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samedi 23 décembre 2017

Homélie de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu et octave de Noël - 1er janvier 2018

Hier soir, en entrant dans la célébration de cette octave de Noël, solennité de sainte Marie Mère de Dieu, nous avons voulu au cours des vêpres rendre grâce pour l’année qui s’achevait. Ce matin, forcément, notre regard est davantage tourné vers celle qui débute. C’est la période des vœux, celle où tout le monde, sans avoir aucune prise aucune sur les mois à venir, se sent obligé, courtoisement et parfois hypocritement, de souhaiter le meilleur à l’autre. Pour certains, ce jour réveille le souvenir enfoui de bonnes résolutions qu’ils se décideront à mettre en œuvre, pour finalement – et comme toujours – les oublier bien vite. D’autres enfin taraudés, voire obsédés par la question du lendemain, se précipiteront sur les horoscopes. Lancinant désir que de connaître son avenir ! Nous entendions pourtant, il y a peu – c’était au début de l’Avent – que nous devons demeurer vigilants « car nous ne connaissons ni le jour ni l’heure ».
 
Ces prévisions sont l’œuvre de charlatans et leurs boules de cristal ne sauraient prédire quel est le dessein de Dieu. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Nul besoin d’ailleurs de le chercher comme s’il était caché. Nous, croyants, disciples d’un Dieu-fait-homme dans la pauvreté de la crèche, nous savons vers quel avenir nous allons. Notre destinée, c’est le Royaume de Dieu. Nous savons que notre monde, qui ne cesse de gémir dans les douleurs d’un enfantement qui dure, va vers son accomplissement. La Parole, logos divin venu prendre notre humanité, poursuit sa course à travers les siècles et porte du fruit. Chaque fois que cette Parole est accueillie pour ce qu’elle est – une Bonne Nouvelle de libération, d’espérance et de grâce – elle transforme ce monde à la manière d’un ferment. Ne vous y trompez pas : rien d’extraordinaire ! Cela se passe avec la discrétion de la naissance de l’Enfant-Dieu il y a huit jours. Depuis lors, Dieu continue de prendre chair en notre cœur. Rendus capables de Lui, Il lie sa destinée à la nôtre. Nous ne sommes plus esclaves d’une condition à laquelle nous ne pourrions rien changer : nous devenons héritier, et donc fils et filles. Noël marque notre entrée dans la famille de Dieu.
 
Notre avenir est donc tracé, à la seule condition qu’il nous impose de l’accueillir et de le désirer par notre liberté. Il se présente à nous dans la richesse de Parole de Dieu, celle que Marie retenait et « méditait dans son cœur ». Voilà donc le seul horoscope qui vaille et je vais vous le donner :
 
 
Signe de naissance : si vous êtes nés entre le 1er janvier et le 31 décembre, vous êtes nés sous le signe de la grâce de Dieu (Tite 2, 11).
Ascendant : astre dominant, c’est la brillante étoile du matin, Jésus-Christ, soleil levant venu nous visiter (Luc 1, 78).
En amour : toujours heureux d’être aimé de Dieu et d’aimer, car rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ (Romains 8, 38).
Santé : « cette parole est sûre : si nous mourrons avec Lui, avec Lui nous vivrons » (1 Timothée 1, 15). Et encore : « ne soyez inquiets de rien » (Philippiens 4, 6).
Argent : « mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus » (Philippiens 4, 19) et « J’ai appris à me contenter de ce que j’ai » (Phlippiens 4, 11).
Evènements : « Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! Ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. » (Matthieu 24, 6) et « cet Évangile du Royaume sera proclamé dans le monde entier ; il y aura là un témoignage pour toutes les nations. » (Matthieu 24, 14).
De manière particulière : « Mes jours sont dans ta main » (Psaume 30, 16) et « Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Romains 8, 28)
 
Avec Marie, et guidés par le seule Parole de Dieu, cette année sera un pas de plus pour chacun vers le Royaume que Dieu nous prépare.
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie des premières vêpres de la solennité de saint Marie, Mère de Dieu - 31 décembre 2017

Ces paroles de saint Paul résonnent avec force. De manière brève et concise, elles nous introduisent dans le projet que Dieu a pour nous : que nous vivions comme fils. Toute l’histoire du salut trouve ici un écho : celui qui n’était pas sujet de la loi décida, par amour, de perdre tout type de privilège et d’entrer par le lieu le moins attendu pour nous libérer nous qui, oui, étions sous la loi. Et la nouveauté est qu’il décida de le faire dans la petitesse et dans la fragilité d’un nouveau-né ; il décida de s’approcher personnellement et, dans sa chair d’embrasser notre chair, dans sa faiblesse d’embrasser notre faiblesse, dans sa petitesse de couvrir la nôtre. Dans le Christ, Dieu ne s’est pas déguisé en homme, il s’est fait homme et a partagé en tout notre condition. Loin d’être enfermé dans un état d’idée ou d’essence abstraite, il a voulu être proche de tous ceux qui se sentent perdus, mortifiés, blessés, découragés, affligés et intimidés. Proche de tous ceux qui dans leur chair portent le poids de l’éloignement et de la solitude, afin que le péché, la honte, les blessures, le découragement, l’exclusion n’aient pas le dernier mot dans la vie de ses enfants. Peut-être nous reconnaissons-nous dans telle ou telle situation, peut-être l’avons-nous vécue à tel ou tel moment de l’année qui s’achève. Si c’est le cas, c’est avec un peu d’anxiété que nous voyons arriver une nouvelle année en nous demandant quel sera son lot de surprises. Le futur dépendrait-il uniquement du hasard ? de la conjonction des planètes ? de l’agencement de paramètres devant lesquels nous ne pourrions rien faire ?
 
La crèche nous invite bien plus à faire nôtre la logique divine. Une logique qui n’est pas centrée sur le privilège, sur les concessions, sur les favoritismes ou le hasard ; il s’agit de la logique de la rencontre, du voisinage et de la proximité. La crèche nous invite à abandonner la logique des exceptions pour les uns et des exclusions pour les autres.
 
Alors qu’une année de plus arrive à son terme, arrêtons-nous devant la crèche, pour remercier de tous les signes de la générosité divine dans notre vie et dans notre histoire, qui s’est manifestée de mille manières dans le témoignage de nombreux visages que nous avons croisés. Remerciement qui ne veut pas être nostalgie stérile ou vain souvenir du passé idéalisé et désincarné, mais bien mémoire vivante qui aide à susciter la créativité personnelle et communautaire parce que nous savons que Dieu est avec nous. Voilà pourquoi notre action de grâce ne se résumera pas à une prière générale mais elle s’incarnera, elle aussi, dans des situations, des personnes pour lesquelles nous dirons ‘merci’.
 
Arrêtons-nous devant la crèche pour contempler comment Dieu s’est fait présent durant toute cette année et nous rappeler ainsi que chaque époque, chaque moment est porteur de grâce et de bénédiction. La crèche nous provoque à ne donner rien ni personne pour perdu, à commencer par nous. Voilà pourquoi aussi, en rendant grâce, nous demanderons pardon : pour ceux que nous avons pu offenser ou blesser, pour la relation avec Dieu que nous avons pu abîmer.  Regarder la crèche signifie trouver la force de prendre notre place dans l’histoire sans nous plaindre et nous attrister, sans nous fermer ou nous évader, sans chercher de faux-fuyants qui nous privilégient. Regarder la crèche implique de savoir que le temps qui nous attend demande des initiatives pleines d’audace et d’espérance.
 
Nous sommes invités à ne pas être comme l’aubergiste de Bethléem qui devant le jeune couple disait : ici il n’y a pas de place. Il n’y avait pas de place pour la vie, il n’y avait pas de place pour l’avenir. Il nous est demandé de prendre chacun notre engagement, même s’il semble peu de chose, en vue d’un avenir toujours à construire. Devant l’année qui finit, comme cela fait du bien de contempler l’Enfant-Dieu ! C’est une invitation à revenir aux sources et aux racines de notre foi. En Jésus la foi se fait espérance, elle devient ferment et bénédiction : « Il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie » (Pape François, Evangelii gaudium, n. 3).
AMEN.
 
Michel STEINMETZ †

vendredi 22 décembre 2017

Homélie de la fête de la Sainte-Famille de Jésus, Marie et Joseph - 31 décembre 2017

Rien ne distinguait ce couple ordinaire qui traversait l’immense esplanade du temple de Jérusalem grouillante de monde : Joseph et Marie étaient montés de Galilée afin d’accomplir deux rites ordonnés par la Loi. D’abord le rite de purification de la mère. Certes enfanter, loin d’être un péché, est une grande bénédiction mais comme il y a eu épanchement de sang, un sacrifice doit restituer la pureté rituelle. « Lorsque s’achève le temps de sa purification (quarante jours), elle amène au prêtre un agneau et une tourterelle...Si elle n’arrive pas à se procurer un agneau, elle prend deux tourterelles » (Lévitique 12). Joseph et Marie manquent de ressources : ils doivent se contenter de l’offrande des pauvres. L’autre rite est beaucoup plus important : il s’agit de la loi du rachat des premiers-nés. Dieu étant le créateur de la vie, toute première éclosion de vie lui appartient ; l’homme doit donc lui offrir les prémices de ses récoltes ainsi que les premiers-nés des animaux ; mais pour les enfants, il est strictement interdit de les sacrifier : ils sont « consacrés » à Dieu (cf. Ex 13).
 
Ces rites religieux paraissent incompréhensibles aujourd’hui dans une société sécularisée où le lien avec Dieu est distendu sinon nié. Les couples disent « qu’ils font un enfant », au moment où ils le désirent, commençant à désirer un enfant « formaté » à leur gré, décidant de le garder ou non. L’enfant ne devient-il pas « un droit », une propriété ? Pour les Anciens, la vie était sacrée, l’enfant d’abord un cadeau de Dieu à demander et accueillir avec respect. Symboliquement on offrait à Dieu un sacrifice pour concrétiser cette conviction : notre fils est à l’image de Dieu, le Seigneur nous le confie, il le place sous notre garde. A nous de préserver cette image, de l’élever dans cette foi, de le rendre conscient de ce privilège, de l’assurer de sa grandeur. A nous, parents, de ne pas nous croire propriétaires : l’enfant n’est jamais une chose mais un sujet, un don de Dieu. Joseph et Marie ont obéi aux lois rituelles, mais Luc parle de « présentation » et non du « rachat » de l’enfant. Jésus est tout de Dieu et tout de l’homme : Dieu l’a offert à Marie à l’Annonciation. Il est saint. Et au contraire c’est lui qui, plus tard, servira d’agneau offert pour racheter les hommes de l’esclavage du péché.
 
