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vendredi 27 août 2021

Homélie pour le 22ème dimanche du temps ordinaire (B) - 29 août 2021

Retournement de situation ! Voilà ce qui peut bien caractériser les lectures qui viennent d’être proclamées au milieu de nous. Retournement de situation, tel un bon scénario qui tiendrait en haleine, mais retournement exigeant car il est toujours de l’ordre de la conversion. C’et là que le retournement n’est plus délectable au sens où l’on s’en repait, mais contraignant parce qu’il vient bouleverser la vie. 


Le premier renversement, c’est celui annoncé par Moïse au peuple élu, dans le livre du Deutéronome. Comment cette nation peut-elle se rendre désirable et estimable aux yeux de tous ? Comment peut-elle susciter le respect et l’admiration de tous ? Moïse offre une réponse qui vaut pour nous aujourd’hui. Non par une communication bien huilée, ou un art consommé de l’accommodement, mais par le témoignage. Ce dernier vaut dans un double sens. Tout d’abord le témoignage rendu à Dieu lui-même : le peuple doit consentir à ne pas s’attribuer à lui-même ses propres mérites. Il tient tout de la généreuse libéralité de Dieu. C’est Lui qui ne cesse de le guider hors de ses asservissements jusqu’à une terre opulente de liberté. Le témoignage rendu à Dieu sera de surcroît un témoignage donné aux nations. C’est parce que le peuple sera fidèle à ce que le Seigneur attend de Lui, à ses ordres et à ses commandements, qu’il y trouvera sa force. Cette intégrité de la foi et dans la foi suscitera l’étonnement. 

« Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront :  ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? »


Le deuxième renversement est celui qu’évoque Jésus à la fin de l’évangile. Alors que les pharisiens, et avec eux quelques scribes, venus tout exprès de Jérusalem, s’indignent de voir des disciples de Jésus prendre leur repas s’en être au préalable suffisamment purifiés, Jésus leur fait remarquer qu’ils demeurent prisonniers d’un formalisme mortifère. En effet, citant le prophète Isaïe, il rappelle qu’il est bien commode d’honorer Dieu des lèvres, mais bien plus exigeant de la faire en vérité selon son cœur. Les pharisiens ne s’embarrassent guère de se laisser « retourner » par la Parole de Dieu. Ils estiment que le seul respect des règles pourrait les sauver. Or la conduite honnête de l’homme droit ne peut se limiter à une telle pratique. Il en va de même pour le chrétien. On peut à l’envi rabâcher tel un perroquet qu’il faut faire telle chose et surtout pas une autre ; on peut à l’envie stigmatiser celles et ceux qui n’observent pas ces préceptes, en s’érigeant en juge, que l’on oublie si facilement de se laisser convertir. Car ces Juifs dans l’évangile sont à la fois les auteurs et les victimes d’un retournement pervers : ils ont confondu les moyens et les fins. Les commandements ne sont jamais une finalité : ils sont autant de chemins qui mènent à Dieu comme des aides, ou des béquilles, pour ne pas s’égarer chemin faisant. Il n’est de commandement ultime et indépassable qui ne s’enracine en l’amour. C’est le tamis par lequel nous devons tout passer. « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses » ; et c’est ce cœur qui doit être retourné et converti. C’est là que peut se loger le mal. Nulle part ailleurs. 


C’est dans ce cœur, débarrassé du peccamineux qui l’encombre, que nous pourrons recevoir « les présents les meilleurs, les dons parfaits, [qui] proviennent tous d’en haut, [et qui] descendent d’auprès du Père des lumières » et accueillir « dans la douceur la Parole semée en [nous] ». Frères et sœurs, laissez-vous donc retourner sans perdre de vue le terme du chemin qui est Dieu lui-même ! 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 14 août 2021

Homélie pour la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie - 15 août 2021

Il y a quelques années, le chanteur belge Stromae se faisait une belle notoriété en chantant : « Formidable, formidable ». Et j’avais un grand-oncle qui, avec un peu plus d’accent alsacien que Stromae, n’arrêtait pas de dire, au gré de ses récits : « C’est une merveille ! ». Frères et sœurs, oui, c’est formidable et merveilleux. Formidable et merveilleux, l’Assomption de la Vierge Marie dont nous faisons mémoire ce jour.

