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jeudi 31 décembre 2020

Homélie pour la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - dimanche 3 janvier 2021

Qui d’entre nous n’a pas déjà fait l’expérience assez malheureuse, il faut le dire, d’offrir ou de recevoir un cadeau incongru ? On connaît le regard triste et déçu d’un enfant qui déballe un tel présent et qui ne rejoint pas ses attentes les plus profondes. Nous-mêmes, en prenant de l’âge, nous ressentons une pareille tristesse même si la politesse et les convenances nous apprennent à faire bonne figure, à relativiser, à apprécier d’abord le fait qu’un autre veuille nous faire plaisir. Et en faisant plaisir qu’il veuille nous rejoindre et nous dire sa proximité. Imaginez donc l’incongruité des présents offerts par les mages à l’enfant de la crèche. Mais qui aurait l’idée saugrenue d’offrir à un nouveau-né de l’or, de l’encens et de la myrrhe ? Que peut-il en faire ? Tout au plus voilà des présents pour les parents. Mais Marie et Joseph n’ont-ils pas d’autres besoins plus urgents pour subvenir à l’arrivée d’un nouveau-né ou pour assumer leur délicate situation ? 


Assurément les mages ne furent guère doués pour offrir des présents. Ou encore imaginaient-ils trouver, d’après leurs prédictions savantes, un tout autre décor ? Celles-là mêmes qui les font se précipiter d’abord dans le palais d’Hérode auquel ils demandent audience. Ma foi, pour un traditionnel échange protocolaire de cadeaux, l’or, l’encens et la myrrhe eurent été de bon aloi. Mais là, auprès de braves gens, dans la pauvreté d’une étable ou peut-être d’un gîte sommairement aménagé, quel contraste !  Oui, un enfant n’a que faire de tels cadeaux. L’enfant-Dieu, lui, y trouverait-il plus de plaisir ? Mais Dieu n’a nul besoin qu’on lui offre de telles richesses car toutes richesses viennent de Lui, de sa libéralité envers nous. Et Dieu ne se plaît à aucun sacrifice – Jésus dans l’évangile ne cessera de rappeler ce que les prophètes avant lui avaient déjà prêché : ce qu’il désire, c’est un cœur contrit, offert à sa miséricorde. Voilà ce qui lui plaît et ce qu’il agrée.


Un cadeau ne relève-t-il pas pourtant toujours d’un échange, si ce n’est le témoignage d’affection donné en retour ? Ici ces présents sont une annonce de la royauté, de la divinité, et de la mort à venir du Fils de Dieu. Les Pères de l’Eglise ont beaucoup insisté sur cette idée d’échange. Irénée, au IIe siècle, affirme ainsi que « le Verbe de Dieu s’est fait cela même que nous sommes pour faire de nous cela même qu’il est ». Augustin le formule de la manière suivante : « Pour faire dieux ceux qui étaient des hommes, lui qui était Dieu est devenu homme » (Sermo 192, 1). L’incarnation est mise au centre tout en étant étroitement reliée à la passion, ce qui fait ainsi dire à Augustin : « Sa passion fait partie de son incarnation » (Sermo 22, 1, 1) L’Incarnation a une portée universelle : le Christ partage la nature des hommes, il leur devient solidaire pour leur permettre d’être à leur tour divinisés. Cet échange est dès lors mentionné dans la liturgie sous le nom d’admirabile commercium. C’est le pape Léon le Grand l’y a inséré, reprenant une expression qui datait sans doute du Concile d’Ephèse (431). Une des préfaces de Noël porte aujourd’hui encore cette expression.  


La formulation par Augustin du « Christ marchand » se situe dans cette lignée. Pour les auditeurs d’Augustin, immergés dans ce monde du commerce, le marchand était un personnage bien identifié. La comparaison du Christ avec un marchand, venu nous vendre les richesses de son pays en échange des nôtres, vient tout logiquement à l’esprit. Au thème du marchand est aussitôt associée l’idée de « troc ». Le troc que propose le Christ, venu dans notre monde, est pour le moins étrange : la vie contre la mort, le bonheur contre le malheur. Dans ce troc, il n’a lui-même strictement rien à gagner, puisqu’il ne trouve dans nos contrées humaines que la mort, alors qu’il vient d’un pays qui regorge de richesses. Tout le bénéfice est donc pour nous. Dans ce troc, nous sommes les grands bénéficiaires puisque, ce que le Christ récolte en échange de ses richesses, ce sont nos misères, tandis que nous, en échange, nous obtenons la vie bienheureuse. 


Aux mages qui pensaient faire de somptueux cadeaux, le Christ leur répond par un don plus grand encore. Dieu en lui se manifeste à toutes les nations comme le Sauveur. Voilà pourquoi « ils repartirent par un autre chemin ». Nous aussi, nous recevons du Christ des dons qui dépassent de loin ce que nous pouvons lui offrir. Que cet admirable commerce nous fasse quitter la crèche par un « autre chemin », celui d’une conversion irradiée de la joie d’une telle rencontre !


AMEN.

Michel STEINMETZ †


mercredi 30 décembre 2020

Homélie pour la messe de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 1er janvier 2021

Dans l’Antiquité, on honorait une divinité bien particulière, dont le nom colore aujourd’hui encore le premier mois de l’année civile. Janus est le dieu romain des commencements et des fins, des choix, du passage et des portes1. Il est bifrons (« à deux visages ») et représenté avec une face tournée vers le passé, l'autre sur l'avenir. Il est fêté le 1er janvier. Son mois, Januarius (« janvier »), marque le commencement de la fin de l'année dans le calendrier romain. Le temple de Janus était situé sur le forum de Rome. Il était rituellement ouvert en temps de guerre et fermé en temps de paix. L’une des collines de Rome, le Janicule, lui est consacrée.


Intéressant Janus, qui en lui seul, réunit ainsi le passe et l’avenir. N’est-ce pas là ce que nous faisons nous-mêmes aujourd’hui ? D’une part nous jetons un regard rétrospectif sur les mois écoulés et avec une certaine crainte nous tentons, pour autant que cela soit possible, de nous projeter dans ceux à venir. Pourtant, cette année de manière ben particulière, nous ne nourrissons aucun rêve un peu fou. Nous ne pensons pas que le début de l’année au moins sera différent que la fin de la précédente. Il nous faudra encore vivre avec un virus qui perturbe nos vies et parfois les malmène. Les distanciations sociales demeureront. Les maques sur nos visages cacheront encore nos sourires ou nos mines renfrognées. Ce passage donc, nous le vivons avec le sentiment d’une simple glissade mais pas avec le rêve d’une rupture. Les semaines à venir ressembleront à celles passées. 


Janus pourtant ne peut rien pour nous et nous ne mettons pas notre foi dans une divinité païenne. Notre foi, nous la plaçons en Jésus-Christ, ce Fils donné par le Père à l’humanité pour « racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils ». Il est vrai : nous pourrions devenir des êtres ou blasés ou dépressifs. Las de tout cela, nous pourrions désespérer de nous et de Dieu par la même occasion. Comme Marie, cependant, nous allons « retenir tous ces évènements dans notre cœur » et nous les méditerons. C’est-à-dire que nous allons volontairement les placer dans la lumière offerte par la présence de l’enfant-Dieu. Comme les bergers, sans cesse, nous allons revenir à la crèche pour nous guérir de notre doute, s’il le fallait, et pour nous laisser remettre toujours en chemin. Nous allons écouter le chant des anges qui convoque les hommes et les femmes de bonne volonté. Nous allons nous mettre au service de la grâce. Et surtout, avec eux, avec Marie, nous n’omettrons pas de rendre grâce, de remercier. Peut-être trouvez-vous cela incongru de dire merci ou n’y trouvez-vous pas de motif après ces derniers mois ? Alors passez lentement et humblement en revue tout ce qui a néanmoins pu être vécu comme générosité et partage entre vous, dans vos immeubles, vos familles notamment dans les semaines de confinement ; ce qui a été vécu dans la communion de prière, dans l’attention à l’autre ou encore dans l’appétit insatisfait de l’eucharistie. Car l’eucharistie précisément, que nous ayons pu la vivre ensemble ou par retransmissions, que nous ayons été en communion avec elle par une prière familiale, que nous ayons été nourris de son pain ou non parfois, cette eucharistie sans cesse nous a protégés de l’oubli de l’action de grâce. Tel un vaccin, elle a fonctionné comme antidote pour nous maintenir dans la louange. Elle nous a maintenu dans l’offrande de nous-mêmes pour demeurer en communion avec le Christ, faisant de nous ses « cohéritiers », comme le rappelait Paul.


Au début de cette année nouvelle, nous revenons donc à l’enfant de la crèche. Il est notre paix, la paix de notre cœur, comme l’exprime saint Bernard dans un sermon pour l’Épiphanie : « Voici que la paix n’est plus promise mais envoyée, non plus remise à plus tard mais donnée, non plus prophétisée mais proposée. C’est comme un couffin plein de sa miséricorde que Dieu le Père a envoyé sur la terre ; oui, dis-je, un couffin que la Passion devra déchirer pour laisser se répandre ce qu’il contient : notre paix ; un couffin, peut-être petit, mais rempli. Un petit enfant nous a été donné, mais en lui habite toute la plénitude de la divinité. » Ce sont là des réserves suffisantes pour tenir une nouvelle année et bien plus encore. 


