A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

vendredi 28 mai 2021

Homélie pour la solennité de la Très-sainte Trinité - 29 mai 2021

Quand un enfant vient au monde et advient à la vie, il reçoit un nom. Et ce nom développera en lui la capacité à se situer et à nommer à son tour. Ce nom sera celui de son inscription dans la communauté des hommes. Ce nom sera d’une part le prénom que ses parents auront choisi pour lui et le patronyme qu’il recevra d’eux. Il entrera ainsi dans une histoire familiale. Sa liberté se développant au fil de sa croissance, il apprendra – ou pas – à faire sien ce qu’il aura reçu. L’évangile nous livre des exemples fameux de naissance et d’étonnement face au nom choisi pour l’enfant : rappelez-vous Jean-Baptiste et Jésus. Mais il y a là quelque chose de capital. En entrant de même dans la liturgie du baptême, à la porte de l’église, le prêtre demande solennellement aux parents : « Quel nom avez-vous choisi pour votre enfant ? ». 


Baptisés, nous recevons certes un nom, celui qui nous confère une identité sociale, mais bien plus encore. Nous entrons dans une communauté de nom, en étant baptisés « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Nous découvrons alors la nature et l’origine de notre véritable identité. Elles résident dans l’initiative de Dieu qui veut faire de nous ses familiers, ses intimes. Nous sommes pris dans les relations qui unissent entre elle les personnes divines. La Trinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit devient notre milieu naturel, notre terreau familial. Pour preuve, nous le rappelons à chaque fois que nous enveloppons du mystère trinitaire quand nous nous drapons littéralement du signe de la croix en disant : au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.


« Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, […] – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? ». Devant ce choix, inouï, il faut bien le dire, d’être l’objet de l’initiative divine, Moïse intime à ce peuple de bien mesurer sa chance et de « garder les commandements » du Seigneur. C’est là le gage de sa prospérité. Il s’agit donc de demeurer au cœur de cette relation, de persévérer dans cette communauté de nom. C’est ce que saint Paul souligne en affirmant : « tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » 


Contrairement à notre identité sociale, dont peuvent attester nos papiers, l’identité reçue à notre baptême demande d’être cultivée et entretenue. Nous savons bien que dans une famille il en va de même. Et on est souvent prompt à le faire pour préserver l’équilibre, le vivre-ensemble, l’harmonie. Ici nulle place pour la peur ou la crainte car l’Esprit reçu est celui « qui fait de nous des fils » et nous ouvre à une relation filiale avec Dieu au point de l’appeler « Père ». « C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » ajoute encore l’apôtre. Cette connaissance ne vient pas de nous : elle n’est ni le résultat de notre intelligence rationnelle, ni le fruit de nos mérites. Elle est pure grâce. Par le baptême que nous avons reçu, au nom de la Trinité, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous sommes entrés dans un réseau de relations avec Dieu dont rien ne peut nous séparer. Nous sommes intégrés à cette relation avec Dieu, pas simplement comme des serviteurs un peu stupides à qui l’on demanderait de prier au moment fixé, sans pouvoir toucher la relation avec Dieu ni la susciter, nous entrons avec Dieu dans une relation d’enfants avec leur Père.


En fêtant la Trinité, nous fêtons notre propre condition : celle dans laquelle nous sommes intégrés à notre baptême et dont nous avons à prendre soin chaque jour. Vous vous demandez quel régime adopter à cette fin ? Regardez le Christ, aimez-le et imitez-le. Rien de plus. Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du temps. Il est notre porte d’entrée dans la vie divine. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 22 mai 2021

Homélie pour la solennité de Pentecôte - 23 mai 2021

Nous avons encore tous en mémoire le violent incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019. Le monde entier est resté stupéfait et bouche bée devant les images du vaisseau huit fois centenaire ainsi la proie des flammes. Nous avons été marqués, nous avons été attristés, peut-être avons-nous pleuré. Rappelez-vous à quelle vitesse nous avons vu le feu se propager engloutissant à vue d’œil des mètres et de toiture et de charpente, si bien que les sapeurs-pompiers, dans une remarquable tactique, décidait pour gagner leur combat de laisser « la part du feu ».


