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vendredi 31 janvier 2020

Homélie de la fête de la Présentation du Seigneur - 2 février 2020

Une manifestation qui se respecte doit être copieusement garnie de pancartes et de slogans qui, mêlées aux poings levés, seront le gage d’une détermination sans faille. Frères et sœurs, nous sommes entrés dans la célébration de ce jour non les poings levés en chantant l’Internationale, mais en portant la fragile lumière d’un cierge. Cette lueur en dit autant, sinon plus, de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons, de ce que nous revendiquons, que toutes les banderoles des manifestants.

 
La lumière éclaire. Dire cela relève d’une lapalissade. Et parce qu’elle éclaire, elle guide aussi. Alors que Marie et Joseph, au quarantième jour après la naissance de Jésus, observent la Loi de Moïse en se rendant au Temple pour y présenter leur premier-né. Rien de le distingue d’un autre. Et sans doute ne sont-ils pas les seuls ce jour-là. Pourtant, cet Enfant – et nous le savons – est la Lumière de Dieu, celui qui sera capable de porter la Lumière jusqu’au cœur des ténèbres les plus sombres. Deux personnes très âgées, Siméon et Anne, fille de Phanuel, passent leur journée à guetter un signe que la promesse de Dieu va s’accomplir. C’est même devenu leur raison d’être et de ne pas mourir. Ils vont être éclairés par l’Enfant en même temps que leur foi intrépide est pour eux une lumière. Chers frères et sœurs consacrés, vous-mêmes, c’est la lumière de votre foi qui vous a poussés à vous donner tout entier au Christ pour qu’ils vous fassent resplendissants, pour nous, de cet absolu. Bien loin des arguments revendicateurs de certains ces derniers jours pour – pensent-ils – défendre le célibat des prêtres, vous nous rappelez que la donation de toute sa personne est d’abord une vocation, c’est-à-dire la réponse à un appel de Dieu, et vous tenez une place dans l’Eglise que les seuls prêtres n’ont précisément pas vocation à signifier.
 
La lumière ensuite permet de chercher. Chacun de nous a déjà fait l’expérience de devoir recourir à une lampe de poche, à son téléphone portable pour trouver une chose égarée. Et nous comprenons bien que la lumière permet d’aller au fond des choses, de saisir les contrastes, de goûter au chatoiement des couleurs.  La lumière met du relief. En ces jours hivernaux, nous percevons combien la lumière est indispensable à notre bien-être, au point que certains ont besoin de luminothérapie ou d’autres de vacances au soleil ! Nous avons tenu en nos mains non une lampe de poche, mais une flamme. Et c’est encore différent. Car le feu est, comme l’évoquait le prophète Malachie, « feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs ». Il purifie en brûlant ; il affine en consumant. Il rend possible toute offrande. Chaque baptisé est appelé à se laisser purifier et consumer par l’amour du Seigneur pour devenir une « éternelle offrande à la louange de sa gloire » (prière eucharistique III). Frères et sœurs consacrés, vous connaissez le prix d’une telle offrande par les vœux que vous avez prononcés, par l’entière disponibilité de votre personne au dessein de Dieu. Vous témoignez pour nous de la joie et de la liberté du renoncement par amour.
 
Nous sommes entrés tout à l’heure dans cette maison de Dieu avec un cierge à la main. Cette lumière, c’est le Christ ! Il nous introduit dans la demeure de son Père. Cette lumière, c’est le Christ en nous : par lui nous avons accès auprès du Père des lumières. Bien davantage. Par le Fils de Dieu, nous devenons nous-mêmes lumières, flammes vives pour éclairer ce monde ! Le Seigneur vivant en nous est « la lumière pour toutes les nations et la gloire d’Israël ». Comme Siméon, nous avons à contempler la Lumière du Christ, mais cela n’a de sens que si, par notre propre veille dans la prière, nous devenons à notre tour, comme par contagion, par embrasement, lumière du Christ pour nos frères. En ce sens, ceux qui, dans l’âge avancé, continuent d’être actifs dans la prière quotidienne et fidèle, ceux qui consacrent leur vie au Seigneur dans la vie monastique et religieuse, sont pour nous un magnifique témoignage. La vie d’un chrétien ne peut pas être terne, sans éclat, sans brillance. La vie d’un chrétien doit être lumineuse.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 24 janvier 2020

Homélie du 3ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 26 janvier 2020

A en avoir le tournis ! A en perdre la tête ! Que de mouvements dans cet évangile. Jésus va et vient, il prêche, il avance, il appelle à le suivre, il enseigne, il prophétise, il appelle encore, il parcourt tout le pays et commente l’Ecriture. On a l’impression d’un dynamisme inépuisable qui s’exprime par un empressement. L’annonce du Règne de Dieu ne supporte aucun délai. L’urgence de la conversion est là parce que l’urgence du salut est ici. Mais il ne s’agit pas d’une urgence apocalyptique. Jésus ne prêche pas une conversion par peur du châtiment, il proclame une conversion par désir d’entrer dans le Royaume de Dieu : « Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ».
 