AMEN. 


Michel STEINMETZ 


Homélie pour les premières vêpres de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, en action de grâce pour l'année écoulée - 31 décembre 2020

« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sujet de la Loi juive pour racheter ceux qui étaient sujets de la Loi et pour faire de nous des fils. » (Ga 4, 4-5)


Il est de coutume de se lancer, en ces derniers jours de l’année, dans des rétrospectives diverses. D’une certaine manière, cette célébration est l’occasion pour nous aussi de confier au Seigneur ce que fut cette année, pour nous, nos familles, nos communautés religieuses et paroissiales, notre monde.


Sans l’ombre d’un doute, tous nous nous accordons à reconnaître qu’elle fut aussi atypique qu’elle sera historique. D’aucuns n’ont pas manqué à la comparer à ce que fut jadis 1348 avec l’apparition de la grande peste qui décima inéluctablement l’Europe. Sans doute nos sociétés, pourtant si technologisées, avaient-elles mûri le rêve – le fantasme ? – de plus être confrontées à de tels fléaux dignes de temps révolus, ou tout du moins de savoir y faire face à la hauteur du progrès qui est le nôtre. Nous le savons : il n’en a rien été. Et le rêve s’est évanoui. Ce que nous avions oublié des crises du monde, qui viennent défier le cours du temps et la banalité d’une existence tranquille, nous rattrapent à grande vitesse. Un virus bouleverse nos existences.


Si nous ne pouvons résumer l’année qui s’achève à la Covid-19, nous ne pouvons ne pas prier pour celles et ceux qui en ont été affectés d’une manière ou d’une autre : celles et ceux qui en sont morts, souvent dans des conditions particulièrement inhumaines, privés du secours des sacrements et de la présence apaisante des leurs ; les familles qui n’ont pu vivre un deuil serein ; les personnes fragiles dont l’isolement n’a cessé de croître et de faire des ravages ; les travailleurs impactés dans leurs conditions de vie et tombant souvent dans une précarité nouvelle. Nous en avons fait le constat avec notre Equipe Saint-Vincent. Ce sont donc autant de visages, de souffrances et d’angoisses que nous présentons au Seigneur. 


Pourtant, en ces temps qui ne cessent de s’accomplir, comme le rappelait l’apôtre Paul, nous savons que l’enfantement du Verbe de vie ne cesse de se produire avec toutes les douleurs d’un enfantement. Les chrétiens en effet ont l’audace de croire qu’il ne s’agit pas là d’une déchéance du monde, mais que, de crises en crises, de discernements en discernements, de purifications et purifications, le temps de Dieu ne cesse de se dilater pour englober en lui le temps des hommes. De cette transformation, Dieu nous rend acteurs et participants. 


Alors que le monde termine une année, au milieu de lamentations ou de suppliques, la liturgie de l’Eglise, dans sa grande sagesse, nous fait vivre ce soir autre chose. Nous chantons les premières vêpres de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, fête qui est aussi l’octave de Noël. Ainsi, nous ne faisons pas que clôturer douze mois comme on fermerait un livre en étant arrivés à la dernière de ses pages, nous nous projetons plutôt dans ce qui vient et ce qui est devant nous. Nous le faisons avec toute la force de l’espérance et de la grâce de Dieu. Nous contemplons ce Fils que Marie offre au monde comme Sauveur. Nous savons que c’est avec lui qui nous écrirons les semaines et les mois à venir. Nous avons l’assurance que le mystère de Dieu manifesté à Noël et rendu si proche et accessible ne cessera pas aux douze coups de minuit. 


Voilà pourquoi, ce soir, baignés de cette espérance, nous pouvons supplier le Seigneur de faire germer ce que nous lui avons offert comme plants d’amour, de générosité, de compassion, de pardon, de souffrance et d’abandons. Il les fera dorer comme dorent les moissons.


AMEN.


Michel STEINMETZ †



mardi 22 décembre 2020

Homélie pour la solennité de la Nativité du Seigneur - 25 décembre 2020

Messe de la nuit


Je ne sais si vous avez encore en mémoire l’une des cogitations fameuses qui, comme beaucoup d’autres, a agrémenté les dernières semaines. Voilà qu’à grand renfort d’analyses pointues sur la situation sanitaire, les plateaux télévisuels de chaînes d’informations en continu convoquèrent, avec l’art qu’ont leur connaît, des experts patentés et des commentateurs avisés pour disserter de l’épineuse question : faut-il remettre la fête de Noël à plus tard ? J’avoue être resté pantois, oscillant alors entre sidération et ironie.


Remettre la fête de Noël à plus tard ? Pourquoi pas finalement dans un esprit païen dont la seule référence attend de Noël des réunions familiales et un échange des cadeaux. Ma foi, cela, au regard de la crise sanitaire, pourrait s’entendre. Décaler à plus tard, à des jours meilleurs que, visiblement, Dieu seul connaît. Nous autres, nous avons pu raisonnablement nous demander comment nous allions pouvoir nous retrouver en ces instants : avec quelles jauges, quelles restrictions de temps ou d’espace. Et Il faut bien l’avouer nous mesurons la chance, finalement, de pouvoir ainsi célébrer avec quelques contraintes au demeurant mineures.


Mais aurions-nous pu remettre cette fête ? Cela eut été impossible pour une double raison. D’abord parce que nous sommes croyants : notre présence ici est déjà le signe que, pour nous, Noël ne peut se concevoir sans Dieu et que la fête n’est pas réductible à ses contingences matérielles. C’est précisément le moment où nous faisons mémoire de cet événement toujours en train d’advenir de la visitation de Dieu au milieu de nous. En Jésus, son Fils, Dieu se fait si proche de nous que notre humanité se voit révélée sa vraie nature et sa destinée : ne faire qu’un avec Dieu, découvrir en nos vies tout ce qu’elles ont de divin, entendez de beau, de vrai et de bon. Ensuite, deuxième raison pour laquelle Noël ne peut être changé au gré des circonstances ou des humeurs : précisément parce que nous célébrons l’initiative de Dieu en Jésus. Nous n’intimons pas à Dieu ses faits et gestes, tout simplement parce que nous ne sommes pas Dieu. Nous pouvons le supplier, comme nous l’avons fait encore pendant tout le temps de l’Avent, d’hâter sa venue, mais Lui seul connaît et le jour et l’heure. « Veillez et priez car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure », nous a rappelé Jésus dans l’évangile au premier dimanche de l’Avent. 


Pourtant il n’aurait pas été impertinent de nous questionner en vérité pour savoir quelle saveur aurait ce Noël aussi atypique que les mois qui l’ont précédé. N’y aurait-il pas de Noël possible cette année ? Bien sûr que si ! Plus silencieux et plus profond, plus semblable au premier dans lequel Jésus est né, dans la solitude. Sans beaucoup de lumières sur terre, mais avec celle de l’étoile de Bethléem, illuminant des chemins de vie dans son immensité. Sans démonstrations de fastes mais avec l’humilité de nous sentir des bergers à la recherche de la Vérité. Sans grandes foules dans nos églises et avec des absences amères, mais avec la présence d’un Dieu qui emplira tout. Il n’y aurait donc pas de Noël possible ? Bien sûr que si ! Sans les rues débordantes, mais avec un cœur ardent pour celui qui doit venir sans bruits ni festivals, ni réclamations ni bousculades... Mais en vivant le mystère sans peur face aux prophètes de malheur qui prétendent nous enlever même le rêve d’espérer. Noël aura lieu parce que Dieu est de notre côté et qu’il partage, comme le Christ l’a fait dans une crèche, notre pauvreté, nos épreuves, nos pleurs, nos angoisses. Noël a lieu parce que nous avons besoin d’une lumière divine au milieu de tant d’obscurité. Jamais la Covid19 ne pourra atteindre le cœur ou l’âme de ceux qui mettent dans le ciel leur espérance et leur haut idéal. 


Nous nous rappelons ce soir, cette nuit, que nous ne sommes pas maîtres de tout, et heureusement pour nous. Dieu se plaît à nous visiter et à naître en vous, pour peu que nous soyons des hommes et des femmes de bonne volonté. Nous le prions, c’est-à-dire que nous le laissons entrer en nous pour vivre ces temps présents dans l’espérance de son amour. Noël aura lieu ! Dieu naît au milieu de nous, en nous et nous apporte la liberté !


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 18 décembre 2020

Homélie pour le 4ème dimanche de l'Avent (B) - 20 décembre 2020

David est très vénéré dans le judaïsme. On lui attribue la composition de tous les psaumes et, selon la tradition, il priait Dieu en chantant et en s’accompagnant de la lyre à dix cordes ou de la harpe (cf. Ps 33,2). Pas de doute, c’était un poète, un musicien, un artiste ! C’est ainsi que les peintres et les sculpteurs l’ont souvent représenté ! Mais David fut aussi un pécheur ! N’est-il pas important pour nous de constater que les plus grands personnages bibliques ne sont pas irréprochables. La Bible en effet garde la mémoire de son double péché : son adultère avec Bethsabée, la femme d’Urie le Hittite, et son homicide puisqu’il a fait tuer ce pauvre homme pour cacher son adultère ! Pourtant tout semble réussir à ce pécheur, puisque le prophète Samuel évoque le fait qu’il « habite enfin dans sa maison ». Homme parvenu, qui n’a peut-être ni la cinquantaine ni une Rolex au poignet, mais homme dont le pouvoir est établi et à qui tout semble sourire.


David alors, est-ce dans un sursaut de conscience (de mauvaise conscience) ?, se rend compte de la disproportion de la situation. Il a tout, mais tout cela il le doit à Dieu. Sans lui, que serait-il ? Sans doute encore un homme frêle et chétif au milieu de ses frères, à garder encore le troupeau. Le choix de Dieu en a fait, par l’onction d’huile, l’oint du Seigneur, son envoyé. Quoi qu’il en soit de sa réussite, ou de sa responsabilité par rapport à Dieu, la Bible se plaît à souligner en contrepoint le profond repentir de David et le pardon que son attitude de conversion a obtenu de Dieu.  Dans la prophétie de Samuel que nous entendions, Dieu y rappelle à David qu’il a toujours habité avec son peuple, non pas dans une maison mais sous la tente : il a choisi d’accompagner son peuple dans ses déplacements. Dieu ne s’est pas installé dans un lieu mais dans un peuple. Sa maison, c’est son peuple au milieu duquel il a choisi de planter sa propre tente !


Alors que David tient à construire une maison au Seigneur, ou pour se dédouaner de sa propre réussite, ou pour mieux l’assumer, ou encore pour acheter son pardon, Dieu refuse. David cherchait-il à faire de Dieu son obligé ? A ce que Dieu lui soit redevable ? Or Dieu échappe à toute main mise. Il ne convient pas d’inverser les rôles : ce n’est pas à David d’accorder une faveur à Dieu ; au contraire, par la bouche du prophète Nathan, Dieu rappelle les bienfaits dont il a comblé son serviteur et il ajoute encore celui-ci : « Ta royauté et ta maison subsisteront toujours devant moi ». Dieu se porte garant de la maison de David et n’a pas besoin d’une maison pour lui-même, comme si on pouvait l’avoir sous la main. Il est « le Dieu des grands espaces et des larges horizons » faisait chanter un cantique (d’assez piètre qualité, d’ailleurs). Mais sur ce point le texte était juste : Dieu ne se laisse pas enfermer, même dans la plus belle des demeures et c’est Lui qui a l’initiative de son habitation. 


Dieu procède ainsi. Quand nous avons la prétention de penser pour lui, de décider pour lui, et de ne soustraire au fait de demeurer les instruments de sa grâce, Il nous rappelle qu’il est à l’origine de toute chose. Notre rôle est d’accueillir cette visitation dont il est l’auteur et l’hôte. Il vient à notre rencontre. La plus belle des demeures que nous puissions lui offrir est un cœur prompt à faire le bien et une vie droite. Et c’est le signe qui nous est donné en Marie. Elle est choisie pour nous donner le Sauveur, pour accueillir en elle la grâce dont jaillit la vie. Elle offre sa personne à la volonté de Dieu, en se faisant « la servante du Seigneur » afin que tout se passe pour elle et en elle selon la parole de l’ange. 


A la maison que David voulait bâtir en résidence pour Dieu, Dieu répond en se choisissant Marie comme demeure digne de lui. A quelques jours de Noël, il nous rappelle que c’est en nous qu’Il continue de vouloir naître et c’est en nous qu’il veut demeurer. Ne nous y méprenons pas… 


AMEN.


Michel STEINMETZ †  


vendredi 11 décembre 2020

Homélie pour le 3ème dimanche de l'Avent (B) - 13 décembre 2020

« Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5,16-18). Cette parole, nous la recevons sans doute avec étonnement, comme elle le fut dans la communauté des Thessaloniciens. Peut-on toujours être dans la joie ? Peut-on prier sans relâche ? Peut-on rendre grâce en toute circonstance, comme si les événements qui marquent l’existence humaine étaient tous bénéfiques ? Il est vrai qu’en ces temps une certaine lassitude peut nous gagner, devant une vie profondément hantée par le virus, par les confinements successifs, les peurs, les interrogations et les mesures liberticides. Nous sommes atteints jusque dans notre réalité de chrétiens quand il s’agit de pouvoir nous retrouver. Nous sommes ébranlés jusque dans notre foi alors que la joie peine à pouvoir s’exprimer. Pourtant les paroles de l’apôtre résonnent comme une parole de Dieu pour nous. Et sans doute n’était-il pas plus facile pour les chrétiens de Thessalonique que pour nous d’être dans la joie. Pour être disciple de Jésus et pour mettre en pratique l’invitation de saint Paul, faut-il anesthésié la situation. Nous ne le pouvons pas. Faut-il devenir comme insensible à tout ce qui survient ? Ce serait dangereux pour notre âme. Faut-il fermer les yeux sur ce qui arrive, les garder perpétuellement fixés vers le ciel, au risque de trébucher sur les embûches du chemin ? Cette attitude d’action de grâce permanente, de joie perpétuelle, de prière incessante, est-elle compatible avec une existence normale ? Ou bien, prenons-nous cela comme une exhortation pour calmer un peu la mauvaise humeur mais sans y accorder vraiment d’importance ?


Prier sans relâche, cela veut dire que nous nous tenons constamment dans la présence de Dieu, évidemment pas toujours de façon consciente et active, mais de façon permanente. Cette permanence s’exprime à travers la régularité de notre prière et la manière dont nous faisons de notre existence une prière. Ainsi ne s’agit-il pas de caler dans un emploi du temps toujours surchargé du temps pour Dieu. Mais il s’agit bien plus d’associer Dieu à tout ce que nous vivons. Allez-vous rencontrer telle personne ? Demandez à Dieu de vous accompagner. Marchez-vous dans la rue ? Plutôt que de dévisager tel ou tel, confiez-le à Dieu. Croisez-vous une ambulance ? Suppliez Dieu d’aider celui ou celle qui est soigné et ceux qui prodiguent les soins. Nous avançons ainsi sous le regard de Dieu, et ce regard de Dieu nous fait partager la lumière que Dieu projette sur les événements du monde, nous permettant, pour poursuivre le raisonnement de saint Paul, de discerner la valeur de toute chose. Car en toute chose de ce monde sont mêlés le bien et le mal, l’espérance et la souffrance. En toute chose de ce monde sont mêlés des sentiments contraires qui habitent tour à tour notre cœur. 


Être chrétien, ce n’est pas fermer les yeux sur l’ambiguïté de cette expérience humaine, et faire comme si de rien n’était. Être chrétien, c’est discerner, c’est-à-dire, à la lumière de la parole de Dieu, essayer d’identifier, de repérer, ce qui est bon pour le garder et le faire fructifier, essayer de repérer ce qui est mal pour s’en éloigner. C’est au prix de cette lumière de la foi que nous nourrissons par la prière constante que nous pouvons vivre dans l’action de grâce car à ce moment-là, ce n’est pas simplement l’effet immédiat des événements qui marque notre vie, c’est la manière dont il participe, d’une façon mystérieuse, à l’accomplissement du dessein de Dieu à travers l’histoire des hommes. Certes, certains de ces événements peuvent être pour nous gênants, douloureux ou difficiles à vivre, mais à travers eux, Dieu construit quelque chose qui va progressivement accomplir son œuvre. C’est pourquoi, même si nous souffrons de quelques désagréments ou de véritables souffrances, nous sommes encore invités à rendre grâce car nous comprenons qu’à travers ce chemin difficile, Dieu est en train de tracer une route à travers le désert. Redresser le chemin du Seigneur, c’est une œuvre quotidienne, et nous le faisons sans édulcorer notre existence, sans noircir aussi le tableau, mais en replaçant toutes choses sur le chemin que Dieu prépare pour nous.  


AMEN.

Michel STEINMETZ †  


vendredi 4 décembre 2020

Homélie pour le 2ème dimanche de l'Avent (B) - 6 décembre 2020

Comment préparer les chemins du Seigneur dans nos vies ? Face à cette question qui nous accompagne, et qui sans doute nous taraude, pour peu que nous ayons à cœur de vivre selon l’évangile, l’épître de saint Pierre nous invite à regarder le temps que nous vivons, non pas comme un temps inutile ou un temps particulièrement périlleux, mais comme une espérance.


Le temps qui nous est donné, c’est le temps que Dieu nous accorde pour que nous puissions nous convertir. La première génération chrétienne à la suite de l’Ascension du Seigneur croyait que tout était fini et que Jésus allait revenir à très brève échéance. Et puis, il a fallu accepter, non seulement des années, mais des décennies, des siècles, et essayer de comprendre ce que cela voulait dire. Pourquoi faut-il attendre puisque tout est accompli dans la mort et la résurrection du Christ ? Que peut-il encore bien se passer ? N’est pas une contradiction de nous dire que tout est accompli dans le Christ et puis que l’histoire de l’homme continue de dérouler pendant des siècles ? Est-ce que Jésus-Christ aurait oublié de faire quelque chose ?


