A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

mardi 6 avril 2021

Homélie pour le masse "in coena Domini" - Jeudi-Saint 1er avril 2021

Le temps de l’offrande

 


Le temps impatient de la foule en attente d’un sauveur s’abîme déjà devant le temps de l’offrande dans lequel le Christ introduit. Aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais vous ne pourrez vous voir vous-même dans un miroir. Un miroir peut être utile à votre toilette, voire indispensable, mais ce n’est pas dans un miroir que vous trouverez la révélation de vous-même. Votre vie profonde, celle par laquelle vous vous transformez vous-même, échappe à tout artifice de l’apparence. La vie de Jésus ne peut ainsi être comprise que dans la donation du Père qui culmine ce soir dans le don que le Christ consent à faire de lui-même. Dieu se donnant pour notre salut. Dieu s’abaissant jusqu’à l’insoutenable de la rupture de la mort.

 

La vie profonde échappe à la réflexion du miroir ; « elle ne peut se connaître que dans un autre et pour lui », écrit Maurice Zundel. Et il poursuit :

« Quand vous vous oubliez parce que vous êtes devant un paysage qui vous ravit, ou devant une œuvre d’art qui vous coupe le souffle, ou devant une pensée qui vous illumine, ou devant un sourire d’enfant qui vous émeut, vous sentez bien que vous existez, et c’est même à ces moments-là que votre existence prend tout son relief, mais vous le sentez d’autant plus fort que justement l’événement vous détourne de vous-même. C’est parce que vous ne vous regardez pas que vous vous voyez réellement et spirituellement, en regardant l’autre et en vous perdant en lui. »

Jésus, en consentant à s’abaisser, à se dépouiller lui-même, non parce qu’il y serait contraint mais parce qu’il le choisit par amour, révèle le sens paradoxal de l’offrande véritable. Vous n’existez pas plus en donnant quelque chose, car vous risquez d’être renvoyés à une image qui, de manière narcissique, vous augmentera. C’est au contraire en vous donnant, en vous oubliant, que vous grandissez jusqu’à la maturité de vous-même, comme le fruit mûr tombé en terre et qui porte du grain. « C’est cela le miracle de la connaissance authentique. Dans le mouvement de libération où nous sortons de nous-mêmes, où nous sommes suspendus à un autre, nous éprouvons toute la valeur et toute la puissance de notre existence… Dans ce regard vers l’autre, nous naissons à nous-mêmes », écrit encore Zundel.

 


Et précisément c’est dans cette offrande de nous-même, à laquelle ne cesse de nous configurer l’eucharistie, que nous nous découvrons tel que nous sommes ou plutôt tel que nous devons être. Ce n’est pas la conservation magique d’une présence matérialisée, c’est l’offrande infiniment réelle d’une présence universelle et qu’on ne peut joindre qu’en nous faisant nous-mêmes universels aussi. L’eucharistie rassemble toute l’Église, au sens où elle est « le lieu éminent de la Charité ». Elle exige que nous soyons prêts à tous les dépouillements, à toutes les humilités, à tous les pardons qu’entraîne notre rencontre avec l’Homme-Dieu.

 


Il est riche d’enseignement pour nous qu’au jour où l’Eglise, entrant dans la célébration du mystère pascal et faisant mémoire de l’institution de l’eucharistie, nous donne à entendre à la fois le récit de Paul et celui de Jean. La dernière consigne qui retentit dans le récit johannique, c’est que « vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés ». Et cette consigne est aussi le critère qui fait reconnaître les disciples de Jésus : « C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » Et, pour donner une leçon de choses à ses disciples, Jésus leur lave les pieds. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Aussi curieux que cela paraisse, l’eucharistie semble avoir disparu, elle n’est même pas nommée en cet endroit : pourquoi ? Parce qu’elle est implicitement contenue dans ce mandatum (ce commandement). Elle est implicitement contenue et dans le geste et dans la consigne ultime du Seigneur, « Aimez-vous les uns les autres », parce que c’est exactement la même chose. Si nous voulons célébrer l’eucharistie en fidélité au Seigneur, nous ne pouvons omettre cela. Jamais. Voici le temps de l’offrande de nous-mêmes.

 

 AMEN.


Michel STEINMETZ

Aucun commentaire: