On pourrait dire que les deux hommes qui cheminent vers
Emmaüs sont des « déçus » de Jésus. Sont-ils déjà déconfinés ou ont-ils une
autorisation dérogatoire de sorite en poche ? Je ne sais. Mais il est clair que
leur déception profonde les confine dans l’impossibilité, maintenant, de
croire. Car ils ont cru en lui, ou plus exactement, ils ont cru qu’il allait
rétablir le Royaume d’Israël, c’est-à-dire qu’il allait arranger les choses.
Nous sommes tellement avides d’avoir des solutions magiques aux problèmes de
l’histoire, aux difficultés de notre propre vie que nous imaginons même que
Jésus est une sorte de personnage magique. Alors, nous aussi, nous devenons des
« déçus » de Jésus. Nous avons cru qu’il pourrait nous éviter un certain nombre
d’ennuis et de souffrances, nous avons cru peut-être, même, qu’il pourrait nous
changer sans que nous ayons à nous convertir, et tout cela n’est pas arrivé !
Il n’a pas fait ce que nous attendions. Nous avons alors besoin, comme pour les
deux compagnons d’Emmaüs, que nos yeux et notre cœur s’ouvrent.
Peu à peu, ces paroles commencent à toucher leur cœur, au
point qu’ils hésitent et regrettent d’être obligés de se séparer de lui, ils
lui demandent de rester avec eux : « Reste avec nous, car déjà le soir tombe »
(Lc 24,29). Et ce sera alors le deuxième signe que Jésus va leur donner pour
ouvrir leurs yeux. Sans doute, ils ont entendu le récit des disciples qui ont
participé à la Cène, mais quand ils voient le Christ refaire les même gestes,
quand ils l’entendent prononcer les mêmes mots de bénédiction, alors leurs yeux
s’ouvrent et ils comprennent d’où venaient cette chaleur et cet attrait qui les
habitaient tandis que Jésus leur parlait en chemin. Et au moment où leurs yeux
s’ouvrent, il n’y a plus rien à voir, il a disparu. Ils sont entrés dans le
chemin de la foi. Leurs yeux se sont ouverts, et ils ont compris que Celui
qu’ils avaient vu cloué sur la croix est maintenant ressuscité.
AMEN.
Michel
STEINMETZ †