Les rites ont été effectués selon les règles mais, si le prêtre de service n’a vu en Jésus qu’un enfant comme les autres, un laïc va reconnaître le Messie attendu. Il s’appelle Syméon (c’est-à-dire : « l’écoutant ») ; il est juste, c’est-à-dire appliqué à réaliser les volontés de Dieu, ‘ajusté’ au Dessein de Dieu,) ; religieux, c’est-à-dire pieux, observant rites et prières). Il attend la Consolation d’Israël (manière, inspirée d’Isaïe 40, de désigner le salut : c’est un homme d’espérance) ; et l’Esprit-Saint était sur lui (comme les prophètes, Syméon est guidé par le Souffle de Dieu, il est inspiré, il reçoit des lumières d’En Haut). Sans doute a-t-il un certain âge cet homme mais, sous l’inspiration de l’Esprit, il est comblé : l’espérance que lui ont transmises les Ecritures n’a pas menti. Oui, enfin, après une si longue attente, le Royaume de Dieu va survenir, le salut s’effectuer, et ce salut est déjà présent, il le tient dans ses bras. L’ange Gabriel avait annoncé un roi glorieux : à présent Marie apprend que Jésus ne s’imposera pas comme une évidence, comme un despote. Le Messie se présentera à la liberté des hommes, on sera pour ou contre lui : l’option dévoilera la droiture ou le mal des cœurs.
A l’homme Syméon, Luc joint une femme : Anne apparaît comme le modèle des pauvres veuves. Le service de Dieu, dans la prière continuelle et la pénitence, ouvre le cœur à l’Esprit et permet d’accueillir la venue du Messie. Cette reconnaissance éveille la joie de partager la Bonne Nouvelle. La femme précède l’homme Syméon dans l’urgence missionnaire.
 
Chers amis, je vous propose d’être ou bien un peu Syméon, ou bien un peu Anne, voire les deux en même temps ! Syméon : celui qui jamais ne désespère de voir les promesses de Dieu à l’œuvre ; il tient bon sans défaillir. Anne : celle qui tient pareillement jusque dans ses vieux jours par le secours de la prière qui fait de son cœur, non quelque chose de rabougri, mais d’ouvert et de généreux.
 
AMEN
 
 
Michel Steinmetz

Homélie de la messe du Jour de Noël - 25 décembre 2017

On est ému devant Dieu en tout petit. L’émotion, pour combien de temps, huit jours ? Cette émotion est peut-être même déjà en train de passer. Vous êtes bien moins nombreux ce matin qu’hier soir… comme tous les ans. On a l’impression que le réveillon et les cadeaux attirent encore un peu à Dieu. Et puis après, on va passer à autre chose. Les textes de la liturgie eux-mêmes, bien solennels comme le prologue de l’évangile de Jean, font, ce matin, peu de place à l’émotion. Pas d’attendrissement inopportun mais le dessein de Dieu qui, depuis nos pères et les prophètes, se déroule jusqu’à ce jour formidable où Dieu descend dans l’arène et vient planter sa tente au milieu de nous. « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ». Nous allons nous empresser de réinstaller Dieu sur son trône de gloire et de surveillance. Dieu moraliste, Dieu juge, gendarme, Divin radar, et même Père fouettard,  qui pourtant, cruelle contradiction, laisse les hommes se débattre avec leurs guerres, leurs cancers, leurs pertes d’emploi, leurs crises, et leurs escrocs. Face à ce Dieu de gloire et de crainte, qu’on a modelé dans la conscience des humains, la profondeur du ciel et le noir de la mort, vraiment, le petit Jésus ne fait pas le poids ! On veut, pour tous les jours, un Dieu sérieux, pas un « fils de l’Homme ».
 
La question nous vient : cela valait-il le coup que le Fils vienne sur terre ? Si ce n’était que pour nous enseigner une morale de comportement, on n’en avait pas besoin. On avait, depuis Moïse, les « commandements de Dieu ». Un bon prophète aurait suffi. Ou bien un ange, le ciel en est plein. Il n’existe aucune autre religion où Dieu se déplace en « personne » chez les hommes pour se faire l’un d’eux,  au point d’en connaître toutes les conditions, y compris celle de la mort. C’est ça, Noël, et les théologiens, qui n’ont jamais eu peur des mots,  ont appelé Incarnation, « dans la chair »,  ce mystère qui fait date dans l’histoire des innombrables religions. Ce mystère, Bonne Nouvelle, est le cœur du christianisme, sa spécificité, son originalité, au point qu’il est plus qu’une religion : il est essentiellement une foi en Dieu fait homme, donc aussi une foi en l’humanité, puisque Dieu, après ça, en fait partie. Dieu s’humanise et l’homme s’en trouve divinisé. C’est dur à croire quand on regarde le 20 heures ! Pourtant, si on n’a pas compris cette bonne nouvelle Noël,  on peut « avoir de la religion » comme on dit,  avec même beaucoup de dévotions et de pratiques, mais ce sera toujours une religion pré-chrétienne, celle d’avant la Nativité.
Dans l’ « admirable échange » qui s’opère aujourd’hui (Dieu se fait homme pour que nous devenions semblables à Lui), dans cette rencontre, il y un combat, ou tout du moins une résistance. L’évangile en témoigne : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. » C’est donc que Dieu ne s’impose pas, mais qu’il demande à être reçu. Aujourd’hui comme hier, la lumière de Noël est fragile. Elle est trésor mis au milieu de nous. L’étoufferons-nous ? La rendrons-nous vacillante ? Ou, au contraire, ferons-nous en sorte qu’elle brille pour que les ténèbres n’aient pas raison d’elle ? Et comment y arriverons-nous ? Sans doute en faisant de cet Enfant un éternel vivant. Pas un objet de connaissance ou de culture. En lui permettant de prendre chair en nous et dans le monde. Cela signifie que Jésus, le Fils de Dieu, est une personne, non une idée ; un ami fidèle, non un juge implacable ; le Seigneur de nos vies qui nous fait aller de l’avant, non celui qui se tiendrait loin de nos préoccupations. Pour que Dieu puisse ainsi s’incarner, associez-la à ce que vous êtes, à ce que vous faites, à ce que vous souhaitez devenir. Vous vous sentirez plus divins.
 
