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vendredi 26 novembre 2021

Homélie pour le 1e dimanche de l'Avent (C) - 28 novembre 2021

Jésus annonce des faits terrifiants, dignes d’un film-catastrophe ou de science-fiction. Ce que nous vivons correspond-il à ces apparentes prédictions ? Face aux défis du réchauffement climatique, on nous appelle à la raison, et il faut nous appeler à la raison pour essayer de maîtriser la destruction de la planète. On nous appelle à la résistance, et il faut nous appeler à la résistance pour que nous ne cédions pas à la peur. On nous appelle à la prudence, et il faut redoubler de prudence face à un virus qui voudrait revenir, une fois encore. Mais Jésus, nous l’entendions, ajoute : « Quand vous verrez tous ces événements, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption est proche » (Lc 21,28). 


Mais de quels événements parlent-ils au juste ? Faut-il les comprendre comme des signes ? Si ce sont des signes, cela veut dire qu’ils nous appellent à quelque chose. Ce qu’ils nous appellent à voir, c’est « le Fils de l’homme qui vient avec puissance et grande gloire » (Lc 21,27). Vous vous direz : mais si le Fils de l’homme vient avec « puissance et grande gloire », comment toutes ces choses-là peuvent-elles arriver ? Vous oubliez que le Fils de l’homme est déjà venu avec puissance et grande gloire, et cela ne l’a pas empêché de mourir sur la croix. Au contraire, c’est dans l’offrande qu’il a fait de sa vie que sa puissance et sa gloire se sont manifestées par la résurrection. Si le Fils de l’homme vient à nous à travers des épreuves diverses, c’est pour aiguiser notre foi, c’est pour solliciter de notre part un acte de confiance dans la fidélité de Dieu. Et emprunter le chemin qu’il a consenti à emprunter pour nous sauver.

Beaucoup de nos contemporains s’étonnent en se demandant : quelle terre allons-nous laisser à nos enfants ? D’autres sont saisis de peur en voyant comment des jeunes qu’ils connaissent ou qu’ils ont connus, ont pu être dévoyés vers un chemin de mort. Il n’en est pas ainsi pour nous, car notre confiance est dans celui qui vient : le Christ Jésus. Avec lui, nous pouvons traverser les ravins de la mort sans craindre aucun mal. Avec lui nous pouvons affronter les tempêtes et les ouragans sans péril. A ces événements qui marquent l’histoire des hommes à chaque génération, nous avons notre part, comme nos pères ont eu la leur et nos enfants auront la leur. Ils sont d’abord un appel à reconnaître le Christ qui vient au plus près des pauvres, des blessés, des victimes et leur permet de se remettre debout devant lui. Mais pour que nous puissions discerner cette présence du Christ dans les événements, il faut que notre esprit soit éveillé, vigilant, attentif. Car quand on ne fait attention à rien, ou qu’on ne regarde que soit, on finit par ne plus rien remarquer d’autre. L’Avent nous invite non à nous replier sur nous-mêmes mais à aller vers les autres. Pour cela, il faut que toujours, nous soyons en communion avec le Christ, pour sentir comment il est présent dans notre vie. Ce que j’ai évoqué de l’histoire des hommes rejoint l’expérience de chacun et chacune d’entre nous. Nous aussi, nous traversons nos tempêtes et nous portons nos blessures. Comment reconnaître la présence aimante de Dieu à travers les épreuves de notre vie si notre cœur n’est pas éveillé, si notre prière n’est pas permanente, durable, fidèle ? Si nous oublions de lever les yeux vers le Seigneur, comment reconnaître le Seigneur sur la terre ?


Cette vigilance et cette prière auxquelles le Christ nous invite pour le reconnaître quand il vient, nous pouvons aussi les exercer les uns envers les autres, comme saint Paul le rappelle dans l’épître aux Thessaloniciens : « Entre vous, et à l’égard de tous les hommes, que le Seigneur vous donne un amour de plus en plus intense et débordant » (1 Th 3,12). Cette vigilance de l’esprit et cette attention du cœur transforment notre manière d’être les uns avec les autres, nous rendent plus fraternels, plus proches, plus aimants de chacun et de chacune.


