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samedi 19 juin 2021

Homélie pour le 12ème dimanche du Temps de l'Eglise - 20 juin 2021

Il n’est pas nécessaire d’être dans la barque pour mesurer le désagrément du roulis et l’assaut des courants. Pourtant, de cette barque, nous en sommes. Nous y sommes embarqués car elle est l’Eglise.  En vertu de notre baptême qui nous établit comme membre de ce Corps, nous le savons pour en faire l’expérience : l’Eglise vit aujourd’hui, dans nos pays, un effondrement apparent qui nous inquiète tous. La barque de saint Pierre est secouée. Elle prend l’eau de toutes parts. Va-t-elle va couler à pic comme le Titanic ? Le temps de la chrétienté est terminé. Il subsiste en notre imaginaire comme ce temps idéal où le sol était ferme et tout bien assuré. Mais elles sont loin les années où l’Eglise était installée, puissante, avec des prêtres en nombre, des réseaux multiples d’organisations, la catéchèse pour tous les enfants et des églises bondées. Passé sans doute idéalisé, et qui peut prendre l’allure d’une image d’Epinal, mais passé blessé et outragé par tant d’abus et entaché jusqu’aujourd’hui. L’Eglise, avant-gardiste aussi, a créé les premières universités, les hôpitaux, les écoles pour démunis, les mutuelles et les maisons d’édition. Maintenant, l’Etat prend à sa charge aussi bien l’enseignement et la culture, que la santé et la solidarité. Faut-il s’attrister que l’Etat assume enfin ses responsabilités ?


Ces changements profonds nous effraient comme une tempête qui secoue profondément. De fait, nous sommes en butte à l’indifférence ou au dénigrement, à des vagues successives de revanche, de ressentiment, d’agressivité, parfois même d’un apparent athéisme d’Etat. Notre fidélité fait rire et nos symboles sont objets de dérision dans les médias et la publicité. Cette fois la barque de saint Pierre est prise dans la tempête, tout s’en va à veau l’eau et nous allons couler. Faut-il revenir en arrière, rentrer au port, nous mettre à l’abri dans un passé idéalisé ? Faut-il prier le Christ et le secouer ? A l’évidence, il dort. Oserons-nous le réveiller ?


Jésus dort et son sommeil est symbole de mort. Il est couché, inerte, à plat. C’est la Pâque et la panique est là, sauve qui peut, chacun pour soi ! Mais voici qu’il s’éveille. Il se met debout, et c’est la Résurrection. « N’ayez pas peur ! » La tempête est tombée, le calme s’établit dans la lumière de Dieu. C’est le petit matin d’une nouvelle création dans un silence merveilleux. Tout l’Evangile nous dit ce passage d’un bord à l’autre de la vie, au travers de la peur. La foi correspond à un incessant départ en mission, de l’autre côté du lac et le passage est toujours risqué. Tout l’Evangile nous dit que malgré tout, Jésus est au milieu de nous et que c’est lui qui nous conduit. Nous ne comprenons pas tout, nous ne comprenons parfois même plus rien, mais nous pouvons nous appuyer sur lui comme s’est lui-même appuyé sur son Père, notre Dieu. C’est la foi. Elle permet de surmonter la peur. Non pas de ne plus avoir peur du tout, car nous avons toujours peur, mais la foi nous donne de ne pas être paralysés. L’Evangile ne nous cache pas que le monde change, que les temps changent, que la tempête fait rage, qu’il fait nuit et que la conversion des cœurs d’abord et donc aussi des institutions devient plus urgente encore. Mais il nous dit aussi que le Christ nous accompagne et qu’il a traversé la mer. Il a franchi les obstacles, en particulier la mort. Il a mis le pied sur l’autre rive et il nous y conduit.


Si nous regardons l’histoire avec sérieux, nous verrons que toutes les générations ont vécu l’impression d’être les dernières. Comme le disait Jean Paul II aux chrétiens du Maroc : « on ne vous demande pas de faire nombre, on vous demande de faire signe ». Ainsi donc jamais la vie n’a été facile et il faut toujours aller de l’avant, passer sur l’autre rive sans vouloir s’installer. C’est vrai pour tout le monde mais nous, nous le savons. L’Evangile nous le dit clairement. C’est la condition normale de l’homme et celle du chrétien. Dans cette traversée nous ne sommes pas seuls et, même si les vagues sont fortes et tout semble sombrer. Même si Jésus dort, les vents et le ciel lui obéissent. En attendant il ne reste plus qu’à ramer !