Demain, Noël sera hier, la crèche de l’église et celle de nos salons seront démontées. Restera la présence de Dieu Homme. Jésus va grandir, il va se perdre dans la foule. La foi est de le découvrir, de le rencontrer. Pas encore au ciel, non, mais partout où Dieu nous donne de vivre, de grandir, d’évoluer.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie de la messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2017

Noël nous émeut. Toujours. Grands et petits. C’est pour nous un moment hors du temps, un temps béni où l’amour, la fraternité, la paix semblent pouvoir régner entre nous. Tel un éphémère instant de répit dans le tourbillon de l’absurde et du cynique du monde. Alors nous nous plaisons, voire même nous nous complaisons. Les illuminations dans nos rues, les décors de nos maisons, les effluves de (mauvais) vin chaud à l’étal des marchés de Noël, le goût des bredele, tout cela concourt à nous immerger dans ce doux rêve. Et il y a finalement bien plus encore : c’est le scintillement dans les yeux émerveillés des enfants, par-delà le vagissement d’un autre enfant, couché pauvrement dans une mangeoire. Quel contraste entre ce que nous venons d’entendre proclamer dans l’évangile et ce que nous en avons fait ! Noël se résumerait-il à ce que nous avons bien voulu en retenir par paresse et orgueil ? Chers amis, qu’avons-nous fait de Noël ?
 
Vous vous direz qu’il est opportun pour moi en cette heure de vous inviter à un examen de conscience et, pourtant, je m’y risque en vous réitérant l’appel de Paul : « renoncez à l’impiété et aux convoitises du monde, […] vivez dans le temps présent de manière raisonnable ». Comment pouvons-nous revenir au vrai Noël, à ce qu’il a paradoxalement de provocant et de violent ? Car Noël vient mettre à mal nos bonnes consciences. Déjà, Noël, ce n’est pas une fête dans le calendrier qui serait pour certains l’occasion de revendiquer une identité chrétienne en exhibant des crèches à tout va, mais dans lesquelles l’Enfant-Jésus serait réduit à un objet culturel, socle d’un patrimoine commun aux gaulois de souche. Noël, ce n’est pas plus une occasion laïque de vivre une solidarité quelque peu, et artificiellement, renforcée. Noël vient du latin natalis, qui signifie naissance. C’est donc d’abord le souvenir d’un évènement. Lequel ? Celui dont saint Luc faisait le récit. Pour mieux en saisir l’acuité, transposons-le en notre temps et tentons d’imaginer comment il serait relaté aujourd’hui par les médias. De manière prosaïque, que se passe-t-il ? Un couple, lui est plus âgé, elle sans doute mineure, doivent se soumettre à une contrainte administrative d’un recensement. La jeune fille va accoucher, mais son mari n’est pas le père biologique. Arrivés à destination, ils n’ont pas les moyens de s’offrir une chambre et sont installés de manière précaire dans un appentis sans aucun confort. Elle accouche. L’enfant est déposé au mépris des règles élémentaires d’hygiène dans une mangeoire, enveloppé dans des linges. Les suspects sont rejoints par une troupe de SDF (c’est bien ainsi qu’étaient considérés les bergers à l’époque) qui affirment avoir vu des anges. La mère déclare être enceinte par une puissance divine. Quelques jours plus tard, des étrangers sans papiers – les mages – viendront rendre visite au couple en portant sur eux de l’or – sans doute volé – et d’autres produits considérés comme illicites. Vous en conviendrez : il y aurait là de quoi alerter les services sociaux, ceux de l’immigration, etc… Des mises en examens se profileraient, sans oublier les examens médicaux et psychiatriques. Tout le monde crierait au scandale et la récupération politicienne serait immédiate : certains s’esclafferaient que de faire du feu dans une étable est source de pollution, d’autres vitupèreraient en demandant des contrôles aux frontières, d’autres enfin se scandaliseraient devant un capitalisme sauvage qui augmente les loyers et empêche les familles modestes d’avoir un logement décent. Beaucoup verraient la bien-pensance de tout bord voler en éclat. Peu, assurément très peu, croiraient au signe qui est donné. Et nous ? Que ferions-nous ?
 
Oui, Noël nous provoque et vient nous déranger, aujourd’hui comme hier. De grâce, ne nous voilons pas ce soir dans une culpabilité de mauvais aloi car, oui, c’est jour de fête pour l’humanité qui accueille un Sauveur, manifestation de ce qu’opère « l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ». Pourtant l’humble et pauvre signe de l’enfant emmailloté dans la mangeoire met à mal les idées reçues. Il voudrait « nous purifier pour faire de nous un peuple ardent à faire le bien ». Voilà pourquoi aussi nous n’en aurons jamais fini avec Noël. Les fêtes seront passés mais le Fils de Dieu voudrait continuer à prendre chair dans notre cœur. Serons-nous capables de le garder aussi ouvert, compatissant, perméable et émerveillé qu’il ne l’est en cet instant ?
 
