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samedi 30 octobre 2021

Homélie de la solennité de Tous les Saints - 1er novembre 2021

L’autre matin, je peinais à distinguer l’église depuis le presbytère. Entre les deux, la seule place Arnold. Mais l’épais brouillard automnal rendait à peine perceptible les lignes de l’édifice. Un étranger la découvrant n’aurait pu en décrire l’ornementation de la façade, l’agencement des pinacles et des contreforts. Une simple forme aux contours flous, voilà ce qu’il était possible de discerner. Et pourtant, l’église était bien la même que celle que le soleil, dissipant les nappes un peu plus tard dans la matinée, allait à nouveau laisser apparaître. La même, dans sa réalité et sa matérialité, mais une autre dans sa perception. Il me semble que c’est exactement ce qu’exprime l’apôtre Jean quand il affirme : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. » Et il ajoute que cela deviendra possible quand en fin nous verrons nous-mêmes Dieu « tel qu’il est ». 


Ainsi, il se peut que vous soyez comme dans du brouillard et que vous voyiez les autres comme étant tout aussi embrumés que vous. C’est d’une part la condition normale de l’homme de ne pas être encore dans la claire vision de Dieu. Car si c’était le cas, la foi ne vous servirait plus à rien ; il serait inutile de vous inscrire dans la confiance et l’espérance car vous seriez dans le domaine de la certitude. La foi implique de fait la confiance, et d’une certaine manière même, un pari sur Dieu. Nul ne peut prétendre être dispensé ou guéri du doute tant qu’il n’est pas en Dieu. Et être en Dieu, cela correspondra au moment où nous aurons vécu notre Pâque à la suite de Jésus. C’est l’expérience de tous les saints, y compris de plus célèbres et des plus vénérables. D’autre part, la vie se charge de flouter nos contours. Tantôt elle rabote nos zones de certitude et de confort, tantôt elle opacifie nos traits. La vie, avec son lot d’épreuves et de difficultés, peut mettre à mal ce que nous aimerions laisser transparaître de nous-mêmes. Les autres peinent à percevoir la vérité de notre être. En retour nous pouvons aussi ne pas arriver jusqu’à la profondeur de leur âme. Ce que nous sommes ne paraît pas encore clairement.


Pourtant, malgré des apparences trompeuses et donc désavantageuses, la réalité demeure. Il y a « ce que nous sommes » et ce que nous sommes déjà : par amour du Père, « enfants de Dieu ». Quand le soleil de la charité n’arrive pas à nous illuminer de ses rayons, cette identité n’en disparaît pour autant. Que nous soyons pauvres de cœur, en pleurs, que nous soyons doux et donc affaiblis par le dur esprit du monde, que nous ayons faim et soif de justice malgré les injustices des hommes, que nous soyons déjà miséricordieux, avec un cœur pur, que nous soyons artisans de paix au milieu des conflits, que nous soyons persécutés pour la justice ou à cause du Règne de Dieu, nous nous découvrons peut-être malheureux aux yeux du monde. Il nous semble placer notre idéal dans un décalage complet avec ce qui fait immédiatement recette. Nous nous exposons aux brouillards des relativismes qui obscurcissent l’identité de Dieu que nous portons en nous. Et bien, malgré tout, nous demeurons ce que nous sommes. Plus encore, Jésus nous dit aujourd’hui qu’à ses yeux, aux yeux de son Père, nous sommes en réalité « heureux ». 


Si vous désespérez de vous, frères et sœurs, pensant que vous vous perdez en chemin sans plus trop y voir, souvenez-vous de la grande cohorte des saintes et des saints. Il n’en est aucun qui n’ait eu des zones d’ombre. Rappelez-vous les Apôtres que Jésus appelle à devenir des pierres de fondation dont rien n’ébranle l’assise : il y eut parmi eux un terroriste, un traître, un homme de doute, des arrivistes et un renégat pardonné. Ce qui fait précisément leur sainteté, c’est de ne s’être jamais résigné à être réduit à leurs manquements. Vous valez plus que vos flous, vos aspérités et vos ténèbres. Et Dieu le sait, Lui que ne cesse de vous appeler à devenir ce que vous êtes déjà. A l’exemple de celles et ceux qui sont déjà dans le cœur de Dieu, qui ont lavé leur robe dans le sang de l’Agneau et qui contemple Dieu face à face, poursuivez votre route. Dieu n’oublie pas ce que vous êtes, une fois le brouillard disparu : ses enfants bien-aimés.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


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