Au début de l’évangile, on perçoit que, si les hommes sont l’auteur du drame qui se joue pour Jean-Baptiste, lui qui est arrêté, c’est Dieu cependant qui conduit les choses selon son dessein. Jésus « se retire » et l’évangéliste emploie un verbe qui habituellement désigne chez lui le fait de se mettre à l’abri d’un danger. Pourtant cela ne sera pas synonyme d’immobilité ou d’inactivité. Jésus poursuit sa mission. Il quitte la ville de Nazareth où sa famille semble établie pour la Galilée des nations. Matthieu cite ici le prophète Isaïe – passage que nous entendions dans la première lecture – mais en modifiant quelque peu le texte. Il s’agit de faire prendre conscience de la signification prophétique du ministère de Jésus. En Galilée, Jésus s’adresse aux tribus du peuple les plus menacées par la nuit païenne, comme l’était jadis Israël par les Assyriens. Par là-même ce ministère prend contact avec toutes les nations. Alors que d’autre se retirent au désert, à l’instar de Jean et de ses disciples, ou concentrent leur activité sur Jérusalem, Jésus, l’Emmanuel annoncé par le prophète, choisit les périphéries. Jésus s’y présente non seulement en paroles mais aussi en actes.
 
Là, à côté de l’idée du mouvement, prégnante dans la première partie du texte, s’en rajoute une autre : celle d’un aimant qui attire à lui de manière inédite. On a l’impression que là où Jésus passe, on s’agrège à lui tant il serait irradiant.  Dans le judaïsme du Ier siècle, le verbe suivre désignait couramment le respect, l’obéissance et les nombreux services que les disciples des rabbis devaient à leurs maîtres. En appliquant ce terme à Jésus et à ses disciples, l’évangéliste en transforme le sens, néanmoins. Ce n’est plus l’élève qui choisit son maître : l’appel vient de Jésus et il lui est généralement répondu par une obéissance sans délai. Les disciples de Jésus le suivent non seulement comme des auditeurs mais aussi comme des collaborateurs, témoins du Règne de Dieu, ouvriers de sa moisson.
 
Si, en Galilée, Pierre et André courent après Jésus, ce n’est pas parce qu’ils trouvent trop ennuyeuse leur vie de pêcheur ; si Jean et Jacques se tournent vers lui, quittent leur père pour le suivre, ce n’est pas parce qu’ils détestent leur père ; c’est parce qu’ils voient, tous les quatre, en lui le soleil spirituel, la lumière de vie. A la lumière de Jésus, ils voient les choses autrement. Il y avait dans leur vie une obscurité, dont ils n’étaient peut-être pas conscients ; maintenant, en voyant Jésus, ils voient plus clair, et ils le savent. En la personne de Jésus et en son enseignement, les quatre croient voir les choses telles qu’elles sont ; Jésus les éclaire, et ils croient arriver à une compréhension du monde et de leur vie dans le monde. Jésus est le « sunshine », le rayon de soleil de leur vie. Il éclaire d’une manière nouvelle leur être intérieur.
 
Voilà ce qu’ils croient. Mais est-ce qu’ils ont raison ? Ne se trompent-ils pas ? Il est très dangereux de suivre un homme, les hommes déçoivent, on peut tout perdre en les suivant. Notre siècle en est témoin. Des dictateurs ont attiré à eux des foules considérables par leurs discours enflammés. C’était une fausse lumière ; ils les ont fourvoyés. Leur amour a abouti très vite à une catastrophe totale, leur lumière s’est révélée obscurité. La lumière de Jésus s’est révélée une vraie lumière, durable, éclairante, une lumière qui donne la vie, qui permet à chacun de suivre son propre chemin. Cette lumière est toujours là, Jésus peut être, si nous le voulons, le sunshine de notre vie.
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

vendredi 17 janvier 2020

Homélie du 2ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 19 janvier 2020