 

Pourtant, dire que le fait que Marie, à sa mort, est préservée de la dégradation et la putréfaction du tombeau, en montant au ciel avec son âme et son corps, n’a rien de formidable au sens où cette montée serait un spectacle là précisément pour nous émerveiller. Car cela sous-entendrait que nous ne serions que les spectateurs à la fois ravis et béats de la faveur accordée à la Vierge Marie, et dont nous nous sentirions en quelque sorte étranger. Il est vrai que Marie que nous vénérons comme la Mère du Sauveur, avec tous les titres encore que la piété et la dévotion lui ont attribué au fil des siècles, est digne d’un tel traitement. Elle, choisie par Dieu dès l’origine, a été parfaitement en harmonie avec volonté de Dieu : « que tout se passe pour moi selon ta Parole ! ». Spectateurs encore désarçonnés devant le paradoxe qui traverse l’Histoire entre le « sanctuaire de Dieu » révélé par le visionnaire de l’Apocalypse et le mystère d’un mal qui se déchaîne et qu’évoquait la figure du dragon. Ce mal semble tout précipiter à sa perte, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Et la seule solution est, au moins dans l’Apocalypse, la fuite au désert, donc loin de tout, là où Dieu lui a préparé une place. Mais devant ces luttes acharnées entre le Bien et le Mal, la vie surgit et avec elle la promesse éternelle de Dieu : « un enfant nous est donné ».

 

Entre ce bas-monde et le ciel, entre ces deux points, la victoire de Jésus, en sa mort et sa résurrection, vient dessiner une ligne. Et nous le savons : une ligne ne peut exister qu’entre deux points. Là encore, nous serions tentés de nous extasier tout en nous raisonnant. Formidable. Dieu ne peut se résigner à ce que son Fils échoue. Jésus, dans sa fidélité au Père, traverse les frontières de la mort et dépasse toutes les entraves terrestres dans lesquelles la queue du Dragon, de l’auteur du Mal, prendrait plaisir à l’y précipiter. C’est chose faite : la communication est rétablie entre ce monde le monde de Dieu. Pourtant elle n’est pas une voie réservée au Fils de Dieu qui, unique, l’aurait empruntée dans le contentement divin. Si cette ligne est tracée, c’est pour que nous l’empruntions à notre tour, pour ne pas laisser nous laisser en spectateurs sur le bord du chemin. Saint Paul affirmait : « le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. » De fait, la résurrection de Jésus appelle une suite.

 

Il est donné à Marie, la première, de vivre pleinement de la grâce de la résurrection, car elle a cru « à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Non seulement sa mort terrestre, physique, biologique, ne la coupe pas de Dieu, elle qui a vécu toute son existence dans la parfaite proximité avec Lui, mais son corps aussi n’est pas atteint par les outrages du temps. Préservé, il est élevé dans la gloire du ciel. Ce corps insigne a porté le Sauveur et l’a donné au monde. En Marie, le Verne s’est fait chair, au point que Jean-Baptiste le reconnaisse dans le ventre de sa propre mère. Il tressaille d’allégresse. Formidable, n’est-ce pas ? Pourtant, l’assomption de Marie n’est pas un privilège insigne accordé à la mère de Jésus et dont, nous, évidemment, nous serions privés. C’est justement parce que Marie est une fille d’Israël, qu’elle a partagé en tout notre humanité, que ce mystère nous concerne. Encore formidable et merveilleux.

 

En quoi l’assomption peut-elle nous concerner ? Dans la résurrection de Jésus, un chemin est tracé pour que nous ayons accès à l’intimité de Dieu et qu’en vérité nous puissions nous situer face à Lui comme des enfants devant un Père aimant. Marie est la première à emprunter cette route. « Elle guide et soutient l’espérance [du] peuple [de Dieu] encore en chemin » (préface). C’est-à-dire qu’elle ouvre la marche pour que nous lui emboîtons le pas par une vie à l’écoute de la Parole de Dieu, par une vie docile et confiante en la volonté de Dieu, par une vie de joyeuse réponse à la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Ce sera formidable et merveilleux.

 

AMEN.

                                                                                                                                                                                                                      

 Michel Steinmetz