En ce temps où nous marchons vers Noël, que la lumière du Christ éclaire notre route et nous fasse sentir combien il est présent à travers les incohérences, les ruptures, les violences dont nous sommes témoins, combien « il vient avec puissance et grande gloire » (Lc 21,27). 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 19 novembre 2021

Homélie pour la solennité du Christ, roi de l'univers (B) - 21 novembre 2021

Quel contraste n’y a-t-il pas entre la vision rapportée par le prophète Daniel et le récit de l’évangile ? D’un côté, la vision grandiose d’un Fils d’homme venant des nuées et établissant un règne sans fin, de l’autre un Fils d’homme, traduit devant le tribunal inique de ses semblables, sans armées et esseulé. Pourtant c’est bien du même Seigneur dont il s’agit. Car sa puissance et son royaume ne peuvent s’estimer à l’aulne de nos représentations. Il est heureux qu’en ce jour, qui marque la fin d’une année liturgique, et surtout qui oriente nos regards vers le « monde à venir » que nous confesserons tout à l’heure en disant la foi de l’Eglise, nous soyons ainsi contraints à ne pas faire du Seigneur, quand bien nous le reconnaissons comme « le premier-né des morts, le prince des rois de la terre » et le « Souverain de l’univers », un puissant de plus dans l’histoire de l’humanité.


Dans l’évangile de ce jour, le Christ apparaît comme un roi, non celui que s’imaginent les hommes, qui gouverne en puissant, mais celui qui règne par la manière dont il rend témoignage à la vérité. Il en impose car sa puissance se dégage de sa faiblesse. Son unique trône sera celui de la croix dans laquelle toute l’humanité sera rassemblée. Ce Christ n’est pas venu imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c’est être fidèle à la vérité, c’est toujours chercher la vérité. Cette vérité n’est pas la production d’un tel ou d’un tel, le résultat de son désir de puissance et de domination. Cette vérité, vérité de l’Evangile, dépasse tous les courants de pensées, toutes les idéologies. Elle s’impose comme l’évidence de la vérité de Dieu. Vérité qui n’écrase pas mais qui rend libre, vérité qui ne fait pas souffrir mais remet debout. L’Eglise elle-même reçoit cette vérité comme le don le plus précieux qui lui est fait. Elle est en dépositaire au milieu des hommes. Toujours à réformer, toujours à convertir, sa mission est de préserver cette vérité dans sa pureté et la transmettre pour le salut de tous. Les chrétiens, ceux qui suivent Celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de l’expérience des autres, mais c’est finalement notre responsabilité de rester fidèle à la vérité elle-même.


L’Église nous présente le Christ comme roi, non pour insister sur sa préférence en faveur d’un type de régime politique. L’Eglise emploie plutôt ce vocabulaire parce qu’elle le reçoit du langage biblique. C’est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c’est un roi qui n’assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s’impose pas à son autorité mais qui lave les pieds de ses disciples. La royauté de Jésus, son règne, dépassent cependant de loin tout ce que les systèmes politiques de ce monde pourraient nous en donner comme représentation. Et pourtant, Jésus règne bel et bien. Sa royauté n’est pas de ce monde. Son pouvoir, il le tient de Dieu, son Père ; les finalités de son action se trouvent dans le salut de l’humanité. En fait, quand Pilate lui demande : « Alors, tu es un roi ? », Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C’est toi qui dit que je suis roi. Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».


