« Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à nos entreprises, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu », voilà ce qu’annonçait le livre de la Sagesse, en donnant la parole à « ceux qui méditent sur le mal ». Bien évidemment les chrétiens ont toujours lu ce passage de l’Ecriture en l’appliquant au Christ, aux jours de sa Passion, ces jours que Jésus annonce lui-même dans l’évangile : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Cette expérience, c’est à n’en pas douter celle aussi de Maurice et de siens, dont la pratique de foi a été à l’encontre d’une croyance qui se voulait une foi, croyance finalement sociale, extérieure et politique, destinée avant tout à la cohésion de l’empire autour de son chef. Eux ont décidé d’emboîter le pas au Christ, dans la fidélité et l’imitation, jusqu’à subir la mort plutôt que de le renier. Ils avaient bien compris que, dans le choix qui leur était imposé, ils ne pourraient concilier la chèvre et le chou. Mais ils savaient, en leur cœur et leur âme, que Dieu ne les décevrait pas. Sans aller jusque-là, nous devons nous interroger nous-mêmes que les choix auxquels une société désormais pluraliste et largement sécularisée voudrait nous contraindre. En prenant garde de ne tomber ni dans un réflexe identitaire, et donc ghettoïsant d’une espèce en voie de disparition ni dans l’assurance hypocrite, et pire encore, d’être une caste d’élites dans un monde perverti, les chrétiens que nous voulons être se doivent de mener leur vie en interrogeant leur conscience.
« La sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’es
t semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix », rappelait saint Jacques. A vrai dire, il ne semble pas que Maurice et ses compagnons aient voulu convertir ou l’empereur ou son état-major dans une opération de bravoure. Leur héroïcité a reposé dans leur sagesse pacifique qui, parce que dépourvue d’« actions malfaisantes », a porté ses fruits. Ils n’ont pas voulu contraindre les autres à être comme eux, mais ils ont consenti à donner un témoignage qui allait s’imposer de soi, mettant à l’unisson leur foi, leurs paroles et leurs actes. Que de fois, sommes-nous prêts, comme chrétiens, à nous ériger en donneurs de leçons, dans nos familles, dans nos lieux de vie et de débat, en oubliant de nous laisser convertir nous-mêmes ? Personne ne s’y trompe et, au lieu du témoignage, nous nous faisons la risée même de celles et ceux qui ne veulent pas croire.
« ‘De quoi discutiez-vous en chemin ?’ Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. ». Jésus ne s’y trompe pas en leur ordonnant d’être pour tous le plus petit et le serviteur. Il n’y a d’autre voie possible pour qui veut le suivre, quand bien même cela ne flatte pas son égo. Le chrétien est celui qui aime les autres, même différents de lui, et qui consent à les servir. C’est cela la fraternité universelle. Et c’est là la clé de toute annonce de l’Evangile. Saint Maurice n’est décidément pas un raté. Mais un grand monsieur. Un grand saint.
AMEN.
Michel STEINMETZ †