L’apôtre Pierre nous donne un élément de réponse et de compréhension. « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » (2 P 3,9). Nous retrouvons à travers l’apôtre Pierre la ligne fondamentale de la mission du Christ qui n’est pas venu imposer sa loi aux hommes, mais appeler les hommes à la conversion pour que leur attachement à la parole de Dieu ne soit pas forcé de l’extérieur mais conquis de l’intérieur par le retournement du cœur. Le royaume de Dieu ne s’impose pas comme un royaume terrestre, il se propose, il appelle la liberté humaine à le reconnaître et à y répondre. C’est pourquoi nous continuons d’attendre la venue du Seigneur. Non pas que nous oublions qu’il est venu il y a deux mille ans à Bethléem, mais parce que nous reconnaissons que le chemin ouvert par sa naissance et par sa vie, n’est pas encore complètement achevé. Il faut sans doute que tout soit d’abord « en voie de dissolution », que « les cieux disparaissent avec fracas, les éléments embrasés soient dissous », pour que dans ce chaos apparent se manifeste un ordre nouveau, complètement transfiguré par la gloire du Seigneur. 


Ainsi, et le prophète Isaïe insistait sur ce point, la gloire du Seigneur ne nous fait pas défaut ; elle nous est déjà donnée. Mais il lui manque un rayonnement. Prenons une comparaison simple : une ampoule n’est pas moins puissante parce qu’on la recouvre d’un abat-jour ! Mais plus cet abat-jour se fera transparent, moins la lumière ne sera freinée pour es répandre et éclairer alentour. Cette transparence à gagner en nos vies pour que l’amour répandu par l’Esprit-Saint en nos cœurs se répande, c’est un chemin de conversion. On pourrait dire en d’autres termes : de nettoyage sans cesse repris.  Le nettoyage consiste bien souvent à accepter de se déposséder de ce qui encombre ou s’accumule avec le temps. Et ce n’est pas pou rien que le désert a tenu une place considérable dans l’expérience fondatrice de l’alliance entre Dieu et Israël. Nous savons qu’il a été un lieu d’expérience extraordinaire pour un certain nombre de prophètes qui ont vécu dans ce passage au désert la relation radicale avec la présence de Dieu manifestée par le sentiment de son absence. Nous savons que Jésus lui-même, avant de commencer son ministère public est passé par l’épreuve du désert. La prophétie d’Isaïe, comme le ministère de Jean-Baptiste, ne nous surprennent donc pas. Nous savons que c’est par ce passage au désert que se construit l’histoire du salut. Nous savons que c’est par cet appel venu du désert que le cœur de l’homme peut être éveillé à l’accueil de celui qui vient.

  

Il n’y a pas d’accueil possible du Christ dans nos vies si nous n’accueillons pas d’abord cet appel à la conversion et au pardon de nos péchés. Il n’y a pas de conversion et de pardon de nos péchés si nous n’entendons pas la prédication du Baptiste, si nous ne sommes pas touchés au cœur par l’annonce de la venue du Christ.


AMEN.  


Michel STEINMETZ † 


vendredi 27 novembre 2020

Homélie pour le 1er dimanche de l'Avent (B) - 29 novembre 2020

Pendant les semaines qui viennent, nous allons nous préparer à célébrer la nativité du Christ, la venue du Fils de Dieu parmi les hommes. Ce temps de préparation, que l’on appelle l’avent, est un temps pour éveiller notre attention, pour ouvrir nos esprits et nos cœurs, pour ne pas manquer le passage du Christ. Ce que la liturgie veut nous faire comprendre, c’est que cette venue du Fils de Dieu dans l’humanité, qui s’est accomplie à Bethléem à un moment de l’histoire, continue de s’accomplir. Jusqu’à la fin des temps le Seigneur vient. Il vient croiser les routes des hommes, il vient parler aux cœurs des hommes, il vient donner des signes de sa présence.

On demande parfois ce que cela veut dire que d’être chrétien. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Avec peut-être un peu d’envie des chrétiens observent d’autres croyants, d’autres religions, et il leur semble qu’ils « savent » mieux ce qu’il faut faire. Ils disposent de consignes précises, qu’ils suivent ou qu’ils ne suivent pas, mais qui leur donnent exactement un mode d’emploi ! Les chrétiens seraient-ils à la traîne ? Leur fois pas assez prescriptive ? En fait, le Christ a toujours dit ce qu’il fallait faire, mais il l’a toujours dit de telle façon qu’il laissait la place à la liberté humaine pour entendre sa parole et pour y répondre. Ainsi, former des chrétiens, ce n’est pas leur inculquer un catalogue d’obligations, c’est éveiller leur liberté, les rendre capables d’entendre ce que le Christ dit et de comprendre comment chacune et chacun d’entre nous peut et doit mettre en pratique la parole du Christ. Les chrétiens ne sont ni des idiots par nature, ni des citoyens irresponsables comme les pouvoirs publics le laissent supposer ces derniers jours. 


Etre chrétien, c’est bien être éveillé, vigilant, attentif à cette présence de Dieu dans le monde, capable de s’émerveiller de ce qu’il fait à travers l’histoire des hommes, de reconnaître comment son amour ouvre des chemins inconnus à la générosité humaine, de reconnaître le dévouement de tant d’hommes et de femmes qui acceptent de renoncer à beaucoup de confort et d’avantages pour se mettre au service des hommes, et reconnaître dans ce service des autres un signe de l’amour pour les hommes. Il est plus facile de détourner la tête, de faire comme si on ne voyait pas. L’amour de Dieu répandu en nos cœurs par le don de l’Esprit Saint ne fait pas de nous des aveugles, il fait de nous des gens qui voient clair. Il ne fait pas de nous des indifférents à la misère du monde, il fait de nous des gens qui prennent part aux espoirs, aux souffrances, aux attentes de leurs frères. Être vigilants et attentifs à ce que Dieu veut nous dire.


Nous sommes invités à éveiller notre vie à la visite de Dieu. Nous sommes invités à ouvrir nos cœurs à la parole de Dieu. Nous sommes invités à ouvrir nos maisons à la visite de Dieu. Cela signifie que nous sommes invités à ouvrir nos cœurs à la rencontre de nos frères, à ouvrir nos maisons à l’accueil de nos frères. Veillez et priez, tel est le leitmotiv qui nous est donné en ce début du temps de l’Avent pour éclairer le chemin que nous avons à parcourir. 


Ce chemin de vigilance, d’attention et d’ouverture, n’est pas simplement imaginaire. Il est le fruit de ce qui a déjà été réalisé. Comme Paul le dit aux Corinthiens : « Dieu nous a donné la grâce dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu » (1 Co 1,4-5). Il ne s’agit donc pas de découvrir quelque chose que nous ignorerions, il ne s’agit pas d’entrer dans une sorte d’aventure pour découvrir l’inconnu, il s’agit de revenir, de retourner notre cœur, de retourner notre vie pour reprendre le goût des grâces reçues. Le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous, aucun don de grâce ne vous manque. Nous avons tout ce qui est nécessaire pour vivre ce temps comme un temps de l’accomplissement. 


Être chrétien, c’est répondre par ma parole à la parole que Dieu adresse aux hommes. Ma parole, elle s’exprime dans la prière, la prière solitaire, la prière commune, elle s’exprime dans mon action, les gestes de charité, de service, d’attention aux autres, qui sont la marque distinctive du chrétien en ce monde.


AMEN.

Michel STEINMETZ †  


vendredi 20 novembre 2020

Homélie de la solennité du Christ, roi de l'univers - dimanche 22 novembre 2020

Nous terminons l’année liturgique, et en ce dernier dimanche, nous célébrons le Christ-Roi, c’est-à-dire la royauté et le règne du Christ sur le monde. Horizon d’un monde radialement nouveau et pourtant déjà en devenir. L’évangile de ce jour, comme celui de dimanche dernier (la parabole des talents dont le maître confie la gestion à ses serviteurs) nous fait découvrir que la royauté universelle de Jésus n’est pas un pouvoir de domination, mais un règne qui dévoile le cœur et la liberté des hommes.


Dans le chapitre 24 de l’évangile de saint Matthieu, la parabole des talents nous parle du jugement de ceux qui ont reçu des richesses pour les faire fructifier, c’est-à-dire des héritiers de la Révélation de la Parole de Dieu. Le passage que nous venons d’entendre concerne le jugement de ceux qui n’ont pas reçu ces richesses : les hommes et les femmes qui ne connaissent rien, ni de Dieu, ni de la Bible, ni de l’Église. En nous révélant l’espérance qui leur est promise et la manière dont ils peuvent accomplir ce qui est bon, Jésus nous fait découvrir comment il est le Sauveur de tous les hommes, lui qui n’est pas venu « pour condamner le monde, mais pour que tout homme soit sauvé par lui » (Jn 3, 17). Comment ces hommes et ces femmes qui ne connaissent pas les Dix commandements, ni l’appel de Dieu à la miséricorde, ni Dieu lui-même ; comment peuvent-ils entrer par leur vie dans l’intention de Dieu ? Au moment du jugement ultime, Jésus dévoilera qu’ils ont été ses serviteurs sans le connaître, en suivant leur conscience et en vivant concrètement l’attention, l’ouverture et le dynamisme de la solidarité humaine et du service à l’égard de ceux qui les entourent et particulièrement des plus petits.