Nous voici à nouveau, ce dimanche, sur les bords du Jourdain. Jésus vient d’être baptisé et Jean rend ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit  descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. » C’est sans doute ce qui explique que Jésus peut être désigné comme l’Agneau de Dieu qui porte sur lui tout le péché du monde. Pensez-y un instant : imaginez la somme de nos péchés, celles de tous les hommes et de toutes les femmes, de tous les coins du monde et de toutes les époques. Il y a là quelque chose d’abyssal. Qui pourrait ainsi prendre cela sur lui, s’en charger, sans en être englouti ? Déjà que nous avons du mal à vivre avec le poids de nos propres manquements…
 
Les enfants aiment faire des expériences pour découvrir le monde et mieux le comprendre. Nous avons été nous-mêmes des enfants. Prenons une bouteille vide. Mettons-y quelques petits cailloux, du sable et remplissons-la d’eau. Prenons une deuxième bouteille vide, elle aussi, et remplissons-la pareillement. Nous nous apercevrons bien évidemment que cette deuxième bouteille peut contenir bien plus d’eau. Ainsi Jésus, vide de tout péché, est tout entier rempli d’Esprit-Saint, là où nous peinons à lui faire de la place. A son baptême, Jésus se manifeste, pas seulement à Jean, comme celui sur qui réside en plénitude l’Esprit-Saint. Voilà pourquoi aussi il peut prendre sur lui le fardeau du péché du monde.
 
Nous comprenons que Jésus, lesté par le poids du péché du monde qu’il prend sur lui, est englouti dans les eaux du baptême. Pourtant, il en ressort. Sa remontée annonce déjà sa victoire, la victoire pascale. « Tu triomphes de nos péchés, tu jettes toutes nos fautes au fond de la mer ! » (Mi 7, 19). Sur le Golgotha, devant l’Agneau immolé, il n’y a qu’un larron qui saura dire : « Pour nous c’est juste […]. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » (Lc 23, 41). Le Christ n’a rien fait de mal, mais il a assumé le mal pour nous en défaire. Il est significatif qu’au tout début du temps ordinaire la liturgie de l’Eglise propose à notre méditation ce passage de l’Evangile de Jean. Jésus y apparaît comme l’Envoyé de Dieu. Digne et droit, s’avance vers le monde ; il sort d’une vie cachée pour témoigner de la bonté de son Père.
 
Jean, en présentant à tous Jésus comme cet Agneau de Dieu, fait acte de foi. Il confesse que devant l’envoyé de Dieu il convient de s’effacer. La seule venue de Jésus vers lui provoque cette foi. « Oui, j’ai vu et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » Le baptême par Jean n’était qu’un rite : un appel à la conversion, le signe d’une vie donnée à Dieu dans la pureté. En Jésus, le baptême dans l’Esprit de Dieu plonge en Dieu. Il est participation à la vie de Dieu. « L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint ». Seul Dieu, en son Fils Jésus, peut faire ce don-là. Il est don de lui-même. Saint Paul le rappelait : cette libéralité de Dieu nous vaut d’être sanctifiés, c’est-à-dire ‘rendus saints’ dans le Christ Jésus, nous qui avons été appelés son peuple saint.
 
Le psaume 39, en réponse à la première lecture, était particulièrement éclairant sur ce point. L’offrande de Jésus n’est pas l’acceptation contre son gré d’une volonté du Père. Dieu ne prend plaisir à aucun sacrifice. Il donne la capacité à entendre sa voix. Voici qu’aujourd’hui le Fils bien-aimé prend à son compte les paroles du psaume : « Dans ma bouche, le Seigneur a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne demandais ni holocauste, ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens !’ ». C’est encore lui qui parle, en reprenant les mots d’Isaïe : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. » Par le baptême d’eau et d’Esprit, ne nous sommes pas enfants d’un même Père ? Ne sommes-nous pas donc frères dans le Seigneur et avec lui ? Si le Christ s’applique à lui-même la phrase du prophète, combien nous rejoint-elle aussi ! Alors, j’ose vous le redire, à vous tous et à chacun en particulier : oui, tu as du prix aux yeux du Seigneur, ton Dieu est ta force ! Puissions-nous, ensemble, en réponse et avec Jésus, dire : Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté !
 
AMEN.
 