Si la vérité était le fruit d’une majorité, la résultante d’un consensus, nous pourrions en changer au gré des modes ou des revirements de pensée. Or, la vérité, celle que le Christ nous révèle, ne souffre aucune dictature, ni celle d’un fanatisme de la peur, ni celle du relativisme qui gangrène notre société, qui voudrait nous faire croire que tout se vaut. Nous ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ; mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous restons forcément fidèles au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la vérité. Et cette vérité est notre vie. C’est elle qu’il nous fait chercher à tout prix, en ces jours troublés.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 12 novembre 2021

Homélie pour le 33ème dimanche du temp ordinaire (B) - 14 novembre 2021

Ouverture du  jubilé pour le centenaire de la paroisse Saint-Maurice de Strasbourg 


Alors que nous célébrons aujourd’hui un insigne anniversaire, daté dans le temps des hommes, et que nous ouvrons un jubilé dont nous connaissons et le début et le terme, la perspective d’une sorte de prophétie datée qui permettrait de définir de combien de temps nous disposons se révèle exactement à l’inverse de la prédication évangélique « Personne ne le sait, pas même les anges, pas même le Fils, seul le Père le sait. » 


L’apparition du Fils de l’Homme dans sa puissance et dans sa gloire, sera l’avènement en même temps que l’accomplissement d’un univers nouveau. Les signes cosmiques qui sont évoqués par l’évangéliste Marc :  le soleil qui s’éteint, la lune qui perd de sa luminosité, les étoiles qui tombent du ciel, tous ces signes sont des symboles de la décrépitude de l’univers dans lequel nous vivons, plus que des manifestations extraordinaires qui marqueraient le moment précis de l’avènement. Ce que l’évangile nous dit, c’est que le monde tel que nous le connaissons, depuis ces espaces infinis des étoiles et des planètes jusqu’à la réalité très limitée de nos expériences quotidiennes, tout ce qui est contenu entre la terre et le ciel, tout ce qui fait l’univers réel de ce monde, est un monde marqué par la mort et qui finit par la mort. Il finit par la mort dans différents éléments ; il finira par la mort dans son ensemble ; il finit par la mort pour chacun d’entre nous. L’avènement du Christ vient signifier que cette mort n’est pas le dernier mot de l’histoire de l’humanité et de la création. Au moment où tout paraît se désintégrer, c’est à ce moment-là qu’on voit apparaître le Fils de l’Homme dans la gloire de sa puissance et dans sa luminosité. L’avènement du Christ marque donc à la fois la fin de ce monde et l’ouverture d’un monde nouveau. 


Or, ce qui nous est indiqué par ce passage de saint Marc, c’est que l’avènement du Fils ne se laissera pas voir comme un événement de notre histoire humaine. Pour nous, l’événement se situe nécessairement à un jour du temps, à un lieu de l’espace, et il y a un avant et il y a un après. Ainsi connaissons-nous l’Incarnation du Christ : à un moment de l’histoire des hommes, en un lieu de la géographie humaine, nous datons sa mort, sa résurrection, sa montée auprès du Père et nous attendons son retour dans notre chronologie. Ce que l’Evangile nous suggère, c’est que cette chronologie n’est pas la chronologie de Dieu. Pour Lui, et c’est pourquoi seul le Père connaît le moment et personne de l’histoire humaine ne le connaît, la chronologie n’existe pas car Dieu est un éternel présent et non pas une durée éternelle. Dieu suscite la manifestation du Fils de l’Homme dans un moment unique, et c’est l’histoire humaine qui reçoit cette manifestation et qui la découvre dans la succession des époques et des histoires et des peuples et des pays et des siècles. Ainsi, nous sommes invités à comprendre que ce que nous vivons comme un événement futur est déjà une réalité pour Dieu. 


C’est à quoi nous conduit l’image du figuier pour comprendre le sens du temps. Quand vous voyez que le figuier commence à prendre des feuilles, vous savez que l’été s’annonce. Quand vous voyez se dérouler la chronologie de l’histoire humaine, ses usures, ses destructions, ses décrépitudes, les signes déjà inscrits dans la chair de chacun de nous que nous sommes voués à la mort, les signes de désintégration de l’univers, comment interprétez-vous cela ? L’interprétez-vous comme une vision désespérée du destin de l’humanité, ou au contraire comme le signe que l’été est proche, c’est-à-dire que le Christ est en train de revenir, qu’il est à nos portes. Cette certitude que la conception du délai n’est pas la même selon que nous nous plaçons à notre point de vue ou au point de vue de Dieu, aboutira à l’invitation que le Christ adressera à ses disciples de veiller et de prier puisque nous ne connaissons ni le jour ni l’heure. L’ignorance où la miséricorde de Dieu nous tient de savoir à quel moment les choses se passeront, n’est pas une source d’anxiété et de terreur, elle est au contraire le chemin pour découvrir que le Christ est à l’œuvre au cœur de l’histoire des hommes, développer en nos cœurs la confiance et nous tenir en éveil. 