La communauté chrétienne qui se constitue à partir de la Pentecôte par l’accueil de l’Esprit-Saint, est, au milieu de l’humanité, le signe de cet appel universel de tous les hommes à entrer dans le dessein de Dieu. Cet appel dépasse le Peuple de la première Alliance, l’Israël qui a reçu la Loi. Il va aussi au-delà des chrétiens qui ont déjà reçu l’Esprit-Saint de la nouvelle Alliance. Il concerne tous les hommes et toutes les femmes de par le monde, depuis les origines jusqu’à la fin de l’humanité. Tous sont destinés à entrer dans la vie éternelle. Et nous qui formons l’Eglise de Jésus, et avons reçu ses talents – sa grâce, sa vie divine – nous ne sommes pour autant pas exonérés de cet amour de réciprocité envers notre prochain. Jésus, le Pasteur universel, envoie son Église pour rassembler toute l’humanité en un seul peuple. Même si elle exerce cette mission avec plus ou moins de succès et de conviction selon les lieux et les époques, l’Église contribue autant qu’elle peut à construire la communion de toute la famille de Dieu, à travers le temps et l’espace.


Dans la crise que nous traversons, et qui sera accentuée encore par la pandémie, un grand nombre de os semblables voit peu à peu reculer l’espérance de réussir leur vie. Beaucoup doutent que leur vie ait un sens. D’autres encore désespèrent de trouver l’équilibre et le bonheur. Et, parmi ceux et celles qui sont venus d’autres pays et d’autres cultures, certains peinent encore à trouver leur place et leur légitimité pour vivre ce qu’ils sont dans une société si différente de celle qu’ils ont quittée. Dans cet environnement, la communauté chrétienne demeure sollicitée. Elle est invitée de manière pressante à donner le témoignage d’une solidarité humaine profonde avec ceux et celles qui vivent alentour. Pour nous chrétiens, notre participation à la vie de la communauté, signe visible de la présence de l’Église en nos quartiers, fait de nous des témoins et des acteurs d’espérance. Chacun et chacune d’entre nous est invité à se demander comment il peut aider ses proches, ses voisins et son entourage, comment il peut mettre en pratique la solidarité humaine, et faire entrer ceux qui ne connaissent pas Dieu dans ce mouvement, afin qu’ils découvrent à travers le service de leur frère, ce Dieu qu’ils ignorent encore. Par-delà nos réalisations et leur développement dans le temps, la mission de l’Église nous entraîne à susciter, à soutenir et à encourager celles et ceux qui veulent essayer de faire quelque chose pour que la mort qui est à l’œuvre dans le monde soit vaincue par l’espérance de la vie.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 14 novembre 2020

Homélie pour le 33ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 15 novembre 2020

Si cette page d’évangile se déroulait dans le monde de l’entreprise, spontanément, nous serions prompts à reconnaître la valeur des deux premiers serviteurs et leur capacité d’initiative. Ils osent et prennent des risques s’il le faut. Cela sera payant. Et tout aussi spontanément nous dirions du dernier serviteur qu’il est un « looser », un pauvre type qui n’a finalement que ce qu’il mérite. Assurément, il n’a rien d’un « winner ». 


Or il se trouve que cet évangile est une parabole, c’est-à-dire un enseignement et non une histoire dont nous ne serions que les spectateurs. Chacun doit se sentir concerné par les paroles de Jésus. Après l’évangile des dix jeunes filles attendant l’époux au cœur de la nuit, le Christ identifie Dieu, cette fois, au maître exigeant, mais finalement patient puisque ce n’est qu’à son retour d’un long voyage qu’il demandera des comptes. Nous nous identifions volontiers à l’un des deux premiers serviteurs de la parabole tant cela relève d’un bon sens élémentaire. Pourtant, ne jetons pas trop vite l’opprobre sur le troisième et malheureux compère. 


Nous sommes parfois comme ce serviteur écrasé, paralysé par la peur.  Il y a des parties de notre vie, des parties de notre cœur, qui sont comme mortes.  Il y a d’un côté l’expérience qui nous a appris à découvrir nos limites.  Il y a d’autres parties de notre vie qui portent les traces des trahisons, de la cruauté parfois de nos proches.  Et maintenant encore nous n’osons plus entreprendre ou faire quoi que ce soit dans ce domaine où nous avons été si bien détruits. Car il y a plusieurs manières de détruire quelqu’un.  Il y a bien entendu la violence physique, mais il y a aussi - et c’est bien plus subtil - la violence psychologique.  On peut écraser quelqu’un en lui répétant sans cesse qu’il est incompétent, en l’obligeant à faire des choses qu’il est incapable de réaliser et de lui expliquer ensuite qu’il est un incapable.  Cela peut se voir dans certains milieux professionnels, mais aussi à l’intérieur d’un couple ou entre frères et sœurs.  Avec quel plaisir sadique, certaines personnes, usant et abusant de leur position de force, peuvent ainsi faire sentir leur supériorité, toute relative d’ailleurs.


Ce serviteur a peur et c’est l’image qu’il a de son maître. Cette image et cette peur blessent profondément le maître ; de même, cette peur que nous pouvons parfois avoir de Dieu le blesse et, si c’était possible, le révolte. Dieu ne se reconnaît pas dans cette image de lui, souvent inconsciente, que nous colportons avec nous. Nous faisons alors de la Bonne nouvelle de l’évangile une mauvaise nouvelle. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, ayant lu dans l’Ecriture que Dieu rétribuerait chacun selon ses œuvres, s’interrogerait de ce qui lui arriverait, à elle qui croyait n’avoi pas d’œuvres, enfermée dans son carmel. Elle reçut alors une lumière de la part de Dieu : « J’ai compris, écrit-elle, que Dieu me rétribuerait non pas selon mes œuvres à moi, mais selon ses œuvres à lui. Plus que de renvoyer aux dons et capacités (intelligence ou autre) que Dieu a donnés à chacun, les « talents » dont parle Jésus dans l’Evangile évoquent plutôt son Amour et les dons de grâce, force et intelligence, dont il nous comble pour que nous assumions nos responsabilités. Jésus veut apprendre aux siens à bien utiliser les biens que Dieu fait à chaque homme en l’appelant à la vie, en lui remettant des talents et lui confiant donc une mission à accomplir par le biais de ces biens donnés en partage. Ici le Christ invite à ne pas avoir peur de la vie et à ne pas avoir peur de Dieu. Dieu n’est pas un maître excessivement et injustement exigeant, mais un Père qui, par le don de la Charité, se donne par la libéralité de ses grâces.


Ces talents que Jésus nous a confiés à nous, ses amis et frères, se multiplient en les donnant. C’est un trésor donné pour être investi et partagé avec tous. Il serait donc stupide de penser que les dons du Christ sont un dû, et tellement insensé de renoncer à les utiliser, cela serait manqué au but de notre existence. Et chacun reçoit en fonction ce qu’il peut réaliser. Ainsi, Dieu n’attend pas nos exploits, mais seulement que nous nous abandonnions aveuglément à son amour, acceptant qu’avec ou sans œuvres, il nous modèle en chefs-d’œuvre de sa grâce. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 7 novembre 2020

8Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire A) - 8 novembre 2020

Depuis mardi dernier, le suspens était à son comble. Le monde entier avait les yeux rivés sur les Etats-Unis d’Amérique. Les commentateurs politiques s’en donnaient à cœur joie quant à leurs prévisions de l’issue du scrutin : lequel des deux candidats serait finalement élu 46ème président ? Les chaînes d’informations, elles-mêmes, en avait fait l’objet de leurs éditions spéciales, reléguant le fameux virus, pour quelques heures au moins, au second plan. Suspens haletant, donc, qui hier en fin d’après-midi a trouvé un dénuement. On comprend qu’à force d’attendre certains ont fini par s’assoupir devant leur poste de télévision ou, smartphones à la main, à force de guetter l’évolution de la répartition des grands électeurs.  


Dans l’évangile, les jeunes filles prêtes pour le cortège de la noce s’étaient elles aussi endormies à force de patienter. Et ce n’est pas une dépêche de CNN, mais le cri qui déchire la nuit qui les prévient : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. » Enfin, après de longues heures d’âpres négociations, les deux partis – les deux familles – ont réussi à s’entendre pour finaliser l’union des deux tourtereaux. Car c’est bien ainsi que s’arrangeaient les unions au temps de Jésus. Désormais donc, la fête attendue ne saurait être remise à plus tard. Le cortège nuptial doit s’ébranler et accompagner l’époux jusqu’au banquet des noces.


L’évangile nous dit que les jeunes filles sont au nombre de dix. Quelle en est la signification ? Les Pères de l’Eglise s’interrogent et plusieurs les assimilent à la figure de tout le genre humain. Ainsi Grégoire le Grand : « Tout homme possède en double chacun des cinq sens, et le nombre cinq étant doublé donne le nombre dix. Or, comme les deux sexes concourent à former la multitude des fidèles, la sainte Église nous est représentée sous la figure de ces dix vierges, et, comme les bons s’y trouvent mêlés aux méchants, et les réprouvés avec les élus, elle est comparée avec raison aux vierges sages et aux vierges folles. » Ces jeunes filles nous représenteraient donc, avec nos sens en éveil malgré notre torpeur. Nous voilà concernés.


