Jean Baptiste, sans doute l’imaginez-vous comme moi hirsute et rachitique
dans son désert. Cet homme a quelque chose d’exceptionnel, quelque chose de
paradoxalement mesuré et retenu. Il m’intéresse parce qu’il connaît quelque
chose que nous vivons aussi. Jean Baptiste attend la venue du Messie, nous
attendons son retour. Première ou dernière fois, dans un cas comme dans l’autre,
il faut se préparer ! Le Messie va-t-il tolérer pareil désordre établi ? Pour nous comme pour les contemporains du
Baptiste, la venue des derniers temps exige de grands bouleversements !
Impossible de vivre l’Avent sérieusement sans tout révolutionner ! Mais où se
trouve le changement le plus profond ?
Il y en bien sûr qui vivent Noël comme une gentille fête folklorique,
tournée vers le passé. Mais ils n’ont rien compris ! Les chrétiens ne marchent
pas à reculons. Pour nous, l’histoire n’est pas circulaire mais linéaire et
irréversible. De même qu’elle a commencé, elle finira ! Nous rappelons la venue
du Messie parce que nous attendons son retour définitif ! Le passé est avant
tout un élan vers l’avenir car l’incarnation du Verbe en Jésus de Nazareth est
le point de saisie du cosmos tout entier. L’histoire aura une fin, un
accomplissement et, de même que Jean Baptiste préparait les chemins du Messie,
nous travaillons, nous, au grand projet de Dieu. Nous attendons la Parousie, la
manifestation triomphale du Ressuscité. Nous croyons qu’il achèvera et
récapitulera en lui tout l’univers.
Dans cette perspective, découvrir que Jean Baptiste est mesuré, me fait
prendre conscience, dans la cacophonie des exaltés, qu’il y a dans la foi
chrétienne un équilibre et une retenue, une limite et un respect, sans
équivalent. Le discours de Jean Baptiste est modéré. Son programme est mesuré :
partager et ne pas faire d’excès. « Celui qui a deux habits, qu’il partage avec
celui qui n’en a pas ; celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » C’est
tout, c’est peu ! Jean Baptiste est celui qui sait accepter l’autre comme
différent. Tout, chez lui, est dans la limite consentie. A l’opposé du
fanatique qui détruit l’autre ou cherche à le conditionner, Jean Baptiste
reçoit l’autre, tel qu’il est. Il a compris qu’il faut lui laisser de la place
: préparer les chemins de Dieu, c’est se préparer à l’accueil. « Il faut qu’il
grandisse et que je diminue ». Il s’efface. Il désire l’autre, prépare sa venue
et respecte celui qui vient après lui. Jean Baptiste m’impressionne par sa
discrétion. Il ne se prend pas pour le Messie. Il ne s’imagine pas non plus son
impresario (Jn 3, 27-30). Il ne prétend pas accélérer la venue du Messie par sa
prédication. Homme de désir, Jean Baptiste reste patient. Il est la voix qui
indique le Verbe. Jamais il ne se confond avec celui qu’il annonce et qu’il
attend.
Jean appelle à le rejoindre au désert pour entendre la voix qui invite à
préparer les chemins du Seigner. La symbolique biblique du désert est double.
Le désert symbolise certes la désolation, le risque de mort. Mais il est aussi
le lieu où, précisément parce que l’homme s’y sent petit et démuni, il peut y
faire l’expérience de l’intimité avec Dieu. C’est cette expérience-là qui est
proposée par Jean. Mais pour rencontrer le Christ, il ne s’agira plus de faire
des milliers de kilomètres, ni de se vêtir de poils de chameau et de manger des
sauterelles, il s’agira de « faire désert » : de se débarrasser des artifices,
de retourner à l’essentiel, bref de se convertir. Préparer la venue du Sauveur,
c’est nous préparer pour que sa parole porte du fruit en nous.
AMEN.
Michel
Steinmetz
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