Pour une personne qui s’engage à la conquête d’un
sommet, l’aventure impose un certain nombre de conditions. La première, la plus
évidente, est de soigner et de travailler sa condition physique. Personne n’entend
atteindre un tel but sans s’y préparer quotidiennement et s’astreindre à une rude
discipline. On parle bien de « vaincre » un sommet. Cela est d’autant
plus vrai qu’il faut préparer son corps à l’altitude élevée et aux changements
de pression atmosphérique qui non seulement réduisent considérablement l’oxygène
dans l’air mais entraînent aussi un phénomène de coagulation du sang. Et puis
il y a encore l’effort musculaire pour s’attaquer à des dénivelés impressionnants.
Ainsi faut-il entraînement et accoutumance avant de n’avoir l’impression
grisante de tout dominer au somment mais aussi de se rapprocher du ciel, et
donc de s’élever de terre. Impression fugace cependant car on ne peut y
demeurer, comme l’aurait voulu Pierre au sommet du Thabor au moment de la Transfiguration
de Jésus. Il faut donc consentir à redescendre.
L’Ascension de Jésus, elle, n’a rien d’éphémère
puisque le Christ monte au ciel, non pour y faire un tour, mais pour y rester.
Les quarante jours qui viennent de suivre la Résurrection ont peut-être donné
aux disciples l’impression d’un entre-deux tout aussi déroutant que finalement
confortable. Pourtant l’Ascension apparaît comme la suite logique de la Pâque,
et comme le sera dans quelques jours la Pentecôte avec le don de l’Esprit. Multiples
facettes d’un unique mystère pascal qu’il nous faut prendre garde de vouloir séparer.
Jésus ressuscité habitue les siens à la modalité de cette nouvelle présence de
sa part, qui se joue dans son absence, au moins au sens où ils avaient pu l’expérimenter
d’ici là. Ces derniers sont donc eux-mêmes pris depuis quarante jours dans des
pressions atmosphériques bien différentes : le sentiment de l’abandon et
le réconfort d’une présence qui demeure. Leurs cœurs doivent s’accoutumer. Pour
autant ils ne seront aujourd’hui que les témoins de l’ascension de Jésus.
Restant là, à le regarder, ils ne pourront le suivre, du moins pas pour l’instant :
il leur faudra d’abord être les témoins de tout cela « à Jérusalem, dans toute
la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. ». Ils recevront à
cette fin la force de l’Esprit qui développera leur intelligence spirituelle.
Aujourd’hui ils en sont encore à se demander quand Jésus va rétablir le royaume
pour Israël.
Nous-mêmes, nous avons besoin de préparation
pour participer à l’Ascension de Jésus qui pourtant « est déjà notre
victoire ». Préparation par notre
vie et le sens que nous lui donnons dans l’entrainement quotidien et parfois
rude à la charité. Préparation encore en nous donnant la musculature
spirituelle dont nous avons besoin, notamment par la fréquentation de la Parole
de Dieu. Préparation encore par la manière dont nous laissons concrètement l’Esprit
de Dieu nous conduire et nous accoutumer aux pressions atmosphériques du Royaume
à venir. Mais à la différence des sommets que nous pourrions vaincre à la surface
du globe et desquels il nous faudrait inévitablement redescendre, l’ascension
de Jésus dessine plutôt pour nous une direction et un avenir. C’est la communion,
à la suite de Jésus, à la vie en Dieu pour laquelle non seulement nous devons
nous préparer mais pour laquelle nous sommes faits. C’est là que Dieu nous
attend et c’est pour elle qu’il désire nous prendre dans le mouvement de son
Esprit.
AMEN.
Michel
Steinmetz †