Chose étrange, pourtant, et je l’avoue qui m’a toujours interpelé, voire choqué. Les jeunes filles « sages » refusent de partager l’huile avec les insensées. Qu’ont-elles fait de mal, celles-là, à part avoir une tête de linotte ? Et ces « sages » ne devraient-elles pas pratiquer la vertu du partage et de la charité ? Pourquoi ne le font-elles pas et pourquoi semblent-elles louer pour cela dans l’évangile ? Là encore, les Pères de l’Eglise tentent de décrypter cet apparent mystère de l’Ecriture. Si elles ne partagent pas, c’est qu’elles ne le peuvent pas. L’huile qu’elle porte serait le symbole de leurs œuvres. C’est ce qu’avance Augustin : « les lampes qu’on porte à la main représentent les œuvres, car il est écrit (Mt 5,16 ) : ‘Que vos œuvres brillent aux yeux des hommes’. » Hilaire de Poitiers est même très affirmatif : « L’huile, c’est le fruit des bonnes œuvres », et Jean Chrysostome ajoute : « l’huile, dans la pensée du Sauveur, c’est la charité, c’est l’aumône et tout autre secours donné aux indigents ». 


Le Moyen-âge a fréquemment représenté ces jeunes filles autour des portails des cathédrales, c’est le cas à Strasbourg. Pour franchir le seuil de la salle des noces, entendez du Royaume des cieux, il faudra donc pouvoir présenter, telles les jeunes filles sages de la parabole, le fruit de nos œuvres. Nous le savons : c’est à l’amour que nous aurons eu les uns pour les autres que nous serons jugés. Si cet amour peut et doit être contagieux, il ne peut se marchander ou se prêter. Aujourd’hui nous est rappelé l’urgence de notre responsabilité personnelle. Nous ne pouvons la différer à plus tard, comme en étouffant notre conscience et l’impératif de l’amour. Que viendra l’heure, nous ne lancerons pas de recours judiciaire contre Dieu pour lui faire repeser notre vie et changer l’issue de ce scrutin existentiel. Il nous faudra être prêt, de suite. La loi de ce juge sera certes non l’insouciance et la nonchalance, mais l’amour et la miséricorde. Sans faux-semblant.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


lundi 2 novembre 2020

Homélie pour le jour de commémoration de tous les Fidèles Défunts - 2 novembre 2020

« Tu enlèves la pax à mon âme, j’ai oublié le bonheur ». Ces paroles du livre des Lamentations, que nous entendions dans la première lecture, sont celles, assurément, qui bouleversent le cœur de Marthe lorsqu’elle se précipite vers Jésus. Son frère aimé et chéri est mort. Sa vie semble s’effondrer. Ces paroles sont sans doute aussi les vôtres, les nôtres que l’absence d’un être cher vient à blesser. Ou bien cette souffrance est encore vive parce que la mort est venue rôder il y a peu, ou bien elle ne cesse de performer nos chairs aimantes et ulcérées.


Alors Marthe délaisse la maison, et sa sœur Marie, non pas que cette dernière serait moins affectée qu’elle. Nous le savons en effet, les deuils se vivent de manière différente suivant les personnes, leurs tempéraments et leurs sensibilités. Certains auront besoin de crier leur rage et d’autres sombreront dans le mutisme ; certains auront besoin de s’activer comme pour jeter loin d’eux la douloureuse réalité, d’autres ne pourront rien faire car emprisonnés dans un chagrin carcéral. Tous cependant souffrent. Et Marthe et Marie. Et Jésus aussi. La mort de ce frère, de cet ami si cher, fait mal.


Comme dans un sursaut de vie, alors que l’évangile précise que Lazare est au tombeau depuis quatre jours déjà – c’est-à-dire dans la foi juive le moment où l’on est sûr que l’âme a quitté le corps et que plus aucun espoir n’est permis, Marthe accourt vers Jésus. De prime abord elle lui adresse le vif reproche de ne pas avoir été là. Car, aurait-il été là, les choses peut-être auraient pu être différentes. Lancinant cortège de tous ces « si » toujours en suspens. Si j’avais su, si j’avais compris, si j’avais été là… Marthe, par sa démarche, voudrait faire parler encore son frère : elle souhaite venir à bout du silence caverneux du tombeau. 


Pourtant, au cœur de cette action désespérée, elle n’oublie pas sa foi. Bien plus qu’une résignation, elle sait que malgré tout Jésus pourra venir à son aide. « Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera ». Marthe a vu tant de fois la puissance de Jésus se déployer. Elle a été témoin des miracles de cet ami. Elle est entrée dans l’intimité de son identité. « O âme, n’oublie pas les morts, car ils vivent, et leur vie n’est rien d’autre que la tienne telle qu’elle sera lorsque, débarrassée des voiles qui te dissimulent sa vraie nature, elle parviendra à son épanouissement dans le sein de la lumière éternelle », écrivait Karl Rahner. L’âme de Marthe n’oublie pas. Justement. Et à cette foi Jésus répond sans ambages : « Ton frère ressuscitera ». Tout cela la sœur éplorée en a conscience, comme on se souvient d’une leçon de catéchisme. Jésus va plus loin encore : il est Lui, Résurrection et vie. Celui qui croit en Lui, même s’il meurt, vivra. Marthe passe alors d’une foi extérieure à l’intérieur du mystère. Elle est touchée au plus profond de son cœur. Elle croit, réellement, sans plus de doute, mais dans la folie de la confiance. « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde ». Le discours ne concerne plus tant, curieusement, le frère défunt mais la puissance de vie qui se dégage de Jésus. Et c’est cette puissance qui va rendre à Marthe et Marie, pour un temps au moins, leur frère Lazare qui sortira du tombeau. Jésus ne fait rien d’autre que d’annoncer ici sa propre résurrection. Il sera vainqueur, lui, de la mort définitivement. 


A nous qui portons en nos cœurs meurtris, la blessure de la perte d’un être cher, il nous est donné bien plus que le signe de Lazare. C’est la résurrection de Jésus d’entre les morts qui nous fait entrevoir notre destinée commune. « La mort rend [à l’homme] ce que sa vie avait perdu. L’immortalité serait un fardeau plutôt qu’un profit, sans le souffle de la grâce », écrit saint Ambroise. Alors s’il nous est donné bien plus que le signe de Lazare, allons avec Marthe vers Jésus, et dépassons-la même en chemin.


AMEN.

Michel STEINMETZ †


vendredi 30 octobre 2020

Homélie de la solennité de Tous les Saints - 1er novembre 2020

« Les petits, devant ! » Frères et sœurs, qui n’a pas déjà entendu cela, au moins une fois dans sa vie ? Chaque fois qu’on fait – enfin, faisait… dans le monde d’avant, sans distanciations sociales ! – une photo de classe ou de famille pour marquer un moment particulièrement heureux, il s’agit pour les grands de s’effacer au profit des petits mis au premier plan. Il arrive même parfois que des grands consentent à se faire petit en se mettant à genoux. « Les petits, devant ! » : et si nous faisions de ce mot d’ordre du photographe, notre devise. Et si c’était finalement cela, l’esprit des Béatitudes ? Car il avant tout celui de Jésus qui consent à se faire petit et serviteur de tous. Il se fait modèle pour chacun qui veut le suivre et il n’y a aucune autre voie possible. A ceux qui rêvent de grandeur, de première place, y compris parmi les apôtres, il répète inlassablement : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous » (Mc 10, 43-44). Voilà le renversement des Béatitudes. Avouons-le, il est toujours un peu douloureux. Qui que nous soyons, et quoi que nous fassions, nous aimons être reconnus à notre juste valeur, être considérés pour les efforts que nous déployons. N’apprend-on pas aux enfants à dire, dès leur plus jeune âge, « merci » ?


L’orgueil est dénoncé depuis les origines de la Révélation biblique. A commencer par le récit de la chute d’Adam et Eve. Ils se sont pris pour Dieu en prétextant connaître ce qui est réellement bon à leurs yeux. A la tour de Babel, les hommes ont cru arriver par la force de leurs mains et par leur génie à la hauteur de Dieu. Voilà que nous continuons de rêver : nous voulons être grands, d’une manière ou d’une autre, comme si cela était inscrit dans nos gênes. Les Béatitudes, elles, viennent nous bouleverser et renverser les perspectives. Là où nous persistons à regarder avec les yeux du monde, le Christ sur la montagne nous invite à regarder comme Dieu. Il n’est plus dès lors question d’apparence, de prestige, de vanité. Il s’agit de regarder le cœur en priorité. Dieu voit dans notre cœur, tout le reste n’a pour lui guère d’importance. Que fais-je de ma vie ? Qu’est-ce qui en est le moteur, le dynamisme premier ? Le fait d’être grand, reconnu, aimé ? De briller, d’être admiré ou adulé ? Ou au contraire la joie de l’humble serviteur de la paix, de la miséricorde, de la justice ? 


De manière tragique, avec l’attentat de Nice, nous avons vu comment Dieu peut être relégué à la dernière place. Car la folie des hommes, la barbarie et l’idéologie ne conduisent qu’aux idoles. La revendication d’un Dieu puissant est en fait une trahison de Dieu. Nous le croyons, et viscéralement nous ne changerons pas de cap : le Dieu que nous professons, chrétiens, est celui des Béatitudes qui fait mettre les petits devant. Il est celui non qui fait pleurer, mais qui console ; non qui persécute, mais qui prend soin ; celui qui n’apporte pas la terreur, mais la paix ; qui ne prend pas plaisir à l’iniquité, mais à la justice. Ce Dieu nous est devenu proche : en Jésus il nous est révélé et nous révèle que cela n’est pas au-dessus de nos forces. Ce germe de Béatitudes est présent dans l’humanité.