   Michel Steinmetz

vendredi 10 janvier 2020

Homélie de la fête du Baptême du Siegneur (A) - 12 janvier 2020

« Alors Jésus paraît. ». Ces trois courts mots claquent, comme on dit un peu familièrement. On a l’impression d’un avant et d’un après. Pourtant voilà à peu près trente ans que Jésus est né et que le Fils de Dieu a revêtu la nature humaine. Nous le savons, nous qui fêtons aujourd’hui le troisième volet du beau tryptique de ce temps de Noël. Au jour de la Nativité, nous avons célébré la venue dans la chair du Fils de Dieu, venue manifestée à toutes les nations dans la visite des mages. Sur les rives du Jourdain, Dieu continue de se manifester : il révèle à tous que Jésus est son Fils, son bien-aimé. Ce que Dieu avait réservé pour certains, il consent à le manifester à tous, comme si, en bon père, il avait préservé et choyé son enfant jusqu’à ce qu’il soit prêt. A certains moments dans l’histoire de l’Eglise, on a affirmé que Dieu avait adopté Jésus lors de son baptême en Galilée. Jésus ne serait qu’un homme comme tous les autres ayant été choisi par Dieu pour accomplir une mission.
 
Si Jésus est Fils de Dieu dès le commencement, cela signifie qu’Il est pleinement Fils de Dieu avant le jour du baptême. Dans le Jourdain, Jésus se laisse baptiser par Jean le Baptiste pour manifester le fait qu’il accepte de vivre sa mission. A cette occasion, « les cieux s’ouvrirent ». En effet, le baptême est la manifestation à tous de la communication qui existe entre le Père et son Fils. Cette communication est assurée par l’Esprit, symbolisé par la colombe. Le sens profond du baptême, qui est d’abord un acte, est éclairé par une parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour ». Non seulement, Jésus est aimé, mais il est aimé d’un amour complet. Le baptême dans le Jourdain est le lieu du dévoilement du secret de Jésus. Nous apprenons au Jourdain que Jésus est un fils aimé par Dieu.
 
Nous aussi, nous avons été baptisés. Pour la plupart, nous étions enfants et nos parents ont pris la responsabilité de choisir pour nous, comme ils l’on fait pour plein d’autres choses : notre nom, notre école. A la différence de Jésus, nous sommes des fils et des filles de Dieu par adoption. Nous avons un père et une mère et aussi un Père des cieux. Nos parents nous ont donné la vie pour que nous vivions en enfants de Dieu. Notre Père du ciel, qui est d’abord le Père de Jésus, nous aime comme ses enfants. En scellant son alliance avec nous, et en nous plongeant dans son amour, celui de sa mort-résurrection, notre propre baptême est le rappel de l’initiative d’un Dieu qui nous choisit par avance. Avec le baptême de Jésus, « la source est purifiée pour que, dorénavant, la grâce du baptême soit administrée aux peuples à venir. Le Christ a donc reçu le baptême par avance, pour que les peuples chrétiens prennent sa suite avec confiance » (Sermon de saint Maxime de Turin pour l’Épiphanie). Il est donné à tous les baptisés que nous sommes, non de contempler comme des spectateurs ébahis cette vie de Dieu, mais de la désirer en sachant qu’elle leur est offerte.
 
A notre baptême, une voix a aussi dit : « Voici mon enfant, en lui j’ai mis tout mon amour ». Bien sûr, ce n’était pas une voix céleste venant du haut des cieux, et les voûtes de nos églises ne se sont pas fissurées pour permettre à une colombe de descendre en piqué sur nous, mais une polyphonie des voix de nos parents, parrain et marraine, ainsi que du prêtre. Par leurs paroles, ils ont attesté que Dieu est un Père aimant. Il nous restait à le découvrir par nous-mêmes tout au long de notre existence. C’est cela qui nous est remis en mémoire aujourd’hui et que, tout à l’heure, le geste de l’aspersion a voulu nous rappeler.
 
