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vendredi 28 janvier 2022

Homélie pour le 4ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 30 janvier 2022

Je ne sais si vous avez déjà fait l’expérience, assez déroutante pour le reste, de vous regarder dans un miroir. Certains se pâment, d’autres se désolent. L’expérience est d’autant plus scabreuse quand le miroir est déformant, vous le savez si vous avez déjà fréquenter les stands d’une fête foraine. Sans aller jusque cela, l’image renvoyée par un vieux miroir pigmenté de rouille donne une vision, elle aussi, quelque peu délabrée, dirons-nous. 


Pourtant c’est là une expérience commune, au moins à en croire saint Paul, vision qui marquerait notre condition présente face à Dieu : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face ». Et à l’apôtre de poursuivre : « Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. » L’image que nous pouvons avoir de nous-même n’est pas forcément ni avantageuse, ni flatteuse. Bien souvent d’ailleurs nous nous arrêtons à cette image ou nous essayons de la parfaire avec quelques subtils artifices. Ou bien, adeptes de la méthode Coué, nous arrivons à nous convaincre, ou bien nous refoulons les aspérités, les manquements ou les trahisons que nous portons. Pourtant Paul nous rappelle que, quel que soit le « flou » dans lequel nous nous trouvons, un autre déjà, Dieu lui-même, nous connaît, plus intime à nous-même que nous-même, selon la belle formule de saint Augustin. 


Cette connaissance de Dieu nous précède, comme en témoigne le prophète Jérémie avec les paroles à lui adressées par le Seigneur : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ;  avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ». Beaucoup – et ils sont trop nombreux – s’imaginent que Dieu nous considère une fois que nous aurons fait des choses, ou quand nous pourrons nous présente devant lui les mains plus ou moins remplies. Or c’est l’inverse qui se produit. Nous sommes le fruit de la volonté aimante de Dieu. C’est lui qui nous a faits, et nous sommes à Lui. Son initiative est toujours première. C’est encore ce que nous faisait chanter le psaume, en reprenant à notre compte ses mots : « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance, mon appui dès ma jeunesse. Toi, mon soutien dès avant ma naissance, tu m’as choisi dès le ventre de ma mère. »


Le décalage entre l’image que nous percevons de nous-même et ce que nous sommes réellement pour Dieu se ressent parfois, hélas aussi, dans le regard que les autres portent sur nous de manière fausse ou inappropriée. Alors que Jésus se révèle d’une certaine manière dans la vérité de son mystère en faisant se confondre sa parole et la Parole de Dieu à la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre », il se retrouve en proie à l’interrogation d’abord et à l’hostilité ensuite de ses compatriotes. Comme si le monde ne supportait pas la lumière ou l’évidence qui ferait le propre de la claire vision. De fait Jésus précède la pensée des habitants de Nazareth. Il sait qu’ils se réfèrent à ce qu’ils ont entendu dire de lui et de ce qu’il a fait lorsqu’il était à Capharnaüm. Lui, Jésus, les renvoie au temps de prophète Elie et de sa mission à Sarepta, et encore à Elisée envers Naaman le Syrien. 


A ceux donc qui ne supportent pas de voir ce que Dieu voit, de consentir à changer leur regard et à le convertir pour dépasser les apparences, point de miracle ne s’opèrera. Jésus, passant au milieu d’eux, ira son chemin. Mais en revanche pour ceux qui accepteront que Dieu porte son regard sur eux, tels qu’ils sont et non tel qu’ils se rêvent, « ce qui est partiel sera dépassé ». Eux seront pris dans l’amour de Dieu. Soyons de ceux-là. 

AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 15 janvier 2022

Homélie pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 16 janvier 2022

Nous connaissons bien cette page d’évangile, peut-être même trop bien au point d’en avoir une lecture plate et sans relief. A y regarder de plus près cependant, elle ferait pâlir d’envie les meilleurs scénaristes du monde. Tout commence avec une fête, sans doute bat-elle son plein. Comédie. Le vin vient à faire défaut : imaginez un apéritif de mariage sans champagne ou crémant. Drame. Comédie dramatique ou drame comique ? On ne sait trop, mais ce qui est sûr c’est qu’il y aura une « happy end ».

