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vendredi 19 mars 2021

Homélie pour le 5ème dimanche de Carême (B) - 21 mars 2021

La semaine passée, j’ai été témoin d’une confidence touchante de la part d’une commerçante. Elle me racontait, gratuitement, avec les yeux embrumés d’émotion, comment elle avait rencontré son compagnon. Après des vies douloureuses, pour l’un et l’autre, marquées par la souffrance, ils se sont rencontrés. Coup de foudre instantané au moment où cet homme est entré dans sa boutique. Il sut que c’était elle ; et elle sut que c’était lui. Fulgurance d’un amour qui les fait ne plus se quitter depuis. Demeurer deux mais ne faire plus qu’un.


Dans la première lecture tirée du livre du prophète Jérémie, le Seigneur rappelait le souvenir de l’Alliance conclue avec le peuple. Mais il promettait aussi une alliance nouvelle. Car la première a été mise à mal, non tant du fait de Dieu que de celui de son tumultueux partenaire. Pourtant Dieu n’avait pas lésiné. Il avait tout donné. Il les avait « pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte ». Et nous le savons, ce peuple à la nuque raide, il l’a guidé au désert et lui a offert un pays ruisselant de lait et de miel. Enfin il arrivait à destination et goûtait à la promesse de cette terre bénie. Cela pourtant ne lui suffisait pas et, en enfant gâté, il a préféré mettre sa confiance en d’autres et délaisser l’alliance qui lui avait valu une telle bénédiction. Or pour qu’il y ait alliance, il faut qu’il y ait au moins deux partenaires. Sans se résigner, Dieu propose une nouvelle alliance. Il la souhaite encore plus forte et plus pérenne : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Cela passera par le pardon de toutes les fautes, comme une remise à plat et un nouveau départ.


Dieu va donc décider de se gagner l’humanité, non de force, car on ne peut forcer à aimer, mais avec patience et abnégation. Il va consentir à se donner lui-même et à se perdre par amour dans les bas-fonds de cette complexe humanité. Il va se donner en nous donnant son propre Fils.Les quelques Grecs, dont parlent l’évangile, venus à Jérusalem en pèlerinage pour la fête de la Pâque sont comme une sorte d’avant-garde de tous ceux qui viendront recevoir du Christ l’accomplissement des promesses de Dieu. Ils ne sont pas juifs. Peut-être même ne sont-ils pas de la catégorie que l’on appelait les « craignant-dieu ». Ils sont simplement des gens qui ont entendu parler de la religion juive, qui s’y sont intéressé, et qui viennent voir de plus près. Parmi ce qu’il y a à voir de plus près, il y a Jésus, dont ils ont sans doute entendu évoquer le nom et qu’ils souhaiteraient rencontrer. Cette demande : « nous voudrions voir Jésus » (Jn 12,21), nous pouvons l’entendre au premier degré : ils voudraient rencontrer Jésus de Nazareth dont on parle tant et qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de voir. Mais l’évangile de saint Jean nous donne immédiatement une autre interprétation, beaucoup plus large, car la réponse du Christ introduit une référence à ce qui va se passer : « l’heure est venue, c’est maintenant, où le Fils de l’homme doit être glorifié » (Jn 12,23). Il ne s’agit plus simplement de voir Jésus mais de découvrir qui Il est vraiment : le Fils de Dieu. En le voyant ils vont d’une certaine manière se découvrir eux-mêmes : dans l’humanité glorifiée de Jésus, ils vont découvrir que la leur est aimée de Dieu. 


Pour que cela soit possible, il faut que le grain de blé tombé en terre meure : il portera alors beaucoup de fruit (Jn 12,24). Le grain tombé en pleine terre, en effet, s’ouvre et se désagrège pour donner du fruit. Le Christ, lui aussi, va accepter sa mort pour que nous ayons la vie. Cela va à l’inverse de notre manière de penser et d’envisager le monde et notre propre vie. On ne tient pas à disparaître. Et nous n’arrivons que très difficilement à admettre que c’est en disparaissant que nous subsistons. Pourtant ceux qui s’aiment le savent : quand on aime vraiment, on est prêt à tout pour l’autre. 


Je vous souhaite, frères et sœurs, à quelques jours des célébrations pascales, de tomber, ou de retomber en amour – comme le disent nos amis québécois – pour Dieu. Lui ne cesse de vous attendre, Lui est prêt à tout pour vous. Comment résister à tant d’amour ? 


