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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 28 septembre 2013

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 29 septembre 2013

« Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles […] et se croient en sécurité […] ! ». Malheur à tous les riches, les repus, les imbus d’eux-mêmes ! Et dans un certain sens, sans doute, malheur à nous ! Nous, les profiteurs de la société de consommation, vautrés dans notre confort, notre bien-être, notre soif de profit ! « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles […] et se croient en sécurité […] ! ». Ils se croient à l’abri de tout malheur, comme si rien ne pouvait les atteindre. Ils s’imaginent tout posséder par leur argent, jusqu’à leur destin et leur vie. « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles […] et se croient en sécurité […] ! ». Car, un jour viendra, nous prévient le prophète, où ce sont eux qui connaîtront la souffrance et la honte, eux qui jusqu’alors jouissaient des plaisirs de la vie.
Dans la parabole, nous voyons deux tableaux contrastés, antithétiques : le riche et Lazare sur la terre, puis ceux-ci au séjour des morts. Là se tiennent aussi deux dialogues : le riche demande à Abraham d’envoyer Lazare lui donner un peu d’eau, puis le riche demande à Abraham d’envoyer Lazare avertir ses frères.

Dans le premier tableau, le riche est caractérisé par l’habit et la table. L’habit est constitué de ce lin de qualité que porte les riches. Ce riche est présentement dans le lin du linceul de sa sépulture. Mais l’habit est aussi cette tunique de pourpre, inventée par les Phéniciens, teintée à partir de petits coquillages pilés et que seuls les hauts personnages pouvaient s’offrir. Mais rappelle la Bible, c’est aussi dans la pourpre et le lin précieux qu’on drapait les statues des faux dieux. Ce riche est donc une idole. Remarquons d’ailleurs qu’il n’a pas de prénom. C’est donc chacun d’entre nous. Et comme le nom en Israël donnait une mission, signifiait un destin, ce riche sans nom veut peut-être nous dire qu’en tant que riche on n’a pas de rôle ou de mission particuliers, que la richesse ne donne par elle-même aucun statut spécial, aucun avantage, aucune priorité. D’autre part, Lazare, lui, est nommé. Il est l’unique personnage de toutes les paraboles à porter un nom. « El Azar » est celui qui aide ou « Dieu a secouru ». Notons qu’il n’y a pas de jugement moral sur ces deux personnages. Comment le riche est-il devenu riche ? Pourquoi Lazare est-il pauvre ? Non ! Rien à ce sujet. Mais nous savons que le riche passait chaque jour à côté de Lazare. Sa richesse suffisante l’empêchait de la voir. Pour nous aussi, il se peut que nous n’ayons rien fait de mal, mais a-t-on pour autant fait le bien ? Et cette omission, dit la parabole, fait déjà scandale.

Or, en cette conjecture, arrive celle qui arrive toujours un jour : la mort. Il n’y a pas ici de description d’outre-tombe. Et c’est le second tableau. Le riche est dans l’Hadès, le nom grec du royaume de la mort, un lieu de nulle part ou une fournaise purificatrice. Il est dans le feu, autrement dit : victime de ses désirs qui ne peuvent plus être assouvis. Lazare, lui, est au banquet, image par excellence de la fête conviviale, de la joie d’être unis et symbole du Royaume. Lazare est au banquet, la tête près de la poitrine du patriarche qui lui se tient à sa gauche. Dans ce second tableau, il n’y a pas de procès, pas de jugement. C’est que la mort fige les protagonistes. Chacun se forge lui-même son destin éternel par la qualité de sa vie terrestre. Nous le comprenons par la demande formulée par le riche anonyme à l’endroit de ses cinq frères. Et ces 5 frères, qui sont-ils ? Sont-ce les 5 facultés : vue, ouïe, odorat, toucher, goûter qu’il faut toutes sauver en les vivant pour Dieu dans un service de foi de nos frères ? Ou les 5 frères représentent-ils les seuls juifs avec leurs 5 livres de la Loi, frères à ramener au Christ, à alerter quant au Royaume ? Ou ces 5 frères anonymes seraient-ils le symbole de toute l’humanité à éveiller à l’évangile, à conduire à vivre à la suite du Christ ?

Il n’est pas trop tard ! Le fossé qui séparait dans l’au-delà le riche de Lazare ne nous sépare pas de Dieu. Il est temps de rencontrer vraiment celui est ressuscité des morts. Essayons d’être fidèles à cette vie de foi qui nous veut humbles, persévérants et fraternels, et comme le pauvre Lazare nous seront nous-aussi éternellement reçus au festin des noces célestes !