 

Les noces de Cana pourtant sont bien plus que tout cela. C’est le premier signe que Jésus accomplit au début de son ministère public. Le premier miracle qui va profondément éclairer le sens de tous les autres, jusqu’à sa mort et sa résurrection. A Cana, Jésus nous indique quelle est la teneur de sa mission, pourquoi Il est venu se faire proche de nous et ce qu’Il entend accomplir. Nous venons de commencer le temps liturgique dit « ordinaire » : l’évangile que nous venons d’entendre fait encore le lien avec ce que nous avons célébrer les dernières semaines. A Cana, Jésus manifeste la puissance de Dieu, comme elle a été révélée au bord du Jourdain à son baptême, et comme les mages l’ont confessé avec leurs présents. Nouvelle épiphanie, donc.

 

Au moment de la présentation des dons, à la messe, le prêtre accomplit un rite discret, qui s’accompagne de paroles dites à voix basse. Il verse une goutte d’eau dans le vin du calice. Il dit : « comme cette eau se même au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a voulu prendre notre humanité ». De fait, la tradition a vu, et avec elle la Bible, à la fois dans l’eau le symbole de l’humanité et dans le sang celui de la divinité. Du côté ouvert du Christ sur la croix, jailliront le sang et l’eau, jaillissement qui fera dire au centurion romain : « Celui-là était vraiment le Fils de Dieu ». De l’eau et du sang du Christ naîtra l’Eglise et, avec elle, les sacrements, c’est-à-dire la présence toujours actuelle et agissante du Sauveur dans l’histoire des hommes et le moyen de nous unir à Lui.

 

Aujourd’hui donc, à Cana, les convives à la noce commencent à manquer de vin. Il nous est permis de voir, par extension métaphorique, en ses invités toute l’humanité conviée à la fin des temps aux noces de l’Agneau. De même, le vin qui se tarit symbolise la part de divinité qui vient à faire peu à peu défaut à l’humanité en quête du salut. Marie intercède et se tourne vers son Fils. Devant une telle désolation, elle qui conserve tout dans son cœur depuis le premier jour, sait que son Fils peut inverser le cours apparemment inéluctable des choses. Que fait alors Jésus, lui « Dieu-avec-nous » ? Il demande qu’on remplisse d’eau les six jarres qui servent aux purifications rituelles des Juifs et même qu’on les remplisse à ras-bord. Là encore, cette demande n’est pas anodine. L’eau demeure : c’est notre humanité qui pourtant, sans cesse, est appelée à se purifier. Et Jésus entend toucher l’humanité entière, de manière débordante et généreuse, comme Dieu seul le fait. La présence du Christ opère à elle seule le miracle. A cette humanité dépourvue de toute part divine, Jésus donne en partage le vin de la divinité. Vous noterez qu’il ne s’agit pas d’un retour en arrière, à un état précédent, comme si la fête pouvait se poursuivre sans qu’on ne remarque une différence. « Le maître du repas appelle le marié et lui dit : ‘Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant.’» Ainsi, le miracle de Cana montre à tous combien la présence du Fils de l’Homme qui va consentir à épouser notre humanité change radicalement la donne. Ce sera encore meilleur. Ce vin n’est plus le « fruit de la vigne et du travail des hommes ». Il deviendra le « sang de l’Alliance nouvelle et éternelle », sang du Christ versé pour que nous ayons la vie et que nous partagions cette vie.

 

Pour peur que nous le voulions peu, par notre baptême, c’est ce sang qui coule dans notre veines désormais sauvées et immortelles. Aucun scénariste ne pourrait imaginer cela. Seul Dieu le peut, car à Dieu rien n’est impossible.

 

AMEN.

