Manifestation, tout d’abord. Que cette famille se soit
rendue à Jérusalem pour la Pâque, rien d’étonnant. Que cela ait duré huit
jours, rien d’étonnant non plus : les deux fêtes réunies de la Pâque et des
Azymes qui n’en faisaient déjà plus qu’une duraient effectivement huit jours. Mais
c’est la suite qui est étonnante : le jeune garçon reste au Temple sans se
soucier, apparemment, de prévenir ses parents ; eux quittent Jérusalem avec
tout le groupe, comme chaque année, sans vérifier qu’il est bien du voyage.
Cette séparation durera trois jours, chiffre que Luc précise, bien sûr,
intentionnellement. Cette indication laisse esquisser qu’un mystère se dévoile
à nos yeux, comme à ceux de Marie et de Joseph. Jonas resta jadis prisonnier du
monstre marin durant trois jours avant de réapparaître et il en sera de même
pour le Christ avant que ne resplendisse ce que Dieu son Père a fait pour lui
en le réveillant de la mort. D’ailleurs, ici, dans l’évangile du Luc, la
première parole de Jésus, avant même qu’il ne commence son ministère public, et
comme ce sera le cas pour sa dernière parole, est pour nommer son Père. Voilà
la clé de notre compréhension : le Père. Jésus révèle ici le lien intime qui
l’unit à Dieu. A douze ans, il ne peut maîtriser la sagesse des anciens, il ne
peut prétendre ni à leur expérience ni à leur expertise de la Loi. Même doté
d’un don hors du commun, il fait preuve d’une intelligence qui dépasse
l’entendement. Assis sur le parvis, là où se tiennent les docteurs de la Loi et
là où il enseignera lui-même plus tard il converse avec ces spécialistes d’égal
à égal, et plus encore : ceux-là « s’extasiaient sur son intelligence et sur
ses réponses ». Il n’est nullement précoce ; la Loi sur laquelle il disserte
avec aisance et assurance n’est pas une parole extérieure pour lui et qu’il
aurait apprise. Elle lui est intime. La Parole de Dieu, c’est sa Parole ! Il
est le Verbe de toute éternité, Parole de Dieu désormais faite chair.
Incompréhension, ensuite. L’évangile nous suggère que Marie,
elle-même, ne comprend pas tout, tout de suite : elle retient tout et
s’interroge, et elle cherche à comprendre. « Sa mère gardait dans son cœur tous
ces événements. » Après la visite des bergers à la grotte de Bethléem, nous
lisions déjà : « Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les
méditait dans son cœur. » (Lc 2,19). Luc nous donne là un exemple à suivre :
accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, mais laisser se creuser en
nous la méditation.
La dernière phrase du récit de Luc donne à réfléchir : « Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes.» Cela veut dire que Jésus lui-même, comme tous les enfants du monde, a besoin de grandir ! Le mystère de l’Incarnation va jusque-là : ce qui signifie d’une part que Jésus est complètement homme, et d’autre part que Dieu a la patience de nos maturations : pour lui, mille ans sont comme un jour. (Ps 89/90). Contempler Jésus au Temple, c’est paradoxalement contempler les profondeurs de l’âme, même adolescente, que Dieu vient remplir de sa présence, et nous rappeler que toute vie, vie humaine et spirituelle, est toujours une croissance. Mais Jésus ne fait rien dans l’éloignement par rapport à son Père. C’est là la clé pour notre propre croissance dans l’Esprit.
AMEN
Michel
Steinmetz †
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