Aujourd’hui, nous entendions dans le récit qu’en font les actes de Apôtres comment le feu s’est répandu sur les apôtres le cinquantième jour après Pâques. Alors qu’« ils se trouvaient réunis tous ensemble », un bruit vient du ciel et qu’ils comparent à un violent coup de vent. L’intérieur du cénacle, cette chambre haute dans laquelle ils sont retirés, en est rempli. Apparaissent des « langues qu’on aurait dites de feu ». Et ce feu se répartit pour venir se poser sur chacun d’eux. L’incendie de Notre-Dame nous a rappelé, s’il le fallait, combien le vent peut propager le feu. La Bible nous enseigne que l’Esprit est comparable à un souffle, tantôt brise légère, tantôt vent violent. On ne sait ni d’où il vient, ni où il va. Cela signifie bien que Dieu a toujours l’initiative de la communication de son Esprit : « l’Esprit de vérité qui procède du Père », comme le rappelle Jésus dans l’évangile de Jean. Pourtant à la différence du feu, qui ravage et détruit, l’Esprit est un « Défenseur » et il établit dans la vérité. Il n’est donc pas à fuir mais à demander. Il est vrai que, parfois, cet Esprit purifie aussi pour enlever en nous ce qui est mort et doit être délaissé, pour « ne pas satisfaire aux convoitises de la chair ». 


Vous aurez remarqué combien le feu, quand bien même il se sépare, reste pleinement du feu et ne perd rien en intensité. Il en est de même quand il se pose sur les apôtres et Marie au Cénacle. Chacun ne reçoit pas une part seulement de cet Esprit, mais il le reçoit tout entier. Ainsi « tous furent remplis d’Esprit Saint ». Imaginez donc seulement un instant ce à quoi pourrait ressembler l’Eglise, le monde, si chacun d’entre nous qui avons reçu l’Esprit à notre baptême, nous qui avons reçu cette force spéciale en vue du témoignage à notre confirmation, laissait en lui, en elle, la « part au feu ». Combien nos existences en seraient radicalement transformées en laissant agir en nous cet Esprit de Dieu lui-même et dont l’accueil décuplerait nos forces et nos capacités. De la peur, les apôtres passent à l’ardeur de la mission. De leur intelligence lente à croire, à la plénitude de la connaissance. De leur individualité à l’universalité. 


Les apôtres, au sortir du cénacle, parlent et chacun les comprend dans sa propre langue d’origine. Ce qui nous fait comprendre que la Bonne Nouvelle de l’Evangile ne concerne pas que certains qui seraient plus capables de l’accueillir que d’autres, parce qu’ils en maîtriseraient la langue, les concepts ou l’intelligence. Cette Bonne Nouvelle rejoint chacun au cœur de la particularité de son existence, de sa culture et de ses orientations. Pour nous, cinquante jours après le sacrifice de l’Agneau véritable, le Christ, nous ne célébrons plus le don de la Loi que le doigt de Dieu a écrit sur des tables de pierre, mais l’action de son Esprit qui grave la loi nouvelle au fond des cœurs et les embrase de son amour. Cela n’est donc plus une action extérieure dont nous serions les spectateurs, mais quelque chose d’intérieur dont nous devenons participants : Dieu vient habiter en nous. La Bonne Nouvelle de Pâque prend chair en nous. Elle nous consume.


Chères catéchumènes, voici le feu dont vous allez prendre, voici le don que Dieu vous fait aujourd’hui. Ne regardez pas tant chez nous le feu qui couve, que les braises ardentes que l’Esprit maintient en nous. Ne laissez pas s’étendre ce feu sacré. L’Esprit vous entraînera à vous dépasser vous-mêmes, au-delà de ce que vous imaginez. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


mardi 11 mai 2021

Homélie pour la solennité de l'Ascension du Seigneur - jeudi 13 mai 2021

Michel Fourniret est mort lundi. On aurait préféré que les sordides exactions de « l’ogre des Ardennes » ne soient que fiction. Un scénario imaginaire, exorcisant nos pires terreurs. Condamné à la perpétuité incompressible, il fut reconnu coupable en 2008 par la cour d’assises des Ardennes des meurtres de sept jeunes filles, âgées de 12 à 22 ans ; Un film au final plombé, qui se conclut sur trop de questions sans réponses, sur une insupportable frustration pour le père d’Estelle Mouzin et des 21 disparues dont les « cold cases » devaient être réexaminés. Pour ces familles qui resteront peut-être à jamais sans réponse, c’est sans doute une seconde mort. C’est cette souffrance que je vous invite à considérer.


Les apôtres, et parmi eux Marie au tout premier plan, avaient été confrontés à la mort brutale et violente de Jésus. Celui-là même qui, acclamé par la foule comme « roi » alors qu’il entrait dans Jérusalem, et condamné à mort cinq jours plus tard sous les cris vindicatifs de cette même foule, avait été mis à mort comme un criminel. Eux savaient que c’était un homme de bien, qui avait guéri tant de souffrances et prêché l’imminence du royaume de Dieu. Non seulement l’atrocité de la mort de Jésus, mais aussi son honneur ainsi jeté en pâture, avait été pour eux insupportable. Voilà aussi qu’ils s’étaient faits, habitués, à la présence déroutant mais réelle de Jésus ressuscité. Ils avaient progressé dans cette connaissance, constant qu’il était tout à la fois bien le même et profondément autre. Eux qui pour certains avaient repris le cours de la vie d’avant, avaient été réconforté de cette présence. Il ne les avait pas abandonnés. Il est plus fort que la mort. Sa bonne nouvelle n’est pas une duperie de plus dans le concert des opinions du monde.


Pourtant, quarante jours après Pâques, Il leur apparaît à nouveau et leur parle du Règne de Dieu. Il promet une force d’en-haut, celle du Saint-Esprit, en leur rappelant qu’ils ne sont pas les maîtres du temps. Ne sera-ce qu’une espérance déçue ? Pour l’heure ils ne le savent pas. Alors sans doute vivent-ils ce départ comme une « seconde » mort, un abandon. La preuve, par crainte des Juifs, ils se rassembleront et s’enfermeront ensemble au Cénacle. 


Pourtant, cette apparente absence désormais est un passage obligé. Elle constitue en fait un passage de témoin : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Et curieusement la verticalité de l’ascension va céder la place à l’horizontalité du groupe des disciples. Alors qu’il le voit s’élever et qu’« une nuée vint le soustraire à leurs yeux », deux hommes en vêtements blancs les invite à ne pas rester là, à regarder vers le ciel. Ils doivent maintenant répondre à leur vocation : proclamer la Bonne Nouvelle. Progressivement, et par le don de l’Esprit, ils vont saisir que le corps du Christ n’est pas ou plus seulement circonscrit dans le corps physique de Jésus, ni même dans la matérialité de son corps ressuscité. L’Ascension révèle que le corps du Christ sera désormais le Christ total, Christus totus selon le mot d’Augustin : la tête et les membres. C’est ce que l’oraison d’ouverture de la cette messe formulait en ces termes : « nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c'est là que nous vivons en espérance. »


A nous de répondre à la question de saint Cyrille d’Alexandrie : « Si nous formons tous entre nous un même corps dans le Christ, et non pas seulement entre nous, mais avec lui, puisque évidemment il est en nous par sa propre chair, comment donc notre unité entre nous et dans le Christ n'est-elle pas déjà visible ? » A nous d’implorer le don de l’Esprit pour qu’« en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps ». L’Ascension du Christ sera, non une seconde mort, mais bien, déjà, notre victoire. Celle qui nous fait entrevoir ce que nous sommes. 



AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 7 mai 2021

Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques (B) - 9 mai 2021

Gagner son ciel… C’est, par-delà le côté quelque peu désuet de la formulation, que se pose le problème pour un bon nombre de chrétiens. Gagner son ciel, ou pour dire les choses autrement : se concilier l’amitié de Dieu, sa bienveillance, sa protection, sa clémence, sa grâce. Ou tout à la fois, d’ailleurs. Gagner son ciel, c’est-à-dire ce qu’il conviendrait de faire pour nous rendre intéressants et aimables aux yeux de Dieu, attirer son attention aimante sur nous, en nous faisant remarquer par notre bien-vivre. Le langage scout parlerait ainsi de « bonnes actions » qu’il s’agirait de « capitaliser » comme des points en vue d’une retraite, qui serait ici la récompense de la vie éternelle. Cette vision du christianisme est fausse, et dans un certain sens hérétique. 


Peut-être vous sentez-vous, en raison de la manière dont vous conduisez votre vie, ou bien d’erreurs du passé, ou bien de souffrances toujours vives, incapables de goûter pleinement l’amour de Dieu ; peut-être vous en estimez-vous indignes. Réécoutez alors avec attention ce que Jésus vient de nous dire : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Et si nous n’avions pas encore compris, saint Jean insiste : « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. » Il ne s’agit donc pas tant de nous hisser au niveau de Dieu – ce qui serait impossible – que de le laisser nous rejoindre et nous laisser saisir par son amour. 


C’est l’expérience assez déroutante à vrai dire qui se vit à Césarée et que nous relate le livre des Actes. Alors que Pierre est interpellé par Corneille, un centurion de l’armée romaine, l’Esprit descend sur tous ceux qui écoute sa prédication et se manifeste. Les juifs dans l’auditoire sont stupéfaits. Comment cela est-il seulement possible que l’Esprit de Dieu soit accordé à des hommes et des femmes qui ne partagent pas la foi d’Israël, la foi de ce peuple que Dieu a fait dépositaire de ses commandements ? Il s’est lié à ce peuple qu’il a établi comme son élu et, maintenant, il se « donnerait » à d’autres à des païens ? Cela ne serait-il pas trop facile alors qu’eux, pour le coup, se fatiguent jour après jour à respecter les termes de cette alliance ? La grâce de Dieu ne s’enchaîne pas, elle est plus large et généreuse que les frontières dans lesquelles les hommes, même les hommes croyants, voudraient l’enfermer. 


Gagner son ciel, ou plutôt laisser le ciel nous gagner. Voilà désormais en quels termes se pose la question et voilà comment Jésus vient la renverser. C’est cette même personne, Jésus, qui se fait proche de nous au point de venir en nous chaque fois que nous communions à son corps. L’amour de Jésus va jusque-là. Il est à nos côtés à chaque instant. Il se propose à nous pour nous remplir de sa vie et de son amour. Alors si, bien sûr, il y a dans chacune de nos existences humaines des causes de souffrance et de tristesse, si nous n’avons pas tous les jours l’occasion d’être dans la joie, ce n’est pas la bonne fortune qui nous rend heureux, c’est la promesse de Dieu de nous aimer plus que tout et jusqu’au bout. Cette vraie joie vient de la parole de Jésus à ses disciples : « je ne vous appelle plus serviteurs mais je vous appelle amis » (Jn 15,15). Nous ne sommes plus par rapport à Dieu comme des serviteurs, nous sommes devenus les amis du Christ et les amis de Dieu, non pas parce que nous serions montés en grade, mais parce que Dieu nous a dévoilé le secret de son mystère qui est la miséricorde et le pardon. Oui, nous avons été choisis, nous avons été appelés, nous avons été établis comme Jésus nous le dit : pour porter du fruit et un fruit qui demeure. 


Le 20 janvier 1961, le président américain Kennedy disait, dans son discours inaugural : « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Je vous dis aujourd’hui : « ne vous demandez pas ce que le ciel peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour Dieu. Demeurez dans l’amour du Christ qui vous saisit. Le ciel vous est acquis. »


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 1 mai 2021

Homélie pour le 5ème dimanche de Pâques (B) - 2 mai 2021

Il y a 11 ans maintenant, j’héritai d’un presbytère qui était une noble bâtisse du XVIIIe siècle. Mais avant qu’elle ne devînt presbytère au cours du XIXe siècle, elle fut d’abord la propriété d’une famille de viticulteurs juifs. En souvenir de ces temps passés, et en fidélité avec cette continuité entre la première et la nouvelle Alliance, non sans malice pour ma propre sustentation automnale, je demandai à des vignerons, et paroissiens, de planter dans le jardin du presbytère une rangée de plants de vigne. Commençait pour moi une aventure jusqu’alors ignorée et qui devait se poursuivre jusqu’à la terrasse désormais du presbytère de St-Maurice, même si cela prit de fait une allure plus modeste. J’appris donc que la vigne, végétal si symbolique et présent dans la Bible, a non seulement besoin d’un soin constant mais aussi d’être d’une certaine manière maltraitée. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle porte du fruit, un bon fruit. Laissez la vigne se développer de manière anarchique, elle s’épuisera et perdra de la vigueur. Taillez-la, réduisez ses sarments, n’en gardez au printemps que deux par plants, elle sera au contraire généreuse.


Il n’est donc pas étonnant que la vigne ait servi d’image familière dans la Bible pour exprimer cette réalité de la relation entre Dieu et son peuple. Ainsi Israël est la vigne de Dieu. Dans les évangiles synoptiques, Jésus reprend l’image de la vigne dans une de ses plus virulentes paraboles où il dénonce la fourberie des responsables et dirigeants qui n’ont jamais accepté de se convertir aux appels des prophètes et qui maintenant se préparent à mettre à mort l’ultime envoyé, le Fils même de Dieu. La conclusion tombe comme une menace terrible : « Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, il fera périr les vignerons et confiera la vigne à d’autres » (Matt 21, 33 ; Mc 12, 1 ; Luc 20, 9). Chez saint Jean, l’image de la vigne connaît son aboutissement plénier : la vigne n’est plus une nation, un territoire mais Quelqu’un. Son succès n’est plus menacé mais assuré et plantureux.


La « vraie » vigne, en réalité, c’est Jésus. « Je suis la vigne et mon Père est le vigneron ». Désormais, le plant choisi par le vigneron, n’est plus Israël, mais Jésus, le Bien Aimé. Mais que peut-il y avoir en effet de commun entre Dieu et nous ? Comment peut-on imaginer qu’il existe une sorte de sève conductrice de la vie qui circule entre Dieu et l’humanité ? Jésus est le cep et les disciples sont les sarments. C’est-à-dire qu’ils participent à la vie du Christ comme les branches participent à la vie du cep auquel ils sont attachés. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit ! ». La création, le monde que nous connaissons, et notre propre vie dans ce monde, sont comme une prolongation la vie de Dieu lui-même. La communion que le Christ exprime en disant qu’il demeure dans le Père et que le Père demeure en lui et que nous sommes appelés nous aussi à demeurer dans le Christ, et par le Christ à demeurer dans le Père, nous fait comprendre que rien ce qui fait notre vie, jusque dans les détails, ne reste étranger à Dieu. Dans tout cela, Dieu est impliqué, ou du moins il veut être impliqué si nous lui en laissons l’espace. Il arrive que la Parole de Jésus « purifie le sarment », l’Evangile taille alors dans nos prétentions égoïstes, dans nos recherches vaniteuses, dans les soucis du qu’en dira-ton afin que nous soyons focalisés sur un seul but : porter le fruit que Dieu demande.


Demeurer dans le Christ et que le Christ demeure en nous ! Pour cela il faut suivre ses commandements. Non pas simplement acquérir une sorte de sagesse bienveillante ou un catalogue de choses interdites ou autorisées, mais passer de la parole aux actes, comme nous le dit l’épître de Jean : « n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » (1 Jn 3,18). Dieu n’attend pas forcément de nous une obligation de résultats, mais de moyens. Il n’attend pas de nous que nous soyons parfaits mais qu’en vérité nous le désirions. Alors sa vie passe dans la nôtre. Alors « si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. »


AMEN.


Michel STEINMETZ †