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 12 juin 2021

Homélie pour le 11ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 13 juin 2021

L’évangile de Marc débute par une annonce ; « le règne de Dieu est proche, convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle » (Mc 1,15). Mais comment comprendre « le règne de Dieu ». A quoi peut-il ressembler ? Quelle différence y aurait-il avec un royaume terrestre ? Pour les contemporains de Jésus : est-ce que l’avènement du règne de Dieu allait être la restauration du royaume de David, l’expulsion des occupants romains, bref une nouvelle figure de la société politique dans laquelle ils vivaient ? La même question demeure pour nous aujourd’hui : sous quelles modalités, avec quelles formes, le Règne de Dieu peut-il prendre corps au sein de nos sociétés sécularisées ? Ou pour les choses plus directement : la foi chrétienne doit-elle recourir au lobbying pour s’imposer comme une force incontournable de la société ? Doit-elle imposer sa loi ? Doit-elle faire entrer en résistance ? Nous mesurons bien combien les débats sociétaux qui ne cessent d’agiter notre société ravivent à chaque fois ces questions. L’actuelle révision des lois de bioéthique en est un exemple patent. Ainsi les paraboles qu’utilise Jésus ne sont-elles pas des équations mathématiques ou des illustrations contractuelles : elles sont des histoires simples, des comparaisons limpides.


Les deux petites paraboles que nous avons entendues sur le règne de Dieu insistent sur un aspect très important : ce ne sont pas les hommes qui construisent le règne de Dieu, pas même les disciples, mais c’est Dieu lui-même qui lui donne vie et croissance. De même que l’homme qui sème une graine en terre ne peut la faire pousser par son désir ou ses propres forces, ni par ses efforts donner une fécondité particulière telle que celle que connaît la graine de moutarde, de même, le règne de Dieu n’est pas au bout de nos efforts. Il n’est pas l’application de nos principes et de nos règles pour transformer la société selon nos désirs. Il est une force considérable si l’on considère ce qui va être produit à partir de la graine de moutarde, mais il est une force mystérieuse si l’on considère comment la graine plantée en terre pousse et donne du grain. Force mystérieuse et puissante, qui traverse les événements et le cours de l’histoire des hommes, sans la transformer de manière visible immédiatement. Ce n’est pas parce que le règne de Dieu s’est fait proche, que les Romains sont partis et que le royaume de David a été rétabli. Ce n’est pas parce que le règne de Dieu est proche de nous, en ce temps que nous vivons, que tous les hommes et les femmes de notre temps vont se mettre à vivre selon les commandements de Dieu. Ce n’est pas parce que le règne de Dieu s’est fait proche que nos sociétés vont s’identifier au règne de Dieu. 


Et nous savons que c’est une tentation permanente pour les chrétiens, soit de vouloir modeler la société en fonction des commandements de Dieu par la force, le combat, la lutte, et non par la conversion des cœurs, soit, ce qui est encore plus dangereux, de croire que Dieu est impuissant devant les événements auxquels les hommes sont soumis. Nous voudrions que Dieu agisse à notre manière, nous voudrions enrôler la force de Dieu pour mettre en œuvre nos objectifs, mais ce n’est pas de cette façon-là que le Christ annonce le règne de Dieu. Dieu travaille au cœur des événements comme il travaille la liberté et le cœur de tous les hommes, mais d’une façon qui nous échappe et que nous ne maîtrisons pas. Il n’est d’autre méthode que celle que Dieu choisit, quand bien même nous penserions avoir un meilleur rendement avec nos propres process. Cette voie est celle du témoignage. Vous êtes convaincus, au nom de votre foi, du caractère inviolable de la vie humaine de son origine à son terme. Fort bien. Commencez par en vivre, plutôt que d’en faire des discours. Vous êtes persuadés de la valeur des personnes âgées pour notre société. Fort bien. Commencez par les respecter. Et engagez-vous, mettez-vous en relation non pour manifester mais pour que l’Eglise, en ses institutions en ce monde, soient prophétique dans son accueil de ces réalités. 