C’est en ce sens que débute pour nous aujourd’hui ce jubilé, à la fois tourné vers la richesse d’un passé commun et vers les promesses d’un futur béni en Dieu. 


AMEN.



Michel STEINMETZ †


vendredi 5 novembre 2021

Homélie pour le 32ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 7 novembre 2021

Le prophète Elie a sans eu beaucoup de chance de vivre au IXe siècle avant Jésus-Christ, car il me semble que toutes les féministes de la planète se seraient liguées contre lui. Il faut bien avouer que son comportement à l’égard de la pauvre veuve de Sarepta manque outrageusement d’empathie et sombre dans le machisme. Sans même la connaître, sans même prendre le temps d’entrer en dialogue avec elle, Elie, en fuite suite à ses démêlés avec le roi Acab, exige d’elle assez inélégamment qu’elle lui donne à boire et à manger. 


La femme se plie aux demandes d’Elie. Elle obtempère. Elle se met en position de service. Elle, par contre, va entrer en relation et se livrer. Elle explique l’indigence de son existence, sa vie avec son fils. Le peu de farine qui reste constituera leur dernier repas. Ensuite ils n’auront plus rien. « Nous le mangerons, et puis nous mourrons », dit-elle. Qu’à cela ne tienne, le prophète ne se démonte pas et réitère sa demande. Sans doute auriez-vous, dans ce cas-là, renoncer, fait preuve de compassion et auriez tenté de trouver une alternative. Peut-être même, si votre bonté vous avait poussé jusque-là, vous auriez proposé votre aide. Elie, non. Mais finalement Elie va faire bien plus. Il invite la femme à la confiance et à l’acte de foi. Il convoque la Parole de Dieu : «   Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » Et, de fait, cette promesse se réalise : « la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie. » La confiance de cette femme à l’encontre d’Elie lui a valu de voir son existence profondément changer de trajectoire. 


L’autre veuve, celle dans le Temple cette fois, vient apporter au trésor sa très modeste offrande. Il est probable qu’elle accomplit ce geste en présence d’un certain nombre de témoins et de scribes qui paradent devant les autres, en la jugeant de façon sévère, puisqu’elle n’apporte pas le dixième ou le centième de ce qu’eux-mêmes ont donné, alors que leurs richesses se constituent en dévorant le bien des veuves. Ou pour dire les choses autrement : l’accueil de la différence leur est insupportable car ils ne supportent que ce qui est à l’image de ce qu’ils ont érigé en normalité. C’est le sens de l’invective de Jésus à leur encontre. Eux dissertent entre eux et se pavanent. Ils s’érigent en donneurs de leçon, tapis dans leur suffisance et leur aisance. « Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés », dit-il. Jésus s’assoit et observe. La scène doit être cocasse. Les riches déposant très ostensiblement leur offrande et repartant fiers de s’être mis en scène sans que cela les lèse d’aucune manière, et la pauvre veuve rabougrie apportant ces quelques piécettes. Là où les riches ne font que de se conformer à l’usage et à la loi sans que pour autant cette démarche les implique dans leur relation à Dieu, la femme, quant à elle, s’abandonne totalement à la miséricorde de Dieu. Elle donne sans compter et se donne. 


Son attitude ne trouve-t-elle pas écho dans les paroles que nous oserons redire dans un instant : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ? Nous allons une fois de plus rabâcher ces mots, peut-être en exigeant que Dieu se montre généreux à notre encontre, car nous le valons bien, n’est-ce pas ? Mais nous, qu’allons-nous lui donner ? Comment peut-on dire que le Seigneur est le centre de notre vie alors que nous le logeons à la périphérie ? Quelle est notre capacité à préserver un temps honnête et juste La véritable foi, c’est de croire que c’est par Dieu que nous vivons, c’est pour Dieu que nous vivons, c’est grâce à Dieu que nous vivons, quoique nous fassions comme nous le dit saint Paul : « Tout ce que vous faites : manger, boire, ou n’importe quoi d’autre, faites-le pour la gloire de Dieu » (1 Co 10, 31). 