 
AMEN.
                                                                                                   
 
Michel Steinmetz

jeudi 21 décembre 2017

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (B) - 24 décembre 2017

Ce soir même, nous entendrons le récit de la naissance de Jésus selon saint Luc. Joseph quitte Nazareth pour aller à Bethléem qui est appelée « la ville de David » car, explique le texte, « il était de la maison et de la descendance de David. »  Or, dès le premier verset de Matthieu (et donc du Nouveau Testament), il est dit que Jésus est « fils de David ». Ensuite, les gens l’interpellent avec ce titre de « Fils de David » ; les aveugles crient « aie pitié de nous, fils de David ! » (Mt 9,27 ; 20,30) ; la Cananéenne : « aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! » (Mt 15,22) ; les foules, quand il entre à Jérusalem : « Hosanna au fils de David ! » (Mt 21,9). Dans l’évangile de l’Annonciation à Marie que nous venons d’entendre, avez-vous remarqué ce que dit l’ange : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son père, il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1,32). Pourquoi donc est-il si important que Jésus soit « descendant » de David ?
 
David est très vénéré dans le judaïsme. On lui attribue la composition de tous les psaumes et, selon la tradition, il priait Dieu en chantant et en s’accompagnant de la lyre à dix cordes ou de la harpe (cf. Ps 33,2). Pas de doute, c’était un poète, un musicien, un artiste ! C’est ainsi que les peintres et les sculpteurs l’ont souvent représenté ! Mais David fut aussi un pécheur ! N’est-il pas important pour nous de constater que les plus grands personnages bibliques ne sont pas irréprochables. La Bible en effet garde la mémoire de son double péché : son adultère avec Bethsabée, la femme d’Urie le Hittite, et son homicide puisqu’il a fait tuer ce pauvre homme pour cacher son adultère ! Mais elle souligne surtout en contrepoint son profond repentir et le pardon que son attitude de conversion a obtenu de Dieu. Cette attitude est exemplaire et nous aussi, nous n’avons jamais à nous considérer comme impardonnables ou perdus. Le personnage de David a ainsi été très idéalisé : il est devenu le modèle du roi que Dieu aime : religieux et serviteur de son peuple. Après lui, le plus grand nombre de ses successeurs seront de très mauvais rois. Il leur sera reproché d’avoir adoré les faux dieux, d’avoir fait « ce qui est mal aux yeux du Seigneur », c’est-à-dire de n’avoir pas respecté les gens vulnérables comme la veuve, l’orphelin, l’étranger, et d’avoir surtout cherché leur profit personnel par tous les moyens... Tout cela a provoqué leur condamnation par Dieu et le renversement de la royauté : Jérusalem fut prise par le roi Nabuchodonosor et la population fut déportée à Babylone. On s’est alors souvenu de la prophétie de Samuel que nous avons entendue dans la première lecture. C’est un texte très impressionnant. Dieu y rappelle à David qu’il a toujours habité avec son peuple, non pas dans une maison mais sous la tente : il a choisi d’accompagner son peuple dans ses déplacements. Dieu ne s’est pas installé dans un lieu mais dans un peuple. Sa maison, c’est son peuple au milieu duquel il a choisi de planter sa propre tente !
 
C’est une très belle image ! Nos ancêtres dans la foi sont des bédouins, des migrants qui se déplaçaient sans cesse avec leurs troupeaux. Ils vivaient sous la tente. Il y en a toujours en Jordanie et en Palestine. Cette belle image du campement est reprise dans le prologue de l’évangile de Jean que nous entendrons au matin de Noël : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. » On pourrait traduire littéralement : « et il a planté sa tente parmi nous. » Le Dieu du ciel veut résider avec les hommes et au milieu d’eux, cheminer en leur compagnie, sur leurs propres chemins. Jésus, Fils de David est aussi « Emmanuel » : « Dieu avec nous » (Mt 1,23).
 
Pendant des siècles, le peuple de Dieu a ainsi espéré voir naître ce descendant de David ! Cette attente continue pour le peuple juif. Mais pour nous, chrétiens, cette attente a été comblée avec la naissance de Jésus. Pour nous, Jésus est ce roi messie attendu. Préparons-nous donc à accueillir ce Messie, Jésus Christ et Emmanuel, Dieu qui vient planter sa tente chez nous. Que Dieu vienne naître en nos cœurs car, comme l’écrit Angélus Silésius, mystique du XVIIe siècle :
« Le plus doux : voir Dieu enfant d’homme,
Le plus heureux : sentir en soi sa naissance. »
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz  

jeudi 14 décembre 2017

Homélie du 3ème dimanche de l'Avent (B) - 17 décembre 2017

« Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5,16-18). Cette parole, nous la recevons sans doute avec étonnement, comme elle le fut dans la communauté des Thessaloniciens. Peut-on toujours être dans la joie ? Peut-on prier sans relâche ? Peut-on rendre grâce en toute circonstance, comme si les événements qui marquent l’existence humaine étaient tous bénéfiques ? Comme si tout ce qui arrive concourait à notre satisfaction, à notre épanouissement, à notre plaisir ? Comme s’il n’y avait dans le monde ni injustice, ni violence, ni guerre, ni mort ? Il y a bien des situations de notre vie où nous n’avons guère envie d’être joyeux, voire où cela nous est tout bonnement impossible. Pour être disciple de Jésus et pour mettre en pratique l’invitation de saint Paul, faut-il devenir comme insensible à tout ce qui survient ? Faut-il fermer les yeux sur ce qui arrive, les garder perpétuellement fixés vers le ciel, au risque de trébucher sur les embûches du chemin ? Cette attitude d’action de grâce permanente, de joie perpétuelle, de prière incessante, est-elle compatible avec une existence normale ? Ou bien, prenons-nous cela comme une exhortation pour calmer un peu la mauvaise humeur mais sans y accorder vraiment d’importance ?
 