AMEN.

Michel STEINMETZ †



samedi 21 septembre 2013

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 22 septembre 2013

Cette parabole dite de l’intendant malhonnête ou mieux du gérant habile et avisé surprend toujours. Certains chercheurs - déconcertés par l’éloge de cet étrange comportement évangélique : un maître trompé qui fait le panégyrique de son fripon d’intendant - ont fait remarquer que les intendants de l’époque étaient mal payés et qu’ils se constituaient donc leur salaire sur le dos des débiteurs de leur maître. Ils majoraient ces dettes à leur propre profit et en gardaient l’excédent. Autrement dit l’homme de la parabole serait, lui, tout simplement honnête puisqu’il aurait ramené les dettes à ce qu’elles étaient en réalité !
Laissons ces considérations car l’histoire n’en reste pas mois intéressante si l’intendant est vraiment malhonnête et, comme le dira Jésus, tout autant avisé et débrouillard. Jésus, comme souvent, est parti d’un fait divers connu. Ce que Jésus admire ici c’est le risque que cet homme a pris et la lucidité dont il a fait preuve pour assurer son avenir. Un risque dont Jésus et St. Luc aimeraient que les chrétiens sachent le prendre quand l’enjeu n’est pas moins que le ciel, l’issue ultime de la vie et l’accueil dans les demeures éternelles.

En appliquant la parabole à la communauté chrétienne primitive, Luc met sur l’application morale de l’homme face à l’argent. Pour lui, le rapport de l’homme à l’argent va devenir un test révélateur de l’accueil du Royaume. Et cela tout au long de l’évangile.
Pas question pour Luc d’innocenter l’argent et le gérant, tous les deux sont trompeurs. Même l’usage honnête de l’argent est risqué car à s’enfoncer dans les biens matériels on peut s’éloigner de l’écoute de la parole de Dieu. De même que ce régisseur avisé a su se faire des amis dans le monde, sachez vous faire des amis dans l’autre monde, non en trafiquant l’argent malhonnête, mais en vous en dépouillant au profit des pauvres.
L’unique moyen d’utiliser cette richesse-là, c’est de vous en défaire, c’est-à-dire de l’utiliser au bien de tous. L’unique moyen de vous sanctifier de son contact impur, c’est de le partager, de l’envoyer, ce faisant, vous attendre au Paradis. Ainsi, notre jugement prudent à l’égard de l’argent, c’est-à-dire notre bonté à l’égard des autres nous garantira la clémence de Dieu et sa louange au ciel. Ce qui est en cause, ce n’est pas seulement le rapport des hommes à l’argent, mais le rapport des gens entre eux en raison de l’argent.

Luc semble dire que nous vivons dans un monde où l’argent est trompeur et sert, trop souvent, à tromper. Par son mauvais emploi, les uns sont criblés de dettes ou grevés d’hypothèques, tandis que d’autres accumulent les richesses et les dilapident. Dans ce monde, trop souvent, l’argent et la férocité vont de paire. Jésus nous dit : soyez aussi habiles dans ce monde que ceux qui visent à tromper avec l’argent en cherchant le maximum de profit, habiles pour faire de l’argent une source d’amour. Soyez aussi rusés que les fils de ce monde, ceux-là sont astucieux pour se tirer d’affaire quand les choses tournent mal. Vous, trompez l’argent trompeur, c’est-à-dire : exercez votre habilité à construire avec l’argent un monde qui favorise la responsabilité, l’échange et la solidarité, qui évite l’endettement, développe la paix et l’harmonie, édifie la solidarité. Construisez, avec l’argent trompeur, le trésor de l’affection et de la gratitude mutuelle. Ce trésor restera votre bénéfice pour toujours, votre meilleure garantie auprès de Dieu.
L’argent que je dépense doit être un exercice de ma liberté éclairée et de ma responsabilité solidaire. L’argent que je reçois est une confiance que l’on me fait. L’argent que je partage est une relation que je crée. Savoir choisir entre Dieu et l’argent, c’est mettre l’argent au service de l’homme. Et si d’aventure, semble dire Luc, vous n’aviez pas d’argent à, il vous reste une grande chose à partager, c’est votre pardon. Vous remettre mutuellement vos offenses rétablit la concorde, et par là, crée des liens. L’important, ce n’est pas la question de l’argent en soi. L’important, c’est la relation que l’argent peut créer ou briser. Le pardon peut, lui, toujours recréer.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

samedi 14 septembre 2013

Homélie du 24ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 15 septembre 2013


« Comme il approchait de la maison, il entendit de la musique et des danses… » Suivons de plus près la lettre de l’évangile : il entendit « la symphonie »… Comme il approchait… Approchons-nous donc, nous aussi, et, pour cela, tirons parti – bon parti – de la distance qui nous sépare encore de là-bas. Si nous avons bonne oreille, si nous avons fine et bienveillante l’oreille du cœur, il nous est bon d’être encore loin. Mettons donc notre oreille au clair en préservant, en corrigeant notre cœur des dissonances qu’y pourrait produire tout sentiment d’amertume, de colère et d’envie. Car rien ne servirait d’entendre de loin la symphonie si nous l’entendions d’une oreille acariâtre. Et la musique ? D’où vient-elle sinon du repas servi à l’intérieur de la maison et que le Père réserve à ses proches ? Cette musique, dans l’évangile, n’est autre que celle de la louange. Le repas n’est autre que celui qui annonce le Royaume et dont nos eucharisties sont ici le signe.

Il y a décidément du large dans cette histoire, de l’espace. À vrai dire il y en a trois. Il y a la distance qui sépare encore le fils aîné de la symphonie : comme il approchait, il entendit… Il y a la distance qui sépare encore le père de l’enfant qui revient : comme il était encore loin, son père le vit. Et puis bien sûr, pour commencer, il y a la distance – finalement positive – que l’enfant a mise entre son père et lui : « il partit dans une région lointaine ». Tout cela marche ensemble : retirez cette distance-ci, et les deux autres n’ont plus lieu d’être, et ce serait vraiment dommage pour les yeux, pour la joie des yeux, car il n’y aurait plus d’enfant à voir accourir ; dommage pour l’oreille, pour la joie de l’oreille, car il n’y aurait plus de symphonie à deviner de loin. Il n’y aurait plus toute cette histoire de Tendresse. La Tendresse (autre nom du père, naturellement), la Tendresse ne peut combler son bien-aimé qu’elle n’ait une certaine distance à couvrir pour le rejoindre ; cette distance ajoute à son mystère et lui est même essentielle, et vitale, car la Tendresse passe le plus clair de sa vie – jusqu’à la perdre – à couvrir cette distance. Mais aussi, dans l’autre sens, l’on ne saurait être comblé de tendresse, par la Tendresse même, que l’on n’ait soi-même une certaine distance à couvrir pour aller jusqu’à elle, comme on remonte à la source : et cette distance que nous couvrons à notre tour, que nous passons notre temps à couvrir et à recouvrir sans cesse (car nous ne cessons d’aller et de revenir) fait toute notre histoire. En tout état de cause, dans un sens comme dans l’autre, autrement dit de la Tendresse à nous comme de nous à elle, la distance n’est pas une fatalité, mais cet entre-deux où la grâce a lieu d’être : elle se mesure et s’évalue à l’aune de cette embrassade et de ce baiser profond qui l’annule en un instant, mais sans qu’il s’en perde mémoire, car l’on n’oublie jamais que l’on revient de loin.

La symphonie : mais qu’est-ce à dire encore, au juste ? Approchons-nous. Ce n’est pas assez : entrons, ou plutôt laissons-nous introduire, laissons-nous défaire sur le seuil de tout ce qui nous empêche d’entrer, de tout ce qui nous empêche d’entendre et de consonner. La symphonie est celle ici du père et du fils, l’un disant : « Tu es mon fils, aujourd’hui je j’ai engendré » (Ps 2, 7), à l’instant même ou l’autre déclare : « Père, maintenant je viens vers toi » (Jn 17, 13). Finalement, la parabole de l’évangile ne vient pas nous raconter une histoire. Elle nous livre notre histoire. Elle nous fait entrer dans une symphonie bien particulière : celle qui unit le Père au Fils. Aussi, dès là que Dieu, dans le Christ, s’est réconcilié le monde (2 Co 5, 19), la symphonie s’est considérablement augmentée, sans détriment pour la simplicité de ce duo inouï sur lequel elle se construit, car elle n’est faite que de cet homme qui, toujours à l’unisson du Père, reçoit les pécheurs et mange avec eux (Lc 15, 2). La distance qui nous sépare encore du Père, la grâce qui nous est faite de cette distance à combler, la joie d’entendre déjà au loin les chants de la fête, tout cela nous place déjà au cœur de cette histoire. En réduisant la distance, en nous jetant à corps perdu dans les bras de la tendresse du Père, nous entrons en symphonie.