Notre mission, c’est d’annoncer cette parole de Dieu et d’en vivre avant de vouloir en faire les autres. Dieu nous garantit que c’est lui qui donnera la croissance et la fécondité pour que son règne soit un abri pour tous les êtres vivants.


AMEN.

Michel STEINMETZ †


vendredi 4 juin 2021

Homélie pour la solennité du "Corpus Domini" (B) - 6 juin 2021

Quand les catholiques affirment leur foi en la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, ils ne font pas plus preuve de cannibalisme en communiant qu’ils n’exercent des talents de tortionnaires en maintenant le Christ circonscrits dans la présence de l’hostie. Le Concile Vatican II l’affirme, il y a près de soixante ans : 

« il est présent…  au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : ‘Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux’ (Mt 18, 20). » (SC 7)

 

Pourtant cette présence dans les espèces eucharistiques, ne cessent d’étonner, voire de choquer. C’est déjà le cas des Juifs quand, dans l’évangile, Jésus parle de se donner en nourriture. Ces mêmes Juifs qui ont grandi dans la foi d’Israël et dans la certitude que Dieu se donne par sa Loi, comme par un intermédiaire de sa présence pour vivre son Alliance. Cette Loi est écrite sur des tables de pierre. Et pour que l’Alliance soit scellée, il faut que le sang soit répandu. Pourtant, et nous le savons bien, les sacrifices vont continuer d’accompagner le quotidien croyant d’Israël autant que le sans continuera de couler. Si ce dernier n’est que le signe d’une Alliance dont la lettre doit toucher le cœur et obtenir sa conversion, l’amitié de Dieu sera toujours à retrouver. Or voici que – ainsi que l’exprime saint Thomas d’Aquin dans la séquence de ce jour : « L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit. »


Ainsi le Christ, en célébrant la Pâque, annonce son propre sacrifice : « Prenez, ceci est mon corps. […] Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. » Il annonce sa mort sur la croix et le sens qu’elle aura dans la lumière de sa résurrection. Thomas d’Aquin ajoute : « À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne. » Le Christ inaugure donc des temps nouveaux. Désormais la Loi ne sera plus inscrite sur des tables de pierre, mais la loi nouvelle de l’Evangile sera gravée dans le sacrifice de cet homme. Et cet homme n’est pas qu’un homme, c’est Dieu lui-même qui consent à s’abaisser en son Fils pour nous relever et nous établir dans une alliance qui ne passera pas. Voilà, frères et sœurs, ce que nous célébrons en ce jour et ce que chaque eucharistie nous fait célébrer. Nous découvrons que nous ne sommes plus dans une situation de face-à-face qui nous ferait quémander la sollicitude d’un dieu, mais bel et bien dans un partenariat dont Dieu nous fait la grâce. L’eucharistie est un mouvement qui vient nous saisir et qui nous entraîne à devenir ce que nous sommes : le corps du Christ.


Nulle passivité n’est possible quand nous nous avançons vers l’autel pour recevoir ce corps eucharistique. Nul silence n’est permis à l’écoute de cette parole de monstration : « le corps du Christ » ; nul « merci » n’est de mise comme si le prêtre vous faisait quelque politesse en vous le donnant. Mais un « amen » qui doit claquer et sortir de vos tripes et de votre cœur, comme votre acquiescement à devenir un autre Christ. Ne vous contentez pas de faire pour lui les préparatifs comme ce jour-là les disciples. Bien plus, vous êtes conviés à la table de ce repas et invités à le reconnaître Celui dont la chair de ressuscité prend l’apparence du pain. « Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature. » Et Thomas de poursuivre : « Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces. On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier. Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître. »


Si l’habitude vous gagne en communiant, tel un réflexe, retrouvez la mémoire eucharistique qui vous fera vous souvenir que vous aurez le Christ, mort et ressuscité pour vous, entre vos mains. En le recevant avec foi, votre vie passera dans la sienne. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †