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mercredi 25 mai 2022

Homélie pour la solennité de l'Ascension du Seigneur - 26 mai 2022

Il me semble que si nous demandions au tout-venant ce qu’évoque pour lui le mot « ascension », la majorité de nos contemporains répondrait assez spontanément ou bien un jour férié du mois de mai ou le fait de gravir un haut sommet. Peu, je ne le crains, ne ferait le récit de ce que nous venons d’entendre dans l’évangile. Est-ce si grave ? Pourquoi ne pas retenir une des réponses pour mieux comprendre nous-mêmes ce que nous célébrons au quarantième jour après Pâques ? Evidemment ne nous arrêtons pas au jour férié, mais regardons de plus près l’image du gravissement d’un sommet.

 

Pour une personne qui s’engage à la conquête d’un sommet, l’aventure impose un certain nombre de conditions. La première, la plus évidente, est de soigner et de travailler sa condition physique. Personne n’entend atteindre un tel but sans s’y préparer quotidiennement et s’astreindre à une rude discipline. On parle bien de « vaincre » un sommet. Cela est d’autant plus vrai qu’il faut préparer son corps à l’altitude élevée et aux changements de pression atmosphérique qui non seulement réduisent considérablement l’oxygène dans l’air mais entraînent aussi un phénomène de coagulation du sang. Et puis il y a encore l’effort musculaire pour s’attaquer à des dénivelés impressionnants. Ainsi faut-il entraînement et accoutumance avant de n’avoir l’impression grisante de tout dominer au somment mais aussi de se rapprocher du ciel, et donc de s’élever de terre. Impression fugace cependant car on ne peut y demeurer, comme l’aurait voulu Pierre au sommet du Thabor au moment de la Transfiguration de Jésus. Il faut donc consentir à redescendre.

 

L’Ascension de Jésus, elle, n’a rien d’éphémère puisque le Christ monte au ciel, non pour y faire un tour, mais pour y rester. Les quarante jours qui viennent de suivre la Résurrection ont peut-être donné aux disciples l’impression d’un entre-deux tout aussi déroutant que finalement confortable. Pourtant l’Ascension apparaît comme la suite logique de la Pâque, et comme le sera dans quelques jours la Pentecôte avec le don de l’Esprit. Multiples facettes d’un unique mystère pascal qu’il nous faut prendre garde de vouloir séparer. Jésus ressuscité habitue les siens à la modalité de cette nouvelle présence de sa part, qui se joue dans son absence, au moins au sens où ils avaient pu l’expérimenter d’ici là. Ces derniers sont donc eux-mêmes pris depuis quarante jours dans des pressions atmosphériques bien différentes : le sentiment de l’abandon et le réconfort d’une présence qui demeure. Leurs cœurs doivent s’accoutumer. Pour autant ils ne seront aujourd’hui que les témoins de l’ascension de Jésus. Restant là, à le regarder, ils ne pourront le suivre, du moins pas pour l’instant : il leur faudra d’abord être les témoins de tout cela « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. ». Ils recevront à cette fin la force de l’Esprit qui développera leur intelligence spirituelle. Aujourd’hui ils en sont encore à se demander quand Jésus va rétablir le royaume pour Israël.

 

Nous-mêmes, nous avons besoin de préparation pour participer à l’Ascension de Jésus qui pourtant « est déjà notre victoire ».  Préparation par notre vie et le sens que nous lui donnons dans l’entrainement quotidien et parfois rude à la charité. Préparation encore en nous donnant la musculature spirituelle dont nous avons besoin, notamment par la fréquentation de la Parole de Dieu. Préparation encore par la manière dont nous laissons concrètement l’Esprit de Dieu nous conduire et nous accoutumer aux pressions atmosphériques du Royaume à venir. Mais à la différence des sommets que nous pourrions vaincre à la surface du globe et desquels il nous faudrait inévitablement redescendre, l’ascension de Jésus dessine plutôt pour nous une direction et un avenir. C’est la communion, à la suite de Jésus, à la vie en Dieu pour laquelle non seulement nous devons nous préparer mais pour laquelle nous sommes faits. C’est là que Dieu nous attend et c’est pour elle qu’il désire nous prendre dans le mouvement de son Esprit.