Prier sans relâche, cela veut dire que nous nous tenons constamment dans la présence de Dieu, évidemment pas toujours de façon consciente et active, mais de façon permanente. Cette permanence s’exprime à travers la régularité de notre prière. Nous vivons les événements de notre vie sous le regard de Dieu. Nous avançons sous le regard de Dieu, et ce regard de Dieu nous fait partager la lumière que Dieu projette sur les événements du monde, nous permettant, pour poursuivre le raisonnement de saint Paul, de discerner la valeur de toute chose. Car en toute chose de ce monde sont mêlés le bien et le mal, l’espérance et la souffrance. En toute chose de ce monde sont mêlés des sentiments contraires qui habitent tour à tour notre cœur. Être chrétien, ce n’est pas fermer les yeux sur l’ambiguïté de cette expérience humaine, et faire comme si de rien n’était. Être chrétien, c’est discerner, c’est-à-dire, à la lumière de la parole de Dieu, essayer d’identifier, de repérer, ce qui est bon pour le garder et le faire fructifier, essayer de repérer ce qui est mal pour s’en éloigner. C’est au prix de cette lumière de la foi que nous nourrissons par la prière constante que nous pouvons vivre dans l’action de grâce car à ce moment-là, ce n’est pas simplement l’effet immédiat des événements qui marque notre vie, c’est la manière dont il participe, d’une façon mystérieuse, à l’accomplissement du dessein de Dieu à travers l’histoire des hommes. Certes, certains de ces événements peuvent être pour nous gênants, douloureux ou difficiles à vivre, mais à travers eux, Dieu construit quelque chose qui va progressivement accomplir son œuvre. C’est pourquoi, même si nous souffrons de quelques désagréments ou de véritables souffrances, nous sommes encore invités à rendre grâce car nous comprenons qu’à travers ce chemin difficile, Dieu est en train de tracer une route à travers le désert.
 
La mission de Jean-Baptiste qui consiste à inviter les hommes à tracer une route à travers le désert ne s’accomplit pas simplement dans les rires et les chansons ! Il y a un travail, un travail difficile, aride : redresser ce qui est tordu, raboter ce qui fait obstacle, chercher ce qui peut pousser et progresser. Ce travail aride, nous le menons dans la lumière du Christ car c’est lui la lumière qui éclaire ce chemin. Redresser le chemin du Seigneur, c’est une œuvre quotidienne, c’est une œuvre qui nous confronte à la difficulté des événements de notre vie, de chacune de nos existences, de nos personnalités. Confrontés à ces aspérités, à ces difficultés, nous sommes appelés pour redresser le chemin. Et nous le faisons sans édulcorer notre existence, sans noircir aussi le tableau, mais en replaçant toutes choses sur le chemin que Dieu prépare pour nous.
 
 
AMEN.  
 
 
Michel Steinmetz  

mercredi 6 décembre 2017

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (B) - 10 décembre2017

Alors que l’évangile début par ces mots : «  Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu », Marc ne parle paradoxalement pas de Jésus, mais de Jean-Baptiste, celui qui le précède et annonce sa venue. Ne serait-ce pas là une manière de dire que, pour accueillir le Verbe de Dieu, il faut entrer d’abord dans le temps des préparations ? Ce que nous faisons en ce temps de l’Avent, symboliquement comme chaque année en nous rappelant que cette attente est celle de toute notre vie, jusqu’à ce qu’Il revienne dans la gloire.
 
Nous sommes confrontés à cette question incontournable : pourquoi donc faut-il que ce temps dure si longtemps ? On pouvait penser qu’avec l’incarnation du Fils de Dieu dans l’histoire des hommes, les temps étaient achevés et que l’on pouvait décréter la fin de l’histoire avec plus de motifs que n’en avaient les philosophes modernes qui se sont risqués à cette déclaration. Les premières communautés chrétiennes attendaient le retour du Christ pour un proche avenir, ils ne pouvaient pas imaginer qu’il y aurait encore quelque chose à faire. Ils pensaient qu’avec la mort et la résurrection de Jésus, tout était accompli et que l’on pouvait fermer le théâtre des événements. Il a fallu des années et des siècles pour que, peu à peu, les chrétiens comprennent que ce retour du Christ ne serait, non seulement pas dans un proche avenir, mais serait même dans un avenir indéfini, puisque nul n’en connaît ni le jour, ni l’heure, ni le lieu. C’est une des formes de l’épreuve de la foi de savoir que nous nous préparons perpétuellement à accueillir quelqu’un qui ne vient pas et il faut bien essayer de comprendre ce que nous vivons. La deuxième épître de Pierre nous donne un élément de réflexion, en nous faisant toucher du doigt comment les choses n’ont pas le même sens selon qu’on les regarde à partir de Dieu ou selon notre point de vue : « Pour Dieu, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour » (2 P 3,8). Quelle façon plus simple et lapidaire d’exprimer l’éternité de Dieu qui se situe hors de la durée ? Quelle différence avec nous qui passons notre temps à compter les années qui s’écoulent, et qui sommes inévitablement inscrits dans ce déroulement, non seulement de notre existence personnelle mais dans le déroulement de l’histoire des hommes qui constitue une durée ! Nous pouvons comprendre que cette différence de point de vue, entre Dieu pour qui tout est présent en un instant et nous qui découvrons la réalité dans la progression et le développement temporel, nous aide à comprendre le sens de cette histoire humaine. Elle n’est pas le fruit d’un retard de la part de Dieu, comme dit saint Pierre – il ne peut pas y avoir de retard là où il n’y a pas de durée – elle n’est pas le fruit d’une absence, d’un oubli, d’une négligence. Elle doit avoir un autre sens, et Pierre nous donne une proposition pour comprendre le sens de ce temps. Dieu prend patience envers nous car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre mais il veut que tous parviennent à la conversion.
 