Finalement, nous pouvons nous dire fils et filles bien-aimés de Dieu parce que Dieu s’est manifesté en se mettant à notre portée. Il est venu prendre chair ; Il s’est révélé aux nations ; Il a été manifesté comme le Fils du Dieu au Jourdain. Les paroles du prophète Isaïe ont permis aux chrétiens de reconnaître en Jésus Celui que le peuple élu attendait. Sommes-nous capables d’en faire autant ? Demandons-nous comment nous manifestons nous-mêmes la vie de Dieu en nous. Sommes-nous réfléchissants de la vie de Dieu ou bien, au contraire, l’étouffons-nous ?
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 4 janvier 2020

Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur (A) - dimanche 5 janvier 2019

Peut-être avez-vous, frères et sœurs, fait la même expérience que moi ces derniers jours. Expérience assez heureuse, il faut bien le constater, des jours qui très sensiblement se rallongent à nouveau désormais. Vous le savez sans doute, la fête de la Nativité du Seigneur correspond à peu de chose près au solstice d’hiver, c’est-à-dire au moment de l’année où les jours sont les plus courts dans notre hémisphère. Pendant le temps de l’Avent, nous avons résisté à cet envahissement progressif des ténèbres en allumant, dimanche après dimanche, une bougie supplémentaire à la couronne. A Noël, enfin, la vraie Lumière nous était donnée, vrai Dieu né du vrai Dieu : Jésus-Christ. Lui désormais allait pouvoir vaincre toute ténèbre et allait pouvoir porter jusqu’à l’interstice le plus sombre de notre vie la douce clarté de Dieu.
 
Si la fixation de la date de Noël dans le calendrier en lien avec le solstice est incertaine, il est clair que cela a joué un rôle et demeure pour nous significatif. Mais voici que quelques jours plus tard, l’Eglise célèbre l’épiphanie du Seigneur, ce qui signifie très exactement sa manifestation. Car le Seigneur n’a pas pris notre humanité pour y demeurer caché, tapi dans l’obscurité d’un anonymat. Quand Dieu agit, cela doit se savoir. Cela nous est familier : quand nous sommes rejoints par une bonne nouvelle, nous avons beaucoup de mal à garder le secret, à ne rien laisser transparaître. Voilà pourquoi, au cœur de la nuit, les anges ne peuvent se taire et annoncent la naissance de l’Emmanuel aux bergers. Ils en seront cependant les seuls bénéficiaires, eux les pauvres de l’époque, alors que tous les autres, aux alentours, continueront de dormir à poings fermés. Comme si de rien n’était.
 
Aujourd’hui, le mystère de Dieu se dilate et la lumière de Dieu se répand, comme les jours se rallongent. Des mages attentifs aux signes du ciel, sans doute des scientifiques, sont désireux de comprendre les lois qui régissent l’univers. Ils pensent que le signe ainsi observé dans la voûte céleste correspond à un événement insigne pour la société d’alors. Leur expédition se prépare et les voilà en route. L’avide curiosité d’Hérode les aidera, paradoxalement. Ils arrivent devant l’Enfant. Curieuse rencontre : ils se prosternent devant un nouveau-né comme un autre, bien loin des ors des palais, mais reconnaissent en Lui un roi, un dieu et celui qui vaincra la mort. C’est ce que signifie l’or, l’encens et la myrrhe. Quand l’évangéliste précise qu’« ils regagnèrent leur pays par un autre chemin », il nous fait comprendre que cette rencontre les a bouleversés au sens même d’une conversion. Leur contact avec la seule présence de l’enfant vagissant a été pour eux au-delà de ce que leur quête scientifique ou spirituelle aspirait à trouver.
 
Ce mystère de Dieu qui se révèle aux nations fait irruption dans l’histoire des hommes pour lui donner sens. « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. » Ce qui est manifesté l’est à tous et sans restriction, sans dissimulation ni élitisme. Cela est profondément actuel : nous ne saurions affirmer qu’un tel ou un tel en raison de son origine, de sa condition sociale ne pourrait être digne de l’annonce de l’évangile, pas plus que nous ne pourrions réserver à une caste, à ceux que nous aurions choisi ou qui nous ressembleraient, d’être les bénéficiaires du message de la foi. Notre capacité missionnaire doit être universelle, en direction de tous.
 
La rencontre avec le Christ se fonde toujours sur une médiation : pour les bergers, ce furent les anges ; pour les mages, l’étoile ; pour nous aujourd’hui, l’Eglise. Le mystère de Dieu se manifeste donc par capillarité pour gagner des hommes et des femmes au Christ. Double question pour nous : à l’instar des mages, la rencontre avec le Christ est-elle pour nous déterminante au sens où nous l’accueillons comme la Vérité, comme Celui qui se révèle à nous ? Et sommes-nous prêts à le dire, à l’annoncer ?   
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                                
Michel Steinmetz