Celles et ceux que l’Eglise honore en ce jour, et auxquels nous pouvons demander d’intercéder afin notre colère se change en charité, que notre vengeance se fasse pardon, ceux-là et la « foule immense que nul ne pouvait dénombrer » nous enseigne que le chemin de la sainteté n’est pas une illusion. Des hommes et des femmes comme nous ont vécu dans leur vie les Béatitudes et ont trouvé leur joie à se faire petits. Certains ont versé leur sang pour les autres, ou pour demeurer fidèles au Dieu d’amour ; d’autres ont accepté de transformer leur morne et banal quotidien en se convertissant. Tous n’ont pas cherché à être grands aux yeux du monde, mais seulement grands aux yeux de Dieu. Ils ont vécu leur existence avec simplicité, acceptant de se laisser aimer de Dieu et de devenir toujours plus semblables à Lui. Voilà le chemin du chrétien, du disciple du Christ. Toute autre voie serait le renier. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 23 octobre 2020

Homélie du 30ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 25 octobre 2020

Sans doute avez-vous déjà entendu parler dans nos cercles catholiques d’option préférentielle pour les pauvres. Parfois politiquement ou idéologiquement connotée, en raison de son exploitation dans ce qu’on a appelé la « théologie de la libération », l’expression a pu engendrer chez certains une prudente méfiance. D’origine latino-américaine, l’option préférentielle pour les pauvres a pourtant été intégrée officiellement à l’enseignement social de l’Eglise par Jean Paul II. Elle plonge ses racines au cœur même de la foi au Christ et concerne tous les croyants. Elle ne se traduit pas par une exclusivité mais par une priorité accordée aux pauvres. Elle est inséparablement l’expression de la justice et de la charité au sein des relations personnelles et sociétales. Déjà avant l’ouverture du concile Vatican II, Jean XXIII avait déclaré le 11 septembre 1962 : « L’Église se présente telle qu’elle est et veut être : l’Église de tous et particulièrement l’Église des pauvres. » Aujourd’hui, en préambule à la liturgie de la Parole, le livre de l’Exode nous rappelle que Dieu se place toujours et d’abord du côté de ceux qui souffrent, d’une manière ou d’une autre. S’il faut chercher Dieu, c’est là qu’il faut commencer.


Cela nous amène inévitablement à nous interroger : qui sont les pauvres ? Dans le langage de l’Ancien Testament, le pauvre est l’indigent. C’est-à-dire celui qui viendrait à manquer du nécessaire vital. La première lecture rejette ainsi sévèrement les comportements qui briment les immigrés, les veuves, les orphelins. Comme au temps des Hébreux maltraités en Egypte, les démunis de toutes sortes qui peuplent nos villes et crient vers Dieu sont ses interlocuteurs privilégiés. On ne les exploite pas. Dieu tient à ses limites. Quiconque les respecte n’a pas besoin d’en parler. Il rejoint la cohorte des croyants solidaires, centrés sur le service des autres, laissant de côté idoles pour « servir le Dieu vivant et véritable ». Ceux-là accomplissent la Loi dans son entièreté ; ils suivent la Loi nouvelle de l’Evangile. 


Les pauvres, cependant, ne sont-ils que les autres ? Ne suis-je pas à moi-même « mon pauvre » ? D’ailleurs nous disons volontiers de quelqu’un : « mon pauvre ! », mais cela vaut aussi pour nous. Le pauvre est bien celui qui manque de quelque chose de vital. Il y a bien sûr les denrées indispensables à la subsistance, le fait de profiter d’un toit. Nous savons cependant que la liste des pauvretés ne s’arrête malheureusement pas là : pauvretés humaines, psychologiques, spirituelles. Il me semble que ce n’est qu’en acceptant nos propres pauvretés que nous pourrons venir en aide à notre prochain. Sinon nous courons le risque de toujours nous croire supérieurs, dans une posture de charité mondaine qui consisterait à enfiler les bonnes actions, comme on le fait avec les perles.


A la question pernicieuse posée par ses détracteurs, Jésus nous indique l’articulation majeure de la Torah et nous invite à la saisir par l’endroit où il la saisit lui-même. Articulation exacte de la Torah, son point d’équilibre, faite non seulement par Jésus, mais en Jésus lui-même. Quand l’évangile dit : « De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes », il faut entendre : « A ces deux commandements est suspendue toute la Loi, ainsi que les Prophètes ». C’ets le même terme qui désignera Jésus lui-même, suspendu au bois de la croix. Le corps de la Torah est suspendu à l’articulation, à la croisée de l’amour de Dieu et l’amour du prochain, comme le corps de Jésus le sera aux deux montants de la croix, en son corps sous-tendu par le double commandement de l’amour jusqu’à l’infini du don de soi.


Vous vous demandez comment vivre en chrétien ? Commencez par vous regarder en vérité : vous vous découvrirez pauvres, et donc libres d’aimer. Faites ensuite comme Jésus : imitez-le. Alors vous pourrez consentir à vous laisser suspendre à l’amour de Dieu pour vous et vous vivrez en retour l’amour du prochain. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 16 octobre 2020

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 18 octobre 2020

On imagine sans trop de mal la scène. Les messagers des pharisiens d’une part et les partisans d’Hérode d’autre part ont reçu la consigne d’avoir Jésus par ruse. L’embuscade est décidée et elle débutera en passant « de la pommade ». Et cette flagornerie grossière n’a d’égal que l’hypocrisie qui la sous-tend. Qui, avec un peu de bon sens, pourrait croire ces mensonges dignes de ceux Blaze dans la Folie des Grandeurs : « Et maintenant, Blaze, flattez-moi ! » ? Jésus évidemment n’est pas dupe. Il comprend le piège qu’on lui dresse et il sait que sa réponse en fera se refermer sur lui les mâchoires acérées. Car la question n’est pas anodine. Au-delà de la dimension fiscale et pécuniaire, Jésus est acculé à prendre position pour ou contre le pouvoir romain, pour ou contre l’occupation romaine. Il doit choisir : résistant valeureux ou lâche « collabo ».  Or pour lui cette question n’est pas d’abord politique : elle est spirituelle. Il n’est pas là pour cela mais pour rappeler pour tous et toutes choses la primauté de Dieu.


Pour Jésus, il ne s’agit pas tant d’affirmer la priorité du spirituel sur le temporel, ou l’inverse, de savoir – en transposant nos catégories contemporaines et que certains aiment à exploiter – si le dernier mot revient au pape ou au président de la république. Le débat ne porte pas dans l’évangile sur la laïcité et sur la séparation des pouvoirs. Il est vrai que l’Histoire en porte les traces car, rapidement, on peut tomber dans l’une ou l’autre acception. Nombre de nos débats actuels, notamment sur les questions bioéthiques, ou très récemment sur l’allongement de l’IVG, pourraient nous entrainer dans de telles considération pharisiennes. Revenons alors à la quintessence de l’enseignement de Jésus. Que dit-il ? 


Selon Jésus, inutile de proclamer la mort de Dieu pour laisser l’Etat exercer ses responsabilités. Le prophète rappelait dans la première lecture qu’il est même possible de porter un regard de foi sur un ancien empereur païen, Cyrus. Isaïe fait l’expérience que, hors du Seigneur d’Israël, il n’en est pas d’autre. Dieu infuse de sa présence toute la société humaine qu’elle qu’en soit le régime. Dieu reste toujours présent et il ne peut être chasser à coup de lois ou de dictatures : « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors de moi, pas de Dieu ». Les Césars de toutes sortes, en effet, se remplacent à vive allure sur des trônes éphémères. Leur existence renvoie à une béance perpétuelle. La présence de Dieu est d’un autre ordre. 


Le denier représentait le buste de l’empereur avec l’inscription « Tibère César, fils du divin Auguste, Auguste » : prétention divine blasphématoire pour les Juifs ! Mais Jésus reconnaît avec habileté dans les pragmatiques hérodiens et les déistes pharisiens la souveraineté politique romaine du moment : le prince qui frappe monnaie a l’autorité temporelle sur le pays. Lui Jésus ne veut pas être un Messie politique. Et les croyants demeurent des citoyens tenus à remplir tous leurs devoirs : nous devons observer les lois et donc payer nos contributions. 


S’il faut rendre à l’Empereur l’impôt (la pièce frappée à son effigie), il faut plus encore rendre à Dieu ce qui porte son image. Or qu’est-ce qui porte l’image de Dieu ? Ainsi que le déclare le premier récit de la création : l’être humain ! Tout être humain, quels que soient sa couleur de peau, son état de santé, son âge, sa condition, porte l’empreinte divine et il est donc revêtu d’une dignité inaliénable. L’Etat ne dispose cependant pas d’un pouvoir inconditionnel, il ne peut empêcher l’humain de « se rendre à Dieu », il ne peut imposer l’athéisme en combattant la religion vue comme une superstition néfaste, ni imposer des lois qui brident la liberté et bafouent la dignité humaine.


Le monde dans lequel nous vivons n’est que l’ébauche du Royaume des cieux. En nous rendant semblable à Celui dont l’effigie est gravée au fond de nos cœurs, son Royaume grandira et transformera ceux de ce monde. Que notre charité « se donne de la peine » et que notre espérance « tienne bon » pour ne pas déserter nos engagements ! 


AMEN.