Ces siècles qui nous séparent de l’Ascension du Christ, et les siècles à venir dont nous ne connaissons pas le nombre, nous acheminent vers son retour glorieux, ne sont pas simplement un temps mort, un temps inutile, un temps dangereux, un temps risqué. C’est d’abord le temps de la patience de Dieu à notre égard, à l’égard de chacun d’entre nous. Un temps de grâce pour nous convertir, pour laisser tracer en nous ce chemin par lequel le Seigneur va venir, pour redresser ce qui est tordu, araser ce qui dépasse, travailler la terre de notre cœur pour mettre à jour ses richesses.
 
Il se peut que ce temps des préparatifs nous emble long, voire interminable au point de faire nôtre la parole de l’Ecriture : « jusqu’à quand, Seigneur ? C’en est trop… ! » (Is. 6, 11). Interminable au regard de l’histoire du monde qui ne cesse de gémir, au regard de notre vie personnelle ou ecclésiale. Nous aimerions tant que le Seigneur revienne, qu’Il soit là… et vite. Sans tarder. Pourtant, avec Jean-Baptiste, il nous faut demeurer dans l’attente, celle du moment opportun, de la grâce que généreusement le Seigneur nous accordera avec abondance. En attendant, haut les cœurs ! Et courage ! Il vient.
 
 
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz

mercredi 29 novembre 2017

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (B) - 3 décembre 2017

Veiller ne signifie pas seulement ‘ne pas dormir’ mais surtout ‘faire quelque chose’. Aujourd’hui, beaucoup d’hommes et de femmes connaissent la détresse. Celle-ci peut venir de la situation dans laquelle ils sont plongés ou des difficultés particulières qu’ils rencontrent dans leur vie. Mais elle est souvent celle d’un cœur découragé ou indifférent. Quand Isaïe écrit : « nous étions comme des feuilles desséchées » (Is 64, 5), il parle de ce dessèchement du cœur de l’homme qui se détourne de ceux qui l’entourent et de leurs besoins, et rend fataliste vis-à-vis de l’avenir. Un cœur desséché conduit au désespoir et à la tristesse. Si nous ne voulons pas être comme ces feuilles desséchées emportées par la bourrasque et qui retombent on ne sait où, si nous voulons vraiment ouvrir nos cœurs à l’amour du Christ qui vient, il nous faut « prendre garde et veiller » (Mc 13, 33).
 
Pour comprendre ce que cela induit, je vous propose de prendre simplement quelques exemples de ce que nous pouvons faire nous mettre en garde et pour veiller.
 
Durant ces prochaines semaines, nous allons nous préparer à accueillir le Christ en sa Nativité, afin que nos cœurs soient ouverts au moment où le Seigneur vient, pour que ne se reproduise pas ce qui s’est passé à Bethléem où « il n’y avait pas de place pour lui » (Lc 2, 7). Nous pouvons nous y préparer en accordant plus d’attention à sa présence et à sa Parole. Nous pouvons passer plus de temps à prier, ou peut-être déjà ne pas oublier de prier ! Pour nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, nous pouvons reprendre un verset de l’Évangile de mémoire, même sans livre et sans papier. Rien ne vous empêche chaque jour de dire un verset, de le répéter et de le laisser pénétrer votre cœur.
 
Veiller, c’est nous rendre attentif à la venue du Christ, mais également à l’existence de nos frères. Dans nos familles ceci peut se vivre des parents vers les enfants, des enfants vers les parents, des époux l’un envers l’autre. Cela passe aussi par l’attention que l’on porte aux grands-parents, à notre famille large. Est-il possible de travailler ou de vivre pendant des mois et des années à côté d’une personne, sans avoir jamais vraiment prêté attention à ce qu’elle vit, sans jamais l’avoir écoutée ? Et puis nous pouvons être attentifs aux besoins de tous ceux qui nous entourent. La collecte de jouets par les enfants est un signe par lequel ceux qui sont un peu plus chanceux n’oublient pas ceux qui le sont moins.
 
Veiller cela signifie aussi regarder, comprendre et faire quelque chose. Nous entendons beaucoup d’informations sans que ces nouvelles et les évènements qu’elles relatent pénètrent vraiment notre intelligence et notre vie. Certes, je ne suis pas forcément en situation de changer le monde, mais si je change ce que je peux changer à ma place, alors le monde changera.
 
Et enfin, veiller, c’est aussi être disponible à l’imprévu. Nous vivons dans une culture où l’on cherche à se prémunir contre tout ce qui peut arriver. Même si nous constatons d’ailleurs que nous n’y arrivons pas, nous continuons à le désirer et à prendre toutes les précautions possibles et imaginables pour éviter les accidents, la misère, la maladie et tout ce qui pourrait bousculer notre existence. Mais si nous dépensions un peu de l’énergie que nous mettons à nous protéger de ce qui pourrait arriver pour nous préparer pour faire face à ce qui arrive effectivement, peut-être les choses iraient-elles beaucoup mieux ! La vie de l’homme ne consiste pas à empêcher que le monde tourne, mais plutôt à essayer de le faire tourner mieux.
 
