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jeudi 14 avril 2022

VENDREDI-SAINT / Homélie pour la célébration de la Passion et de la Mort du Seigneur - 15 avril 2022


La tentation du dolorisme compatissant

 

En prenant place au cœur de cette foule si versatile qui, il y a cinq jours, voulait faire de Jésus leur roi, qui, ce matin, l’abandonnait à la vindicte populaire et à toutes les compromissions politiques, et qui, maintenant, se tient autour du monticule du Golgotha pour contempler, muette et voyeuse, l’agonie d’un homme, nous éprouvons peut-être le même sentiment de gêne. En rentrant chez nous, nous nous « frappons la poitrine », comme ceux qui assistèrent au sacrifice de Jésus, en repensant à ce qui s’est passé (cf. Lc 23, 48). Oui, comment est-ce seulement possible ?

 

Depuis hier soir, nous avions commencé à saisir, avec les apôtres, que Jésus s’apprêtait à vivre la condition du Serviteur souffrant et qu’il allait le faire librement. Pourtant le chemin des douleurs emprunté depuis les humiliations des soldats jusqu’au sommet du calvaire, pourrait laisser entrevoir un homme passionné par la cause qu’il a voulu servir de manière jusqu’au boutiste. Cela nous émeut. Mais, après tout, cela le regarderait d’abord lui au sens où la croix ne serait que le constat et la conséquence de son échec. Il n’est pas arrivé à se faire suffisamment entendre, à imposer ses idées, les idées de son Dieu. Il n’aura pas su composer avec l’échiquier des forces en présence. Alors, nous sommes là et nous contemplons, pétris d’une révérence polie devant ce destin tragique, au cœur d’une multitude consternée en le voyant, « car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ». Oui, « nous l’avons méprisé, compté pour rien ».

 

Nous pourrions encore être pris aux tripes par les souffrances concrètes de cet homme suspendu finalement très injustement à la croix. Et ces souffrances sont réelles. De récentes enquêtes historiques permettent d’ailleurs de la montrer ; non seulement l’angoisse de Jésus consentant à la mort, mais encore les douleurs qu’on lui inflige par supplice, tout cela est d’une profonde atrocité. Notre émotion, une fois encore, reste extérieure devant le tragique ainsi exhibé. D’autres ont souffert et soufrent encore. Des malades en fin de vie, des victimes de la barbarie de la guerre. Jésus apparaît comme un de cela, solidaire avec les souffrants du monde, ceux de toutes les époques. Avec Lui, en Lui, Dieu décide de se faire proche, jusque-là.

 

Mais voici que nous ne pouvons plus seulement rester là, à regarder. Parce que la mort de Jésus n’a de sens que si toutes les souffrances endurées sont aussi nos propres souffrances. Comme l’annonçait déjà Isaïe : « c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. » De fait, « le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. » Cela signifie bien, ainsi que l’exprimait saint Léon le Grand, que : « devant le Christ élevé en croix, il nous faut dépasser la représentation que s’en firent les impies, à qui fut destinée la parole de Moïse : ‘Votre vie sera suspendue sous vos yeux, et vous craindrez jour et nuit, sans pouvoir croire à cette vie’. » Ici, le dolorisme compatissant n’est pas de mise. Frères et sœurs, nous ne souffrons pas d’abord pour Jésus, mais c’est au contraire Lui qui souffre pour nous.

 

Sa mort, maintenant, n’a encore de sens que si nous vénérons la croix, ainsi que nous allons le faire, comme l’instrument de notre salut. « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel » (He 5, 9). Le Christ veut clouer sur ce bois tout ce qui dénature notre condition humaine, la rend difforme, la tord de douleurs. Voilà pourquoi il consent à tout prendre sur Lui. « C’était nos péchés qu'il portait, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. » (1 P2). « Par ses blessures, nous sommes guéris ». Ainsi pour que la résurrection commence déjà à faire son œuvre de guérison en vous, confiez au Christ toutes vos souffrances et communiez à sa mort. Il fera de vous des vivants.

 

AMEN.


Michel Steinmetz

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