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vendredi 8 avril 2022

Homélie pour le dimanche des Rameaux et de la Passion (C) - 10 avril 2022

La tentation du messie politique 


La foule est curieuse. Alors que l’évangile n’a cessé de nous montrer combien Jésus est en proie ou à l’hostilité ou à la méfiance, notamment des scribes et des pharisiens, elle semble se distancier des sphères bien pensantes et de l’intelligentsia juive. Aurait-elle été finalement séduite par l’enseignement de Jésus, ses prises de position tout à la fois libérales car libératrices, et exigeantes car évangéliques ? Aurait-elle compris, comme de manière logique et arithmétique, qu’un homme qui accomplit de tels miracles ne peut le faire qu’au nom d’un Autre plus grand que lui et que leurs cœurs discernent comme une lointaine promesse de Dieu en train de se réaliser ?


En ces temps troublés et anxiogènes pour ce petit peuple, dont le territoire est occupé par des Romains qui ne donnent guère de signe de volonté de quitter les lieux, et qui s’emploient à asseoir leur pouvoir par des brimades et des répressions, nous ne pouvons saisir toutes les aspirations qui habitent le cœur de cette foule aujourd’hui si bigarrée. Les instituts de sondage auraient pu interroger et décortiquer : serait-il seulement possible d’identifier l’attente majeure de celles et ceux qui, dans un mouvement de masse, se pressent aux portes de Jérusalem ? Quelles colères les habitent ? Quelles espérances les rassemblent ? Il nous est difficile de les identifier. Mais ce que nous savons, ce que nous voyons, c’est ce dont l’évangile nous parle. Nous connaissons la conséquence de leurs motivations. Tout semble se cristalliser, et peut-être même malgré lui, autour d’un homme qu’ils estiment être l’homme providentiel. Celui dont ne sait trop pourquoi l’Histoire devrait en faire un grand homme et retenir la trace de son passage. Conjonction étonnante de lieux et de moments.


Alors la foule acclame et fait un triomphe à Jésus. L’émeute gronde. Et la sécurité publique semble en péril. Les hommes et les femmes rassemblées étendant leurs manteaux sur le sol comme pour en faire un tapis rouge. Ils jonchent le parcours de branchages et de rameaux. Ils crient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! ». On tente de les faire taire et on demande à Jésus de s’en charger. Sa réponse sera : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront. » Par-delà le sauveur politique, l’homme providentiel, par-delà les attentes multiformes, les foules font l’expérience que Jésus est plus que tout cela. Comme si son identité messianique semblait maintenant apparaître au grand jour. L’heure vient. D’ailleurs les plus avertis, les plus pieux dans la foule, doivent bien se rendre compte que le chemin emprunté par Jésus depuis la vallée du Cédron et le fait qu’il soit monté sur un âge, correspond à ce que le prophète Zacharie avait annoncé du retour du Messie.  


Après cet engouement populaire quasi-mystique, la foule, rongée par sa colère, lâchera Jésus au profit d’un criminel notoire, émeutier et assassin, dont elle sait pourtant qu’elle ne peut rien attendre.  « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. » Jésus, lui, n’a cessé de faire le bien et la seule réponse de ses partisans d’un jour sera de demander sa mort, se rangeant du côté de l’ordre établi et de toutes les compromissions politiques. Curieusement le seul à défendre un tant soit peu raisonnablement Jésus est Pilate lui-même. Mais nous savons qu’il s’en lavera les mains. 


Et nous ? Que voyons-nous en Jésus ? Sommes-nous prompts à l’exploiter, à exploiter sa figure pour défendre nos propres idéologies, nos luttes politiques ? Sommes-nous encore de ceux qui paradoxalement prétendent défendre l’Eglise mais sans le Christ ? Car il faut bien nous le rappeler : quand Jésus entre dans sa passion, il dérange. Il n’a rien d’un roi, ni à son entrée à Jérusalem, ni devant Pilate, ni sur la croix. Pourtant, la foule, qui s’est fourvoyée, ne s’y était pas trompée : il est roi mais un roi différent, et plus puissant que tous les autres. C’est Lui qui nous rassemble et c’est Lui qui nous demande de le suivre. Pour aucun autre motif que de mourir avec Lui pour revivre avec Lui. Le reste nous ferait prendre place au cœur de la foule vengeresse.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


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