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samedi 1 septembre 2007

Homélie du 22ème dimanche du Temps Ordinaire (C) - 2 septembre 2007


« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé ». Lc 14,11

Jésus est déconcertant. Il a l’art de nous bousculer. Ici pas de situation de crise, pas de conflit, pas de question pernicieuse de la part des scribes et des pharisiens. Juste un repas le jour du sabbat. Certes un repas chez un des notables pharisiens, et Luc précise que « tous l’observaient ». Pour Jésus, tout est prétexte à parabole. Un banal évènement de la vie quotidienne devient le lieu d’un enseignement. Il suffit ce jour-là que Jésus remarque comment les invités choisissent les premières places, les places d’honneur à proximité de l’hôte qui les reçoit.
Le maître-mot de l’enseignement, même s’il n’est pas prononcé, est l’humilité. C’est là une attitude intérieure, une disposition du cœur. Il nous faut donc nous demander aujourd’hui comment nous réagissons nous-mêmes aux paroles de Jésus. Sommes-nous de ceux qui préfèrent les premières places ? Sommes-nous de ceux qui préfèrent s’entourer de personnages de marque, de VIP, comme on dit, au point d’en oublier tous les autres ? Notre société nous présente souvent la vie idéale comme celle étant menée au sein d’une Jet Set, cercle de privilégiés insouciants et souvent méprisants. Sommes-nous sensibles à cette vie-là faite de paillettes, de strass et de légèreté ? En rêvons-nous secrètement ?

I.- La fausse humilité

Si nous rêvons secrètement de cette vie-là, alors, à n’en pas douter, l’humilité n’est pas notre fort, elle n’est tout du moins pas ce que nous recherchons comme principe, comme philosophie de vie. Car nous l’envisageons comme une faiblesse plutôt qu’une force. On pense souvent qu’elle consiste à se rabaisser soi-même, jusqu’à nier ses qualités ou ses talents, ou à considérer par principe, ou avec un arrière-fond de culpabilisation moralisatrice, les autres comme supérieurs à soi. L’humilité ainsi envisagée semble donc encourager la médiocrité, le manque d’ambition, la mesquinerie…

II.- L’humilité : faire place à Dieu

La véritable humilité, l’humilité évangélique, n’a rien à voir avec cette peu enviable caricature ! Souvenons-nous du Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ! » (Lc 1, 48-49). Loin de s’effacer ou de se taire, Marie chante haut et fort l’action de Dieu dans sa vie. Car l’humilité est une reconnaisance et un décentrement.
Reconnaissance qu’un Autre, Dieu, nous est supérieur, que nous tenons de lui « la vie, la croissance et l’être », comme nous le chantons dans une des préfaces de la messe. Rien de ce que nous vivons, rien de ce que nous sommes, rien de ce que nous recevons n’est étranger à sa grâce. Nous tenons tout de Lui. « Tout vient de Lui, tout en Lui, tout est pour Lui », dit Paul. Bien sûr, et vous en conviendrez, cela suppose la foi. L’humilité n’est pas qu’une vertu morale que tous les hommes pourraient partager ; l’humilité évangélique est le propre des croyants, des « sages », comme les appelle Ben Sirac.
Décentrement, ensuite, car est humble celui est considère la grandeur et Dieu et s’en émerveille. En latin, humilis signifie « proche de la terre », or, nous dit la Genèse, c’est de la terre qu’a été tiré le premier homme, Adam, dont le signifie précisément le « terreux ». L’humilité consiste donc à se tenir dans la vérité de la condition de créature face à son Créateur. Et cette condition est bonne, puisque Dieu nous a donnés la vie par amour.
Cette attitude faite de reconnaissance et de décentrement nous fait « trouver grâce devant le Seigneur ». « La condition de l’orgueilleux, [par contre], est sans remède, car la racine du mal est en lui », affirme encore Ben Sirac. Celui qui s’imagine ne dépendre en rien de personne, de quelque manière que ce soit, ne peut pas prétendre attendre quelque chose en retour puisqu’il se suffit à lui-même !

III.- L’humilité : donner sans espérer en retour.

L’humilité nous ouvre à Dieu. Elle est une inclination du cœur. Mais qui s’ouvre ainsi à Dieu se rend capable de s’ouvrir en vérité à ses frères en humanité : le regard qu’il porte alors sur eux est transformé, purifié de l’orgueil. Il ne se considère plus comme supérieur à eux, mais comme leur égal partageant en toutes choses et dans une même fraternité humaine la condition de créature, d’être fondamentalement aimé de Dieu. Cet humble-là aura un cœur assez généreux pour donner sans espérer en retour. Il y trouvera sa joie. Il participera à l’amour de Dieu : comme lui, son Créateur, il donnera en toute gratuité, il aimera sans calcul. Celui-là apportera encore sa pierre à la construction en ce monde du Royaume des cieux. Sa vie sera tout entière marquée de la présence de Dieu. Il ne tombera pas dans le danger de prendre tant goût à l’aménagement de la cité terrestre que d’en oublier ce dont elle doit toujours plus devenir l’image. Car si c’était la cas, « il se produirait comme une dégradation des valeurs, où ce qu’il y a de spécifiquement chrétien s’affadirait et disparaîtrait. L’esprit apostolique peut devenir prosélytisme ou recrutement ; la charité, philanthropie ou camaraderie partisane ; l’espérance n’être que la confiance en la possibilité indéfinie du progrès ; la foi en l’homme, et non en Dieu, découronne l’homme de ce qui fait sa plus authentique noblesse : son incapacité à s’achever sans se dépasser lui-même et accueillir plus grand que soi » (Cardinal Suhard).

Puissions-nous, frères et sœurs, chers amis, être préservés de cet écueil, de ce danger en ouvrant notre cœur à l’amour de Dieu qui ne cesse de faire pour nous des merveilles. Demandons la grâce de vivre d’une vraie humilité évangélique qui saura faire, dans nos existences, une juste place à Dieu et à nos frères .

AMEN.

Michel Steinmetz +