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vendredi 1 octobre 2021

Homélie pour le 27ème dimanche du Temps ordinaire(B) - 3 octobre 2021

Notre société est comme obnubilée par l’égalité. Il est vrai que c’est là un des trois substantifs fondateurs de la nation française et porté au fronton des édifices publics. Si le concept est noble, son exploitation est parfois problématique. Egalité à tout prix, égalité des chances, égalités des sexes, au point que cette égalité rime parfois avec indifférenciation. Précisément là où la Bible a un regard bien plus inclusif – et donc paradoxalement très à la mode, c’est qu’elle ne pense pas l’égalité dans le nivellement au plus dénominateur commun mais qu’elle intègre de fait les diversités comme autant de richesses. Le texte du livre de la Genèse que nous entendions est en cela révélateur.


Trois mots du texte d’origine sont à la source d’une mauvaise compréhension. Le premier concerne le terme hébreu ezer, qui a été traduit par « aide ». La Bible écrit ainsi : « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée. » (Gen, 2, 18). En hébreu, ezer n’est pas du tout la personne qui fait le repassage ou le ménage. Ce terme a plutôt le sens de « secours vita». Assez loin de la notion de « servante », il s’agit donc plutôt d’une « part indispensable » de l’homme.

Un autre terme hébreu très difficilement traduisible est tsela, la « côte » prise de l’humain pour façonner la femme. A chaque fois que ce terme est utilisé dans l’Ancien Testament, il désigne les « poutres maîtresses » du Temple. Il s’agit donc également d’une partie fondamentale de l’homme. C’est en tout cas une chose que nous, les hommes, n’avons plus, parce qu’elle nous a été prise pour façonner la femme. Cela fait dire à certains théologiens qu’il s’agit peut-être de la matrice». Un élément qui fait sens lorsqu’on se rappelle qu’Eve veut dire « la vivante ». Si ces deux termes ont été traduits de façon réductrice, il en est un troisième dont l’interprétation change fondamentalement la perspective du texte : le mot adam lui-même. On l’a en effet interprété comme le premier « homme », alors qu’en hébreu, cela veut dire « l’humain ». Ainsi, jusqu’à Genèse 2, 23, à chaque fois qu’il est écrit adam, il est question de l’être humain et non de l’homme.

Dans cette perspective, le terme « femme » apparaît en premier dans la Création. « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise » (Gen 2, 23). Il y a donc d’abord l’adam - qui signifie littéralement « le glaiseux-celui qui est tiré de la terre » - dont Dieu se dit qu’il n’est pas bon qu’il soit seul, et auquel il fait un vis-à-vis. Pour cela, il est obligé de lui prendre quelque chose, et il ne sera donc plus tout à fait ce qu’il était au départ, il devient « homme ». C’est ainsi uniquement dans la relation avec celle qu’il découvre face à lui qu’il découvre sa propre identité.


Cette distinction homme-femme se manifeste en hébreu dans un jeu de mot génial avec les termes ish et ishah. La terminaison ‘ah’ est le suffixe classique du féminin. Elle désigne aussi un « mouvement vers ». Ishah est donc celle vers laquelle l’homme est attiré et par rapport à laquelle il se définit. Bien sûr, ce sont des concepts qu’on ne peut pas traduire correctement en français, mais les traducteurs de dernière traduction liturgique de la Bible, sortie en 2016, mentionne désormais les termes ish et ishah.


Quand Jésus cite les versets de la Genèse, il entend sans doute plus rappeler l’unité fondamentale et inclusive de la Création, de cette humanité telle que Dieu l’a voulue, plutôt que de s’insérer dans un débat législatif et juridique autour des institutions du mariage. Il n’est pas tant question de légalisme et de répudiation que de vocation à entrer dans le Royaume de Dieu, dans la simplicité dont l’enfant est ici le symbole. « Celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » L’humanité selon le cœur de Dieu est fondée sur la différence et la véritable égalité, celle qui accueille avec respect sa condition de créature.  


AMEN.


Michel STEINMETZ †


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