Michel STEINMETZ †


vendredi 12 mars 2021

Homélie pour le 4ème dimanche de Carême (B) - 14 mars 2021

Il arrive qu’un enfant regarde le bout de ses souliers, le nez pointé vers le sol. Il le fait parce qu’il est timide, ou bien parce qu’il a fait une bêtise. On dit parfois de plus grands qu’« ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ». Cela signifie que l'on manque de clairvoyance. En effet, le nez symbolise une distance courte, au sens de « prévision ». Celui qui « ne voit pas plus loin que le bout de son nez » manque de  discernement et n'envisage pas les événements sur du long terme. Et l’on peut manquer de clairvoyance par tempérament ou par paresse quand on ne souhaite pas sortir de sa zone de confort.


Dans l’évangile, Jésus parlait d’un serpent de bronze élevé par Moïse au désert et du Fils de l’homme qui, lui aussi, sera élevé. Au livre des Nombres, en effet, le peuple errant au désert après la sortie d’Egypte est en proie à tous les dangers de ce lieu aride : la faim, la soif et la morsure des serpents. De quoi douter de la bienveillance et de la miséricorde de Dieu à son encontre. Alors il demande des signes, et, d’une certaine manière, met Dieu au défi. Moïse intercède alors en sa faveur et Dieu montre une nouvelle fois sa générosité et son élection en faveur de ce peuple. Il ordonne à Moïse de fondre un serpent de bronze et de lui fixer à un mât, dressé lui-même au sommet d’une colline : quiconque regardera vers lui sera sauvé de la morsure des serpents qui, sans doute, pullulent au désert. Le veau d’or, fondu par le peuple impatient et chagrin alors que Moïse recevait de Dieu les commandements sur la montagne, et devenu objet d’idolâtrie, sera brisé par Moïse en rage devant ce spectacle sacrilège. Ici, le serpent de bronze ne sera pas le support d’une nouvelle idolâtrie pour un peuple découragé : il est le signe donné par Dieu lui-même de sa proximité aimante.


Fixé au mât, fermement attaché à lui, le serpent de bronze symbolise dès lors le mal de tous les serpents que la puissance de Dieu vient vaincre et rendre caduque. Comment ne pas songer ici à l’antique serpent, celui du jardin d’Eden, dont nous sentons encore tout le poids du mal hanté notre humanité ? Et si l’attachement à la loi du Seigneur nous fait pencher du côté de Dieu, cela était encore insuffisant pour rentrer définitivement dans cette amitié jadis perdue. Mais l’élévation du Fils de l’homme dont parle Jésus ne sera pas une redite de ce qui se passa au désert.


Jésus annonce ici sa mort et sa résurrection. Il le sait : il sera élevé sur la croix, elle-même plantée au somment du monticule du Golgotha, aux portes de Jérusalem. Pourtant ce qui sera ainsi fixé à la croix, ce ne sera pas le mal désormais entravé : le corps de Jésus est Dieu lui-même au milieu de nous ! C’est la mort qui y sera vaincue. Autrement dit, la conséquence ultime de notre finitude et de notre péché. Car jusqu’à la croix, le poids de péché prenait irrémédiablement le dessus dans notre existence comme une fatalité à laquelle l’ensemble de l’humanité était soumise et dont elle était prisonnière. La mort venait mettre un terme à toute vie. Par la mort de Jésus sur la croix, « le premier-né d’une multitude de frères », la mort devient un passage et la lumière l’emporte sur les ténèbres. « A cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ ».


Si nous en restons à « ne pas voir plus loin que le bout de notre nez », si nous n’apprenons pas à lever le nez, alors nous ne verrons pas la croix de Jésus, élevée de terre et dressée au sommet du Golgotha. Et plus encore, nous ne serons pas capables de comprendre que ce qui se joue sur la croix n’a de sens qu’avec l’élévation de Jésus dans la gloire du Père, c’est-à-dire en sa résurrection quand il se lèvera d’entre les morts. C’est là qu’avec lui, nous entrons dans la lumière éclatante. Si nous consentons à Le suivre jusque-là, nous ne craindrons aucun jugement car nous serons, avec Lui, dans cette douce lumière « de la richesse surabondante de sa grâce ».  Lever le nez, c’est pour nous, suivre Jésus et nous placer résolument du côté des œuvres bonnes et de la lumière. 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