Nous sommes privilégiés. Pas des privilégiés économiques ou des privilégiés de la sécurité, mais des privilégiés de la richesse de la Parole de Dieu (1 Co 1, 5). Nous qui participons chaque dimanche à l’eucharistie, nous devons nous laisser déranger et surprendre en accueillant l’imprévu, en étant ouvert à ce qui n’a pas été préparé et dont nous ne sommes pas protégés, en recevant celui qui vient au moment où nous ne l’attendions pas, le matin ou à minuit, le soir ou au chant du coq : il frappe à notre porte, saurons-nous lui ouvrir ?
 
AMEN.


Michel Steinmetz  

mercredi 22 novembre 2017

Homélie de la solennité du Christ, roi de l'Univers - 26 novembre 2017

Aujourd’hui l’Église célèbre la fête du Christ, roi de l’univers. Quand nous entendons ce mot de « roi », nous avons tendance à le comprendre à la manière dont nous apprenons dans les cours d’histoire qu’il y a eu jadis des rois ou à la manière dont il en existe aujourd’hui et que nous percevons par le truchement des actualités ou des revues mondaines. Nous comprenons qu’un roi ou une reine est un chef d’État qui exerce un certain nombre de pouvoirs. Mais ce n’est pas comme cela que le Christ veut présenter la royauté de Dieu. Ce n’est pas comme cela qu’il est lui-même Roi de l’univers. Comme nous l’avons entendu dans le livre d’Ézékiel, le roi que Dieu veut envoyer, c’est un pasteur, c’est-à-dire un berger qui prend soin du troupeau, qui va chercher les brebis blessées pour les soigner, les brebis égarées pour les ramener, redonner des forces à celle qui est faible, bref, c’est un pasteur et un berger qui prend soin de son peuple.
 
Le pasteur, comme nous le dit la parabole de l’évangile, trie les animaux : les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Comment devient-on une brebis plutôt qu’une chèvre ? C’est la question que devaient se poser ceux qui entendaient Jésus parler des brebis qui seraient à sa droite et des chèvres qui seraient à sa gauche. Qu’est-ce qui permet de faire le partage ? Jésus nous l’explique : « j’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger, vous m’avez accueilli, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » (Mt 25,35-36). Il n’est pas question de Dieu dans tout cela. Pourquoi ? Parce que ce jugement ne s’adresse pas simplement aux fidèles qui ont reçu les Dix commandements et la Parole de Dieu pour éclairer leur chemin et pour conduire leur vie. Ce jugement s’adresse à tous les hommes, qu’ils soient chrétiens ou non, qu’ils soient croyants ou non. Il s’adresse à une qualité tout à fait extraordinaire que possède tout homme, la capacité de savoir ce qui est bien et ce qui est mal. Évidemment, cette capacité peut se troubler, s’obscurcir. Elle peut se développer. Mais tout le monde sait qu’il y a des actions bonnes et des actions mauvaises. Tout le monde a la capacité de faire la différence entre le bien et le mal. Dans la Bible, il y a une image pour nous l’expliquer. On sait que l’on peut faire la différence entre le bien et le mal quand on fait la différence entre une pierre et du pain. Un enfant tout petit ne fait pas forcément la différence entre une pierre et du pain, il est capable de mordre dans une pierre. Mais arrive un moment où il sait que la pierre ne se mange pas et que le pain se mange. Il fait la différence entre ce qui est bon pour lui et ce qui n’est pas bon pour lui. Cette capacité qui nous habite, que nous l’appelons la conscience. Nous sommes capables de juger ce qui est bon. On peut se tromper, on peut faire semblant de se tromper, on peut ne pas faire ce que l’on sait qui serait bien, et faire ce que l’on sait qui est mal, tout cela c’est possible, mais cela ne fait pas disparaître cette lumière qui est au cœur de l’homme et qui est le signe de la liberté que Dieu lui a donnée.
 
Nos frères orthodoxes parlent du sacrement du baptême comme de celui de l’ « illumination ». Notre liturgie, elle-même, dans le temps de Pâques, nous dit que nous sommes illuminés (non pas « des illuminés ! »). Nous avons reçu une lumière intérieure qui nous permet de mieux faire fonctionner notre conscience morale. Ainsi, frères et sœurs baptisés, vous êtes mieux capables de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, et par votre confirmation vous êtes plus forts pour désirer ce qui est bien et rejeter ce qui est mal. Nous voyons dans la parabole, ces gens qui ont donné à manger, qui ont visité les malades, qui ont habillé ceux qui étaient nus, etc. et qui disent : « mais quand avons-nous fait cela ? » Ils savent bien qu’ils ont rendu service aux autres, mais ils n’avaient pas conscience qu’ils servaient Dieu en même temps. Ils avaient compris un chemin de bonté, ils avaient compris la bonté en action, et en cela, même s’ils n’étaient pas très éclairés sur la foi, ils faisaient quelque chose de bon aux yeux de Dieu, tellement bon que ce qu’ils faisaient au plus petit des hommes, c’est à Dieu qu’ils le faisaient.
 
C’est cela être disciple de Jésus. C’est cela participer à son Royaume pour qu’il advienne. Un règne qui ne s’impose par la violence mais par un amour qui s’impose comme une évidence.
 
AMEN.
                   
Michel Steinmetz