Nous
avons cheminé ensemble, depuis dimanche dernier, alors que nous entrions dans la
célébration de la Semaine sainte. Ce chemin parcouru a voulu mettre nos pas
dans les pas du Christ. Y sommes-nous parvenus ? Nous avons été confrontés
à bien des tentations de ne pas recevoir Jésus, ce Messie souffrant, défiguré
et cette nuit resplendissante de la gloire divine, pour ce qu’il est
réellement.
Nous
aurions pu nous fourvoyer en le prenant pour un homme providentiel au destin d’abord
politique. Nous aurions pu ne retenir de lui que ce frère en humanité, prompt à
bouleverser tous les codes jusqu’à prendre la place de l’esclave. Nous ne
pourrions que retenir pareillement que notre émotion compatissante et gênée devant
l’homme mis à mort comme un criminel. Et nous pourrions encore nous perdre
devant le tombeau vide. Comment ?
Il
serait assez simple, je crois, et peut-être même pour une part légitime, de
considérer que la résurrection de Jésus, pour grandiose qu’elle est, ne le
concerne que lui. Aux saintes femmes venues de bonne heure au sépulcre, et nous
rapportant ce qu’elles ont vu, nous serions tentés de répondre qu’il ne s’agit là
que de « propos délirants ». En allant constater par nous-mêmes, avec
Pierre, nous repartirions « tout étonnés », ne sachant à vrai dire
que penser et que croire, quand bien même ce que nous savons de Jésus, ce que
nous avons entendu dire de Lui et surtout ce qu’il a annoncé lui-même,
prendrait ici un sens radicalement nouveau. Comment passer de l’homme mort sur
la croix, bel et bien mort puisqu’on lui transperce le côté, mis au tombeau, à
cette absence troublante et qui, assurément, ne peut être un vol de cadavre comme
les paroles de l’ange l’attestent ? Oui, d’une manière qui échappe
fondamentalement à notre entendement, Jésus est ressuscité, c’est-à-dire qu’il
est revenu à la vie, sans pour autant que cette vie nouvelle soit appelée à finir,
et que son corps ressuscité est à la fois le même et pourtant différent. Cela
les témoins de sa résurrection l’attesteront à maintes reprises et les évangiles
que nous entendront dans les jours à venir nous le donneront à réétendre.
Il
serait tout aussi simple, encore, de ne penser que la résurrection de Jésus est
une énième manifestation de la puissance de Dieu, à qui, nous le savons, rien
ne saurait impossible. L’évangile proclamé il y a un instant arrivait au terme
d’un parcours dans l’histoire du salut. Nous nous sommes ainsi successivement
émerveillés par le souvenir de la puissance créatrice de Dieu qui ordonne l’univers
en le distinguant, qui épargne Isaac en sacrifice n’exigeant d’Abraham que sa
fidélité, qui fait sortir à main forte son peuple de l’oppression en Egypte et
le fait passer la Mer rouge à pied sec, qui s’engage envers son peuple et lui
témoigne sa pitié… La résurrection de Jésus ne saurait-elle alors qu’un épisode
supplémentaire d’une série de hauts-faits ? En viendrait-elle marquer l’achèvement
comme une fin heureuse ?
Une
fois encore, si nous restons là, nous ne ferons peut-être pas totalement fausse
route, mais nous manquerons le terme de ce chemin entrepris à la suite du
Christ. Pas plus que Jésus ne meurt pour lui-même, il ne ressuscite pas pour
lui-même, en une sorte de revanche manifeste de Dieu sur toute l’iniquité du
monde et qui imposerait à tous sa puissance une bonne fois pour toutes. « Si
nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le
serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne. » (Rm 6) Ce
que nous célébrons ce soir comme le cœur de notre foi, c’est la volonté de Dieu
de nous sauver en son Fils Jésus. C’est là le signe du tombeau vide :
celui d’une mort qui n’a plus le dernier mot.
Pour
nous, la route, si elle veut atteindre son but, ne peut manquer aucun passage.
Pour avoir part à cette vie nouvelle et indestructible, vie heureuse en Dieu, nous
devons clouer à la croix nos lourdeurs, nos fatigues et nos souffrances. Là le
Christ les anéantit. Alors, en faisant comme Lui, en acceptant de nous aimer
les uns les autres, nous serons assez légers pour passer à la vie. Le Seigneur
Jésus n’est pas un super-héros (malgré lui), pas plus qu’Il n’exige de nous que
nous le soyons. « Pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour
Dieu en Jésus Christ. »
AMEN.
Michel Steinmetz †
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