AMEN.

Michel STEINMETZ †



vendredi 6 septembre 2013

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 8 septembre 2013

Au fur et à mesure que Jésus approche de Jérusalem, la rumeur enfle : voici un homme qui s’appelle Jésus (« Dieu Sauveur »),il est descendant de la famille royale de David, il proclame que le Royaume de Dieu approche et en outre il réalise des guérisons spectaculaires. Evidemment l’effervescence monte : des foules de plus en plus nombreuses se mettent à le suivre, convaincues qu’il va déclencher l’insurrection dans la capitale.

Pourtant dès le point de départ, Jésus a été très clair : il n’est pas un révolutionnaire politique, il n’appelle pas aux armes, son dessein est tout autre qu’on ne le pense. Un jour où la foule qui le suivait était particulièrement nombreuse, Jésus va à nouveau essayer de mettre les choses au point. Il va préciser les conditions de ce qu’il convient de faire pour être disciple. Il avait déjà prévenu qu’il venait apporter la division dans les familles. Le croyant doit s’attendre à ces déchirures douloureuses et réagir en conséquence car la décision pour Jésus ne supporte pas de compromission : il ne faudra pas céder aux pressions de ceux que l’on aime et dont on partage la vie. Non qu’il faille les quitter (on ne voit jamais Jésus briser les ménages) mais le croyant doit tenir ferme et garder ses convictions même s’il encourt reproches et critiques de la part de ses proches. Et ce n’est pas seulement les heurts familiaux que le disciple va affronter mais il devra même « préférer Jésus à sa propre vie » !

La foi en Jésus n’est pas une croyance en des idées religieuses, une inscription anodine dans une organisation honorable, l’adhésion à un programme si héroïque soit-il. Le pape François l’a rappelé récemment et à maintes reprises. La foi n’est pas une opinion privée, cachée dans le secret de la conscience : elle est vie avec et pour Jésus. La foi est donc à une personne, un amour du Christ, un engagement tel qu’il peut aller jusqu’à l’obligation de donner sa vie pour Jésus. Le témoignage se rend au risque éventuel du martyre. « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. »

Quel choc pour tous ces suiveurs qui rêvaient d’écraser les ennemis ! Annonce tellement dure, tellement inacceptable qu’elle est la phrase de Jésus la plus répétée dans les évangiles Pourquoi les évangélistes insistent-ils à ce point sur cette formule ? A leur époque, les premières communautés chrétiennes sont sous haute surveillance des autorités, en butte à l’hostilité. Déjà des chrétiens ont été traduits devant les tribunaux, flagellés, jetés en prison ; certains ont été mis à mort. Il est donc nécessaire de rappeler à tous que cette haine n’est pas un hasard : elle avait été annoncée par Jésus et par ses apôtres qui en furent les premières victimes.

La foi peut être dangereuse ! L’expression, devenue classique, « porter sa croix » ne signifie donc pas d’abord accepter les coups du sort, les accidents, les revers de fortune. Elle ne nous appelle pas non plus à nous mépriser, à nous infliger des sévices, à nous faire souffrir « pour expier ». La croix est un châtiment, une condamnation portée par les puissants contre ceux dont les opinions et les comportements sont jugés inacceptables. Porter sa croix est donc accepter de subir les conséquences d’une foi authentique, souffrir parce que l’on est chrétien : moqueries, sarcasmes, mais aussi carrière entravée...perte d’honorabilité, coups, prison...menaces contre la vie. Jésus explique par les deux petites paraboles de ce jour. Edifier la nouvelle humanité capable d’atteindre le ciel, de rejoindre Dieu : oui, mais ce sera en grimpant sur la croix. Vaincre les puissances ennemies : oui, mais ce sera en offrant sa vie. Ces tâches sont immenses, bien au-dessus de nos possibilités.
La leçon de ce jour est dure, terrible même ! Nous tremblons face à de telles exigences. Mais si nous ne les pratiquons pas au moins un peu et au plus vite, qu’avons-nous à dire à une société qui prêche tout le contraire ?

AMEN.

Michel STEINMETZ †