vendredi 5 mars 2021

Homélie pour le 3ème dimanche de Carême (B) 7 mars 2021

Il y a quelques mois, maintenant, nous avons décidé de faire installer une rambarde au niveau de l’escalier du presbytère de St-Bernard. Il nous était apparu important d’y renforcer la sécurité, notamment celles des enfants, qui venaient au catéchisme et avaient tendance à jouer, parfois dangereusement. C’était là une mesure prudentielle, que de poser ce qu’on appelle un « garde-corps ». Belle expression qui sied à merveille aux paroles données par Dieu, il y a fort longtemps, à Moïse sur le sommet du Sinaï. Il fut un temps où on les apprenait par cœur au catéchisme comme des paroles importantes et un temps est venu où tout ce qui ressemblait à un commandement sentait le souffre. Il était alors de bon ton d’« interdire d’interdire ». Ces paroles demeuraient pourtant dans la Bible et, assez intelligemment d’ailleurs, certains parcours de catéchèse les ont alors présentées comme des paroles de vie. C’était bien comprendre leur objet. Comme un garde-corps, elles permettent de rester tournés vers Dieu et de rejeter ce qui nous détournerait de lui.


Voici donc des commandements, ou des paroles de vie, peu importe que Dieu donne à son peuple comme des balises pour demeurer dans l’Alliance. Les esprits chagrins pourraient penser que ce sont là des entraves à notre liberté qui nous empêchent de poser quelque acte que ce soit, fût-il parfaitement désordonné. Or Dieu, qui connaît le cœur de l’homme, et qui désire son bonheur, sait quels sont les endroits où l’homme peut se perdre. Quand il s’agit de se croire maître de tous et de tout, de se prendre lui-même pour un dieu ou de prendre ce qui revient à son prochain. Quand il attente à la vie de son semblable, quand il détourne la vérité à son profit. 


Au Temple de Jérusalem, la colère de Jésus s’enflamme, car il perçoit avec une profonde acuité que, dans ce lieu, où ces balises devraient honorées et promues, certains détournent le socle même de toute la Loi juive. Le Temple de Jérusalem était le lieu le plus sacré, le lieu saint de tout le judaïsme, le lieu de la présence de Dieu au milieu de son Peuple. Jésus va y poser un acte, qui ne peut être perçu que comme une critique par les prêtres et tout le personnel du Temple. La question n’est pas de savoir s’il y avait trop de marchands. De toute manière, il fallait des marchands pour vendre les animaux nécessaires aux sacrifices, et des changeurs pour que l’offrande des fidèles soit acquittée en monnaie juive. En posant ce geste, et en le faisant de manière violente, Jésus s’en prend en fait aux autorités du Temple, aux prêtres, qui se remplissant les poches en faisant ce lieu une maison de commerce et de trafic. Ils dépassent ce qui est nécessaire et utile à l’activité du Temple et pratiquent un taux de change à leur propre intérêt. Ainsi, ils apparaissent comme étant à leur propre compte. Ils ne sont plus au service, mais ils se servent (dans tous les sens du terme). Ils ne sont plus chez Dieu, mais chez eux. C’est cela que Jésus rappelle avec rage.


Les commandements que Dieu donne sont autant de moyens de rester dans son Alliance, c’est-à-dire dans la proximité vitale d’avec lui. Au Temple, Dieu était devenu non plus la fin de tout, mais un prétexte. Et vous aurez remarqué que ceux qui se détournent des commandements, seront punis jusqu’à la troisième ou quatrième génération, mais pour ceux qui y sont fidèles, la bénédiction d’étendra sur mille générations. Quelle profusion de la bonté du Seigneur ! Pour que ces garde-corps qu’étaient les commandements, ne soient plus dévoyés et pervertis, Jésus va donner une parole d’alliance plus forte encore. Désormais c’est en son corps, qui se relèvera des morts en trois jours, qui sera le gage du salut. « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »


Nous avons-nous-même toujours besoin de garde-corps, de principes, de valeurs qui nous font avancer et tenir dans la vie. Pourtant, nous avons mieux encore : il nous faut nous agripper au corps de Jésus et à sa croix, comme une ancre solide quand la tempête du péché survient. Arrimés à lui, nous serons en sécurité et rien ne pourra nous séparer de Dieu. « Il est puissance de Dieu et sagesse de Dieu ». 


AMEN.

Michel STEINMETZ †