Dans les récents débats de
société qui ont agité notre pays autour de la famille et du mariage, comme
autour des questions abordées par le récent synode à Rome et leur
retentissement médiatique, beaucoup ont voulu donner une image catholique de la
famille. Or cette image ressemble souvent à une image d’Epinal. A regarder
précisément la situation de la famille de Jésus, Marie et Joseph, on ne peut
dire qu’une seule chose : cette cellule familiale est atypique. Le père n’est
pas le vrai père, la mère est restée vierge ; l’enfant est divin et conçu
hors mariage. Cette famille ne rentre dans aucun critère de bien-pensant. Et pourtant rappelez-vous l’oraison du début
de la messe : la Sainte Famille est présentée comme un modèle pour les familles
chrétiennes. C’est que l’idéal pour Dieu
n’est pas toujours le même que l’idéal pour nous.
Voyez par exemple pour la
vie conjugale. Il y a des couples sans
enfants et il y a des enfants arrivés par surprise. Et il y a beaucoup d’autres situations
difficiles. Toutes ces situations
sont-elles des échecs par rapport à l’idéal que, nous, les humains, avons de la
vie ? Pour Dieu, il n’y a pas d’échec, il n’y a que le risque d’un refus d’amour. Tous ceux qui vivent dans ces situations
difficiles sont vivants devant Dieu et peuvent accéder au bonheur qu’il veut
nous donner. Essayons d’approcher ce
mystère.
Joseph est le père
nourricier. Il est celui qui permet aux
autres de vivre, pas seulement par l’argent de son travail, mais aussi par la
discrétion de sa vie. Le monde actuel
exalte les héros qui prennent de la place.
Le monde du travail pousse chacun à se développer à prendre toujours
plus de place, quitte à écraser les autres.
Et il y a des personnes qui, par leur discrétion et leur dévouement,
permettent à d’autres de vivre, de respirer.
Joseph permet aux autres de vivre.
Marie donne la
vie. Parce qu’elle renonce à tous ses projets.
Elle pensait vivre heureuse avec Joseph. La voici bousculée de Bethléem
en Egypte et d’Egypte à Nazareth. Son fils courra les chemins et annoncera des
choses tellement révoltantes qu’il sera condamné à mort. Marie donne la vie parce qu’elle renonce à
ses projets de vie familiale et qu’elle est disponible au plan de Dieu.
Jésus est la vie parce que c’est lui qui
crée le monde et la vie humaine. Il est
aussi la vie parce qu’il renonce à lui-même et se sacrifie pour nous. Jamais le pardon ne serait possible si on ne
renonce pas à son propre orgueil, à ses propres rancunes, à son
amour-propre. C’est dans le sacrifice de
soi que Jésus nous redonne la vie, qu’il peut ressusciter et nous ressusciter.
La Sainte Famille est à la
fois comme toutes les autres et pourtant spécifique en raison de sa vocation
particulière dans le dessein de Dieu. Elle est un modèle :
- car
elle place au cœur de son projet l’ouverture à la vie et la croissance de l’enfant
– la finale de l’évangile nous le rappelait.
- elle
est fondée dans le renoncement de sa propre volonté pour servir le projet de
Dieu : l’enfant n’est pas en elle le produit de la volonté de ses parents,
ou pas ; il est un don reçu comme tel.
- elle
s’inscrit dans une claire différence sexuée : il y a bel et bien un père
et une mère ; Jésus a voulu naître et grandir au sein d’une telle famille
humaine, être élevé et éduqué dans cette complémentarité d’amour.
- la
Sainte Famille est enfin le lieu de la miséricorde : Marie accepte son
destin de servante du Seigneur et s’en remet à la foi de son futur époux ;
Joseph dépasse, lui, les sentiments humains bien légitimes de trahison et de fierté
pour accepter ce qu’il ne peut comprendre.
AMEN
Michel
Steinmetz †
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