Michel STEINMETZ  †


vendredi 9 octobre 2020

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 11 octobre 2020


Je ne sais, à vrai dire, si le festin de noces qu’évoque Jésus est soumis à des restrictions sanitaires drastiques. Y a-t-il de la place pour plus de trente personnes ? Ont-elles le droit de se mettre à plus de dix par table ? En tout cas, à chaque fois que nous nous approchons de la table eucharistique du Seigneur, il nous est rappelé : « heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ! ». Et d’emblée nous percevons que ce à quoi nous sommes conviés à prendre part n’est pas un repas anodin. Il n’est pas le pain partagé que des amis ou des militants partageraient en toute fraternité. Il n’est pas plus le repas qui nourrit notre corps. Il est, en même temps qu’il l’annonce, le repas du Ressuscité. C’est-à-dire ce temps anticipé où nous découvrons un avant-goût du Royaume de Dieu, ce moment béni où nous vivrons réellement en frères car, enfin, nous saurons vraiment ce que c’est que de vivre dans l’amour. 


Dans la parabole de l’évangile, nous retenons d’abord la profonde tristesse du roi. Alors qu’il célèbre les noces de son fils, et qu’il désire sans doute ce qu’il y a de meilleur, de plus beau et de plus réussi pour lui, il envoie ses serviteurs lancer les invitations. Après un premier et étonnant refus, le roi, loin de s’offusquer, retentent en affichant le menu alléchant qui leur sera servi : « ‘Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés, tout est prêt : venez à la noce.’ ». Une fois de plus, personne ne répond : les uns préfèrent vaquer à leurs occupations et les autres, irrités d’être invités mettent à mort ces serviteurs. Là, sans doute au comble de la colère et du désespoir, le roi envoie ses troupes pour sévir. C’est décidé : tous ceux-là ne sont pas dignes. Pourtant les noces auront bien lieu. Alors, après cette profonde tristesse, le roi fait chercher ceux qu’on aurait jamais imaginé inviter : ceux qui traînent par là. Eux ne demandent rien, ne sont pas « bien-nés ». Eux répondront et viendront.


Il y a ensuite l’impolitesse manifeste d’un des convives qui se verra chasser manu militari. Tout le monde peut entrer, mais il y a une condition : porter le vêtement de noce. Selon l’usage en vigueur en Israël pendant la vie terrestre de Jésus, l’époux donne aux invités le « kittel », un vêtement spécial à porter pour son mariage. Il n’est ni mérité ni acheté. Saint Augustin, déjà, s’interroge sur la nature de ce vêtement : « Je ne puis donc penser que le baptême, j’entends le sacrement seul, soit le vêtement de noce, car je vois qu’il est porté par les méchants comme par les bons. […] La fréquentation de l’église ? Les méchants y vont aussi. » Dès lors, quel est ce vêtement de noce ? Et à saint Grégoire le Grand de lui répondre : « Chacun de vous, donc, qui dans l’Église a foi en Dieu a déjà participé au banquet de noce, mais il ne peut pas dire qu’il a le vêtement de noce si elle ne garde pas la grâce de la Charité » (Homélie 38,9 : PL 76,1287). Et ce vêtement est symboliquement ‘tissé’ de deux bois, l’un en haut et l’autre en bas : l’amour de Dieu et l’amour du prochain (cf. ibid., 10: PL 76, 1288). 


Il en coûte au Seigneur de nous voir bouder son invitation quand nous sommes repus de nous-mêmes et estimons que nous avons mieux à  faire que de nous réunir ensemble pour célébrer ce repas. Pourtant la messe dominicale devrait être pour nous une question de vie ou de mort. Là sous les pauvres signes d’un peu de pain et de vin, Il se donne en nourriture pour que nous grandissions à la mesure de sa charité. Le prophète Isaïe nous le laissait entrevoir : Dieu, le Seigneur de l’univers, prépare pour nous une fête qui ne s’arrêtera jamais et cette fête sera capable d’enlever de notre visage tous les motifs de notre tristesse. Vous avez sans doute déjà fait l’expérience d’un enfant qui chute : il suffit que son père le relève, lui prenne la main et essuie avec amour la larme qui coule le long de sa joue pour qu’il retrouve quasi-instantanément le sourire de se savoir aimé et protégé. Ainsi Dieu. 


Nous sommes tous invités à aller avec la foi à ce banquet, mais nous devons porter et garder le vêtement de noce : la charité qui est la mesure de notre foi. « Voici le vêtement de noce. Examinez-vous : si vous l’avez, vous prendrez place avec confiance au banquet du Seigneur. » (AUGUSTIN, Sermon 90, 1 5-6, PL 38, 559 561-56.)


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 2 octobre 2020

Homélie du 27ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 4 octobre 2020


Si vous avez prêté attention à la première lecture, vous avez peut-être été quelque peu désabusés, voire choqués, par l’attitude de Dieu envers sa vigne. On passe d’un chant d’amour, celui « du bien-aimé à sa vigne », à une scène de désolation. La vigne, pourtant si chérie, se trouve abandonnée. Elle qui avait l’objet de tous les soins – sa terre avait été retournée, les pierres retirées ; on y a mis un plan de qualité ; le terrain muni d’une tour et d’un pressoir, voilà qu’elle n’a rien donné. Des beaux fruits attendus, il n’y en a eu. Son propriétaire l’abandonne et elle est désormais ouverte, abandonnée. Comment comprendre une telle attitude ? Comment expliquer un tel retournement si c’est n’est pas dépit amoureux. Celui qui a tant aimé devient capable non seulement d’indifférence mais d’hostilité quand il découvre cet amour impossible ou trahi. Isaïe, s’il le fallait, explique que cette vigne, c’est l’Israël de Dieu, son peuple chéri, et que le propriétaire, c’est Dieu. 


Pourtant nous n’en sommes restés là. Dans l’évangile, Jésus reprend clairement le « chant de la vigne » rapporté par Isaïe (Is. 5) : parmi toutes les nations, Dieu a planté Israël, son peuple avec lequel il a fait alliance et qu’il a comblé de bienfaits et dont il attend de très bons fruits.  Elie, Amos, Osée, Isaïe, Jérémie, et tant d’autres jusque Jean-Baptiste ont été envoyés par Dieu pour rappeler l’Alliance et dénoncer les infidélités de son peuple. Mais hélas, la Bible rapporte leurs échecs successifs : non seulement on refusait de les écouter mais souvent ils suscitaient une telle furie que certains d’entre eux ont été mis à mort !  Voilà cependant que, tournant de l’histoire, Dieu ne se résout pas au dépit ; il envoie Jésus, son Fils bien-aimé. Devant sa bonté, sa tendresse, sa clarté, son amour, on s’attendrait qu’enfin les hommes admettent leurs errements et se convertissent à son enseignement. Pourtant, par trois fois, la haine s’exacerbe et on met à mort ce fils traité comme un blasphémateur impie et qui en effet sera exécuté hors de la ville, au Golgotha (He 13, 12). Et quels sont les auteurs qui ont manigancé cette exécution ? Ceux qui prétendent servir et défendre l’Alliance de Dieu avec son peuple. Jésus, alors, s’approprie le psaume 117 dans lequel un juste persécuté clame sa joie d’avoir été sauvé par son Dieu. Alors que les chefs du peuple le considéraient comme « un rebut », le rejetaient comme les maçons écartent une pierre impropre à la construction, voilà que Dieu va rechercher cette pierre méprisée et en fait la pierre d’angle de sa nouvelle construction, l’Eglise. Le Seigneur choisit un crucifié bafoué et déshonoré pour en faire le fondement de la Cité nouvelle qu’il construit !


Pourtant le signe de la vigne ne disparaît pas pour autant. Notre baptême nous constitue en nouveau peuple de Dieu. Et si nous savons que la tendresse du Père est infinie, nous savons que nous pouvons toujours demeurer des vignerons homicides quand nous trahissons l’Evangile et pervertissons l’Eglise. Le Christ éveille alors notre intelligence, notre sens critique, notre capacité d’indignation afin que la foi ne devienne un système qui s’atrophie quand il n’est plus « en sortie » vers les périphéries existentielles. C’est l’enseignement de cette attitude singulière du grand patron, maître de la vigne, Seigneur de l’histoire, père de Jésus, notre Dieu. Aucun responsable sérieux n’agirait comme il le fait. Personne, à sa place ne perdrait ainsi son temps et ses meilleurs éléments. Après le sacrifice des premiers envoyés, qui en enverrait d’autres, désarmés ? Et après ce nouveau massacre, qui enverrait son fils les mains nues ? Pourquoi cet immense gâchis de collaborateurs sacrifiés ? Alors que les interlocuteurs de Jésus qui parlent de la colère du propriétaire, Jésus, lui, ne dit rien de tel. La fondation du monde nouveau se fera sur les rebus, sur les exclus. La périphérie sera placée au cœur. Oui, tout va changer, tout change incessamment. Et Jésus nous appelle à anticiper !


Frères et sœurs, sommes-nous le peuple qui fait produire le fruit du Royaume qui vient ? Fruits concrets de justice, d’espérance, de réconciliation en ces temps si troublés ? Marquons-nous, en nos vies, cette possibilité radicale de changement ? Pas pour revenir au « monde d’avant » pour hâter le monde nouveau.


AMEN.


Michel STEINMETZ †