi simplement sans grands discours, effets rhétoriques ou miracles prodigieux : « Venez, et vous verrez ». En cette fin d’après-midi là, « c’était vers quatre heures », nous renseigne Jean, ils le suivent. Combien de fois, ne sommes-nous pas en quête et en attente d’extraordinaire dans notre vie de foi ? Nous sommes gauches à la fois quand il s’agit de suivre le Christ et de le proposer à d’autres, au point d’oublier que l’important est bien de le suivre. La méthode est donnée par Jésus lui-même. Viens, vois. Et tu décideras. Mais les quelques heures passées avec lui décident André à présenter Simon, son frère, à Jésus. De cette proximité, toute humaine, de cette rencontre à première vue banale et sans ostentation, l’identité de Simon en sera changée : il sera « Pierre », « Képhas ». 


Frères et sœurs, la foi chrétienne se propose. Jamais elle ne s’impose. Elle naît et grandit, non d’abord dans l’attachement à des dogmes, une morale ou dans la délectation des rites : elle est attachement à la personne de Jésus, le Christ. Relisez votre histoire personnelle : mettez-vous à la place des deux disciples de ce jour et rendez grâce pour ceux qui vous ont conduit à Lui. Posez-vous ensuite la question – redoutable – de votre témoignage au quotidien. Qui avez-vous à cœur de conduire dans la liberté au Christ pour le faire aimer et suivre ? Il est l’Agneau de Dieu, celui que nous recevrons en nos mains. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 8 janvier 2021

Homélie pour la fête du baptême du Seigneur (B) - dimanche 10 janvier 2021

Il fut en temps, peut-être pas si révolu, où les jeunes aimaient employer l’expression : « ça déchire ! » pour dire leur enthousiasme ou leur étonnement devant telle ou telle situation. Chacun sait, à ses propres dépens, que la jeunesse est, hélas, un concept aussi fugace qu’évolutif. Pourtant, en ce dimanche, l’expression même surannée est pleinement d’actualité à l’écoute de cet évangile. Faisons, si vous le voulez bien, l’espace d’un instant, comme si nous étions encore jeunes ; et vous les jeunes, faites comme si vous l’étiez avec nous ! Oui, en effet : « ça déchire ! 
», en entendant le récit du baptême de Jésus par Jean dans les eaux du Jourdain. Et il me semble que « ça déchire » pour au moins trois raisons que je vous propose de passer en revue.

 

« Ça déchire » tout d’abord dans les cieux. L’évangéliste Marc se plaît d’ailleurs à le rapporter clairement : « aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer ». Comment devons-nous l’entendre ? Sans doute déjà au sens où, durant le temps de l’Avent, nous nous sommes rappelés la parole du prophète Isaïe : « Oh ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi ! » (Is 63, 19). Lorsqu’Isaïe demanda à Dieu de déchirer les cieux et de descendre, il priait pour l’accomplissement de la promesse prophétique qu’il avait reçue dans sa vision bien des années auparavant. Il disait en fait : « Seigneur, pour que la terre soit remplie de Ta gloire, il faut que Tu déchires les cieux et que Tu descendes ! ». Isaïe se rendait compte que pour l’accomplissement du plan de Dieu pour le monde, il fallait que le ciel s’ouvre et que le Seigneur vienne. Aujourd’hui, le Christ est manifesté à son baptême : la gloire de Dieu qui est sur lui est révélée. La promesse tant désirée est en train de s’accomplir. Jean le savait quand il avait présenté Jésus comme « celui qui est plus fort que lui » et comme « celui qui baptisera dans l’Esprit-Saint ». Les cieux ouverts sont le signe de la présence de Dieu et d’une communication entre ciel et terre, entre Dieu et les hommes.

 

« Ça déchire », ensuite, parce que la voix du Père se fait entendre. Là encore, une révélation est faite par Dieu lui-même : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ». Dieu ne vient pas adopter l’homme Jésus, comme s’il le découvrait et venait le choisir pour être son Messie, comme on le ferait en proclamant un palmarès. Au contraire, Dieu rend audible à tous que celui que tous voient dans son humanité, celui dont la croissance a fait l’objet des soins de Marie et Joseph à Nazareth comme on veille sur une flamme fragile afin qu’elle ne s’éteigne pas, celui que les mages avaient déjà reconnu comme le Sauveur du monde, celui-là est authentifié par Dieu dans sa divinité. Il est le Fils bien-aimé. Il est celui qui, venant dans le monde pour nous sauver, fait la joie du Père. Il est la joie de Dieu à l’œuvre quand il vient à notre rencontre, à l’instar de notre joie devant une rencontre tant attendue. Dieu se plaît à venir vers nous.

 

« Ça déchire », enfin, quand l’Esprit-saint fond sur Jésus, sous l’apparence corporelle d’une colombe. Ici, toute la Trinité est présente : Dieu se rend visible, audible, manifeste dans une relation à laquelle il veut nous incorporer. Car Jésus, bien évidemment, ne reçoit pas le baptême pour lui – cela serait profondément inutile – mais pour nous. Prenons une comparaison. Un fil électrique a la propriété de conduire le courant. Il est habituellement recouvert d’une gaine qu’il faut dénuder avant tout branchement pour laisser apparaître le cuivre. Ici, Jésus est comme un fil électrique tendu entre le ciel et la terre. Il est le médiateur entre Dieu et notre humanité. La force de l’Esprit passe entièrement en lui et cette même force de l’Esprit vient électriser les eaux, non pour notre perte (car on ne meurt pas nécessairement d’une décharge électrique) mais au contraire pour nous mettre sous tension, nous réveiller, nous brancher en Lui.

 

« Ça déchire », certes, non pour faire de nous des spectateurs éblouis sur les rives du Jourdain. « Ça déchire » pour que nous nous laissions prendre par ce grand mouvement duquel Dieu veut nous faire participants. Et cela commença le jour-même où nous fûmes baptisés.

 

AMEN.


Michel Steinmetz