AMEN.


Michel STEINMETZ †  


lundi 1 novembre 2021

Homélie pour la commémoration de Tous les fidèles Défunts- mardi 2 novembre 2021

Depuis des années trône sur le bureau de mon père une belle sculpture de bois intitulée : « la main du père ». On y voit une main d’homme posée de manière fort protectrice sur la tête d’un enfant. « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux », entendions-nous dans la première lecture. Il me plaît à penser que cette main divine est tout aussi protectrice et aimante que celle de la sculpture. Dès lors est juste celui ou celle qui demeure ultimement dans cette proximité avec le Père. Et voilà pourquoi « aucun tourment » ne peut avoir de prise sur lui ou sur elle.

 

Des tourments, pourtant, nous savons que la séparation d’avec un être cher et aimé en provoque. Des blessures qui peuvent rester vives à jamais parce que rien ne vient consoler ou combler le sentiment d’absence. L’homme est ainsi confronté au mystère inique de la mort et de la finitude.

« C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort », affirme le Concile Vatican II (Gaudium et Spes, 18).

Le deuil et la souffrance sont autant de manifestations à l’encontre de  cet absurde auquel nous ne voulons nous résoudre.

 

La Révélation divine nous renseigne, et nous l’entendions à travers les lectures de cette messe, que Dieu a créé l’homme en vue d’une fin bienheureuse, au-delà des misères du temps présent. Le Livre de la Sagesse y insistait tout particulièrement. Le foi chrétienne enseigne en outre que cette mort corporelle, à laquelle l’homme aurait été soustrait s’il n’avait pas péché, sera un jour vaincue, lorsque le salut, perdu par la faute de l’homme, lui sera rendu par son tout-puissant et miséricordieux Sauveur. « Car Dieu a appelé et appelle l’homme à adhérer à lui de tout son être, dans la communion éternelle d’une vie divine inaltérable. Cette victoire, le Christ l’a acquise en ressuscitant, libérant l’homme de la mort par sa propre mort. À partir des titres sérieux qu’elle offre à l’examen de tout homme, la foi est ainsi en mesure de répondre à son interrogation angoissée sur son propre avenir. Elle nous offre en même temps la possibilité d’une communion dans le Christ avec nos frères bien-aimés qui sont déjà morts, en nous donnant l’espérance qu’ils ont trouvé près de Dieu la véritable vie. » (Gaudium et spes 18).

 

La résurrection de Jésus d’entre les morts est possible grâce à sa fidélité parfaite au Père. Si Jésus sur la croix crie son angoisse et le sentiment de l’abandon, il ne renie pas le Père : il reste établi dans la confiance. C’est là que la mort est défiée au point de pouvoir être moquée : « Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? ». Ce qui vaut pour Jésus vaudra aussi pour nous. Non que nous soyons soustraits comme par enchantement à la mort, mais que cette mort ne soit plus la fin absurde d’une existence créée par Dieu et reçue de lui. Ainsi à chaque fois que nous acceptons que la main du Père nous touche, à chaque fois que nous consentons à nous blottir en lui, à chaque fois que nous posons des choix dans notre existence qui nous rapprochent de lui, la grâce de la résurrection prend possession de notre être. Au jour du Jugement nous serons sans doute surpris de nous entendre dire : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Mais c’est ici que tout se joue, ici que tout commence. Sans attendre la fin « quand la trompette retentira ».

 

A chaque fois cependant que nous aurons donné chair à l’Evangile en nos vies si banales et parfois insignifiantes, nous aurons fait place à la puissance indestructible de vie que nous tenons de Dieu. De grâce ne remettons pas à demain ce que nous pouvons faire aujourd’hui encore, s’il en plaît à Dieu.

 

AMEN.


 Michel STEINMETZ