 

 Michel Steinmetz

vendredi 7 janvier 2022

Homélie pour la fête du Baptême du Seigneur (C) - 9 janvier 2021

Le lien, qui me semble pourtant évident, entre la religion et la foi semble mis à mal ces derniers temps et vient donc, comme par ricochet, interroger notre propre identité de croyant. Qu’est-ce qu’un croyant ? Que sommes-nous en définitive ? Ainsi, nous avons constaté ces dernières semaines des politiques qui, au nom de défendre les valeurs éternelles de la France, s’afficher devant des crèches pour Noël, quand bien même ils ne sont eux-mêmes pas chrétiens. Débat aussi ancien de crèches dans l’espace public de bâtiments officiels car faisant partie des « traditions ». Bref, un christianisme vidé de toute nécessité de foi, rangé parmi les produits du terroir qui ferait une nation et qui risquerait dangereusement d’être exploité comme une idéologie parmi d’autres. Ou encore un christianisme édulcoré de fait car privé du Christ, voire lui demandant d’aller voir ailleurs car sa croix serait outrageusement une provocation. Frères et sœurs, peut-être chrétien sans croire ? A quoi le baptême nous engage-t-il ?


Nous faisons aujourd’hui mémoire du baptême de Jésus sur les rives du Jourdain, dont la liturgie nous donnait à entendre le récit, il y a un instant. Or déjà en ce temps-là, l’évangile nous rapporte que nombreux sont ceux qui boivent les paroles, sans doute brillantes et énergiques, de Jean-Baptiste au point de le prendre pour le Messie attendu. Lui, pourtant, ne laisse pas s’opérer cette usurpation d’identité qui lui aurait été pour le moins gratifiante. « « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » A cette foule qui demande des signes et dont le désir de changement lui ferait s’attacher à tout prédicateur un peu radicalisé, le Précurseur prend du recul. Le baptême qu’il prêche et qu’il dispense est un rite. Il ne se suffit pas à lui-même ; il n’est que l’expression publiquement affirmée d’un désir de conversion et de préparation au Royaume de Dieu qui vient. Son baptême à lui ne donne pas la foi et ne la suppose pas. Par contre, le baptême que le Fils de Dieu dispensera sera tout autre. Au cœur de cette foule éprise de conversion, un homme : Jésus. Comme les autres, il demande ce baptême d’eau et le reçoit. Pourtant il n’en a pas besoin, ni pour lui-même ni pour les autres. Nul besoin que le Christ s’engage à la conversion. Il décide cependant de communier à ce désir, de partager l’attente de ces hommes et de ces femmes. En étant baptisé, paradoxalement, c’est lui qui sanctifie les eaux et donne à ce rite un sens nouveau.


A la différence des autres évangélistes, Luc ne fait pas coïncider le moment du baptême à la manifestation de Dieu par les signes des cieux ouverts, de la colombe qui apparaît et de la voix du Père qui se fait entendre. Cela intervient, tout juste après, alors que Jésus est en prière. C’est la foi ! Non que les autres ne l’aient pas, nous n’en savons rien, mais Jésus, par son attitude, en montre ici la nécessité. Pour que le baptême donné et reçu porte du fruit, l’initiative de Dieu envers nous a besoin de notre réponse de foi. Le baptême donne la foi et la suppose. Mais un baptisé sans foi reste un païen. On peut mal croire, avoir du mal à croire, mais on n’est pas dispensé de s’y essayer. 


Croire, ce sera consentir à faire l’expérience, souvent humble et pauvre, que le baptême inauguré ce jour par Jésus donne sens à nos existences. En Jésus, Dieu se manifeste, et, une fois encore, se fait tout proche. Il apporte la consolation tel un père envers son enfant. Quand un papa console son enfant qui vient de tomber, il ne peut lui enlever comme par magie sa peur ou sa souffrance : mais sa présence aimante vaut tous les médicaments. Le bain du baptême nous fait sans cesse renaître quand la vie semble nous engloutir ; il nous renouvelle dans l’Esprit-Saint. 


Frères et sœurs, ne réduisez pas votre christianisme à une structure de pensée, au marqueur d’une identité, ou à des valeurs. Sans Christ, il n’est rien. Et vous n’êtes plus rien. Attachez-vous à lui car Dieu trouve sa joie en vous.  


AMEN.


Michel STEINMETZ †