 

AMEN.

 

Michel Steinmetz

vendredi 13 mai 2022

Homélie pour le 5ème dimanche de Pâques (C) - 15 mai 2022

L’évangile, aujourd’hui, nous replace dans un contexte assez sombre, celui du dernier repas de Jésus et des adieux qui l’accompagnent. Jésus sait que, désormais, sa mort est imminente ; ses disciples le comprennent. L’heure est grave, l’ambiance lourde. Il prend l’initiative de confier une mission à ses amis. La fidélité à cette consigne sera signe de sa présence, et peut-être plus encore. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».


De fait, la semaine passée, en observant une glycine en plein croissance et voyant comment elle commençait à se nouer au treillis censé la supporter, je me suis dit que c’est ainsi qu’il faut comprendre les deux parties qui composent l’évangile que nous venons d’entendre. Jésus, en effet, perçoit lui-même l’imminence du terme de sa mission. Il sait désormais, à ce moment-là de l’évangile, que Judas a préparé son coup et qu’il ira à son terme. Lui sera arrêté, jugé et condamné. Il devra mourir et offrir sa vie. Mais Jésus sait, au plus intime de lui-même, que ce sera là le seul moyen de « glorifier » Dieu, non à la manière d’un kamikaze qui irait à la mort, mais e pour que la mort elle-même soit définitivement entravée et que se manifeste la puissance du Père. 


Ce constat est assorti d’une dernière recommandation de la part de Jésus. Il la présente même comme un commandement « nouveau ». Or, nous lisons déjà dans la Bible, dans un de ses premiers livres, le Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). En quoi Jésus dit-il quelque chose de plus ? Ce n’est pas tout amour qui rend nouveau celui qui écoute ou celui qui obéit, mais celui que Jésus a qualifié en ajouter pour le distinguer de l’amour charnel : « comme je vous ai aimés ». Car s’aiment les uns les autres les maris et les épouses, les parents et les enfants, les amis, sans parler de tout lien humain qui peut attacher les hommes entre eux.  Jusqu’alors Jésus a révélé l’amour de Dieu pour le monde, pour lui, son Fils : à présent qu’il va lui-même jusqu’au bout de l’amour, il peut donc leur donner ce précepte. C’est parce qu’ils vont découvrir à quel point ils sont aimés que les disciples seront capables de partager entre eux l’amour reçu du Père. 


Remarquez encore qu’il ne dit pas : « Aimez les autres ». La Pâque de Jésus, son entrée dans la gloire de la croix a pour but immédiat et nécessaire de créer une communauté de croyants fraternels. L’Eglise n’est pas une organisation philanthropique, un ramassis de gens pieux qui font du bien à l’occasion. Aller à la messe pieusement, communier à l’hostie sans vouloir « communier » à ses frères présents et s’en aller, fût-ce en glissant une piécette à un mendiant inconnu, ce n’est pas ce que Jésus a commandé ! Nous ne pouvons nous accommoder d’à peu près, nous contenter de gestes superficiels. L’amour entre chrétiens doit être christique, radical, total, entier. Nous devons nous aimer comme Jésus nous a aimés : ce qui a deux sens. Il s’agit de l’imiter, de le prendre comme modèle, mais aussi d’aimer parce qu’Il nous aime. Jésus ne reste pas un modèle extérieur que nous aurions à copier laborieusement. Son amour imprègne ses disciples : nous nous aimerons grâce à l’amour que notre Seigneur nous donnera. Ainsi le commandement de l’amour devient le passage obligé pour avoir part à sa gloire. En nous nous aimant comme Lui l’a fait, amour du prochain et gloire divine seront liés comme la glycine à son treillis.  


" Ils ne s’aiment pas comme s’aiment ceux qui corrompent, dit saint Augustin, ni comme s’aiment les hommes parce qu’ils sont des hommes, mais ils s’aiment parce qu’ils sont ‘des dieux et des fils du Très-Haut’ (Ps 81, 6), de telle sorte qu’ils sont les frères du Fils unique, s’aiment les uns les autres de cet amour dont lui-même a aimés ». 



AMEN.


Michel STEINMETZ †