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dimanche 22 janvier 2012

Homélie du 20ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 14 août 2011

Voici quelqu'un qui pourrait être moi, qui pourrait être vous, ou toi, n'importe qui parmi nous ici. Cette personne a un proche qui est malade. On ne connaît pas son nom ni celui de sa fille. On sait qu'elle est femme, Cananéenne, c'est-à-dire non juive. De sa fille, on ne sait rien ni son prénom, ni son âge, ni sa maladie. Vraiment, c'est toi, ou toi, ou moi. Je n'ai pas de fille mais ma mère est malade. Nous avons tous un proche qui va mal.

Cette femme n'a donc rien d'extraordinaire, et c'est cela qui est intéressant. Parce que ce qui va lui arriver peut nous intéresser.

Ce qui lui arrive est banal. Triste mais classique, excusez moi. Elle s'adresse aux disciples de Jésus et elle se fait rembarrer. Vous me direz, c'est normal : c'est une femme et en plus elle est d'une autre religion. Normal, ou pas normal ? Ce n’est pas normal, nous sommes d'accord, mais c'est malheureusement très courant. Elle m'intéresse de plus en plus. Les disciples veulent la faire taire. Elle les ennuie. Elle doit souligner un point chez eux qui est sensible, voir douloureux. Il n'est pas agréable d'être incapable, de ne pas pouvoir guérir quelqu'un qui le demande instamment. Cela révèle notre impuissance et cette impuissance, nous pouvons difficilement nous l'avouer, nous pouvons difficilement l'accepter. Impression d'être impuissant, toujours fâcheux, pour des hommes, mais aussi impression de culpabilité, de n'être pas à la hauteur, de ne pas pouvoir rendre l'autre heureux. D'être défaillant, insuffisant, coupable d'une certaine manière.

Alors les disciples en appellent à Jésus. Ils ne s'adressent pas à Jésus pour lui demander de guérir son enfant, cela serait pourtant très bien. Non, ce sont des disciples comme nous en connaissons beaucoup, qui ont d'abord le souci de leur confort et ensuite celui de la vie des gens. Ils en appellent à Jésus pour qu'il les libère de ce démon qui les poursuit de ses cris ! Pauvres disciples, victimes d'une personne qui demande la guérison de sa fille. Et si cette femme représentait l'humanité et si sa fille représentait les nouvelles générations qui ne trouvent pas leur place et qui sont déboussolées ? Les disciples ne font pas d'analyse, ils ne posent pas de questions. Ils recherchent la paix. Et, et c'est là que cet évangile est décidément très intéressant, parce que déroutant, disons le mot, il est scandaleux : Jésus, au lieu de réprimander ses disciples, leur emboite le pas. Il va dans leur sens. Il en rajoute au plan de l'exclusion ! Il le dit clairement : il n'est pas là pour des gens de son espèce. Ils ne sont d'ailleurs pas tout à fait des hommes, ces non-juifs... et il ne convient pas de jeter le pain des enfants aux petits chiens. Même si le diminutif donne une nuance de tendresse, les « petits chiens » restent des chiens. En clair Jésus la traite de chienne ! Il ne vaut pas mieux que son entourage. A la place de cette femme, je me serais découragé cinquante fois. J'aurais haussé les épaules et je serais parti.

Mais non. Elle accueille les paroles qui lui sont données. Elle va même dans leur sens : « Oui, dit-elle... » Oui. Elle entre en sympathie, elle accepte ce qu'on lui a dit. Mais elle s'empare de cette image, pour la pousser dans son sens. Elle prend cette logique au mot. Oui, mais, mais, les petits chiens, ils mangent les miettes. Elle n'en demande pas plus : quelques miettes ! Vous me direz des miettes de Dieu, c'est toujours Dieu. Des miettes d'infini, c'est encore infini. Mais elle n'a pas Dieu devant les yeux, simplement un juif intolérant et prétentieux. Il n'empêche, même s'il y a très peu d'espoir, elle s'accroche jusqu'au bout. Elle va dans le sens de ce qu'on lui dit et elle le pousse à ses conclusions. Jésus est beau joueur et il le reconnaît : elle a gagné.

Voici donc la championne toutes catégories. C'est, avec la Vierge Marie à Cana, la seule personne de tout l'Evangile qui ait réussi à faire changer Jésus d'avis. Mais c'est une personne normale, comme je le disais en commençant. Elle n'a rien qui la distingue, sinon certains points qui sont plutôt des handicaps : elle n'est pas juive, elle est une étrangère, et elle est femme et sa fille aussi...

Alors qu'aujourd'hui, faut-il que je vous fasse un schéma, tant de personnes souffrent d'être exclues, rabrouées, rejetées, critiquées, de la part de bien des milieux et aussi des milieux d'Eglise, que cette cananéenne inconnue, anonyme, nous donne courage de vouloir jusqu'au bout, de désirer jusqu'au bout, de ne surtout pas nous décourager, et d'insister, d'insister envers et contre tout. « Femme, grande est ta foi, qu'il te soit fait selon ton désir » Grande est ta foi. Elle n'est pas juive et Jésus ne la convertit pas. Il n'en fait pas une chrétienne non plus. Il lui confirme que son désir de vie et de santé ne peut être déçu. Que nous soyons fils et filles spirituels de cette femme là !

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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