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dimanche 13 décembre 2009

Notice à paraître in "Caecilia" N°1/2010 sur la place de la Parole de Dieu dans la célébration pénitentielle




Parole de Dieu et liturgie pénitentielle

Il ne s’agit pas, dans le présent article, de s’intéresser à une forme particulière de liturgie pénitentielle (rite pénitentiel de la célébration eucharistique, sacrement du Pardon,…) mais à la dimension pénitentielle en général de la liturgie dans la diversité de ses formes de célébration. Ainsi, nous serons amenés à nous centrer sur la Parole de Dieu en ce qu’elle est parole efficace de guérison et appel à la conversion ainsi qu’au pardon.

Nous aurions avantage à donner une dimension pénitentielle à toute l’existence chrétienne et non à la limiter à quelques moments dits de « pénitence ». Car, dans ce contexte, la pénitence y apparaît comme une exception, un état anormal de la vie. Toute la vie est pénitentielle, car le péché marque notre condition humaine et jamais nous n’en avons fini avec lui. Faire de la pénitence un acte extraordinaire serait d’affirmer dans les faits que le chrétien est un homme hors de la zone d’influence du péché, dans un état idéal de perfection et d’impeccabilité. D’où le sentiment de déchéance ressenti par des pécheurs pourtant contrits. La liturgie voit les choses de manière plus juste. En proposant à chaque rencontre cultuelle des actes de pénitence, elle veut dire cette continuité du péché et de la réconciliation. Certes, dans la discipline de l’Eglise, tous ces actes pénitentiels n’ont pas valeur sacramentelle : ainsi du rite pénitentiel au début de l’eucharistie. Mais il serait souhaitable qu’ils soient valorisés et qu’on leur reconnaisse, quelque soit leur portée et leur modalité de célébration, le sérieux d’une authentique réconciliation avec Dieu.
Dans ce cadre, il apparaît judicieux que les chrétiens découvrent la qualité réconciliatoire des actes de charité qui, au dire de l’Ecriture, « couvrent une multitude de péchés ». De même pour l’eucharistie. En donnant la vie à de nombreux actes pénitentiels tant de la vie que de la liturgie, on éviterait de mettre à part le signe sacramentel. Il aurait pleine valeur en lui-même.

Un enracinement biblique

Les cérémonies pénitentielles de l’ancien Israël constituaient essentiellement une liturgie de supplication. Mais supplier, c’était venir se mettre sous la protection de Yawhé pour échapper à un danger. Ce recours à Dieu s’exprimait à l’aide de divers gestes symboliques : on jeûnait, on se revêtait d’un sac, on se couchait dans la poussière, on pleurait… Ces différentes pratiques pénitentielles, empruntées aux rites funéraires, extériorisaient les sentiments de douleur éprouvés par un danger souvent ressenti comme un châtiment pour des fautes commises. Les gestes étaient fréquemment accompagnés de paroles, par lesquelles le peuple professait sa volonté de s’en remettre entièrement à Dieu. Il avouait aussi ses fautes et implorait le pardon de Dieu. Car peu importait l’énormité du péché : la porte du repentir restait toujours ouverte, et l’un des buts primordiaux de la célébration pénitentielle était de provoquer la conversion et de la manifester. L’oracle du salut ou la bénédiction finale annonçait alors au peuple que Yawhé lui pardonnait ses manquements et le prenait en charge. Fort de la grâce divine, le peuple devait se faire l’exécuteur actif des volontés divines ; mais, à travers ses travaux ou ses guerres, c’était Yawhé qui continuait sa création ou menait ses combats. C’était là un dogme capital pour la foi d’Israël : le peuple réconcilié demeurait le vecteur de l’action même de Dieu. Ces liturgies pénitentielles étaient avant tout un effort visant à faire vibrer les cœurs au diapason de Dieu. Et c’est encore dans son union à Dieu qu’Israël retrouvait la force pour affronter les dangers. C’est avec un cœur nouveau, et soutenu par une alliance renouvelée, que l’Israélite affrontait, au sortir du temple, les dures réalités de la vie qui l’avaient amené à se rendre, avec ses frères, aux pieds de Yawhé.

Une expérience pascale du salut

La réalité multiforme du salut est exprimée dans le Nouveau Testament par une panoplie de vocables qui en déploient la richesse : libération, délivrance, rachat, guérison, victoire, vie, paix, Royaume, justification, rémission des péchés, rédemption, grâce…[1] Un des termes est celui de réconciliation. Il est propre à Paul qui l’emploie, notamment dans la Lettre aux Romains, pour préciser l’état de l’homme déjà croyant et baptisés mais dans l’attente du retour du Christ. Les évangélistes Luc, Matthieu et Marc soulignent tout autant, pour leur part, l’initiative de Dieu, mais ils l’expriment en employant le vocabulaire du Royaume auquel Dieu convie ; pour y entrer, les hommes ont à se convertir, à changer de vie. C’est le mot grec : metanoien. Dieu offre aux hommes la possibilité de se convertir et de recevoir le Royaume ; c’est la chance à saisir ! Le salut ainsi offert en Christ est une participation à sa victoire, qui fait changer de camp ceux qui se fient en lui. Si nous sommes encore marqués par les forces du péché et de la mort, nous savons qu’elles n’ont plus le dernier mot. Ce qui a changé depuis la résurrection de Jésus, c’est précisément la victoire de Dieu sur ce qui peut nous détourner de lui. Et la liturgie nous place dans l’expérience sensible et tangible de cette réalité de salut par des rites, sacramentels ou non, par l’écoute de la Parole qui sauve.

Le pouvoir de guérison de la Parole de Dieu [2]

Depuis une quarantaine d’années, les églises occidentales ont commencé à apprendre les unes des autres, et l’orient, même s’il a légué un patrimoine considérable à l’occident a aussi beaucoup à recevoir de lui. En effet, un domaine spécifique, où nous avons appris des communautés issues de la Réforme, concerne la place centrale de la Parole de Dieu dans tout acte de culte. Ceci inclut bien évidemment la pénitence. En Jean 15, 3, Jésus dit : « Purifiés, vous l’êtes déjà, par la parole que je vous ai dite ». Depuis ce temps-là, les liturgies et les commentateurs en orient comme en occident n’ont cessé d’affirmer le pouvoir de guérison de la Parole de Dieu. En baisant l’évangéliaire à la messe, le prêtre dit d’ailleurs : « Per evangelica dicta deleantur nostra delicta » (Que, par les paroles de l’Evangile, nos péchés soient effacés). Ce thème a retenu l’attention de la théologie catholique dans les années 1970, alors qu’elle retrouvait cet aspect de sa tradition grâce aux chrétiens de la Réforme, mais il est dommage de constater que cette attention s’est depuis estompée.
Comme le rappelait la Constitution sur la sainte Liturgie de Vatican II, à propos des modalités de présence du Christ à son peuple :
« Le Christ est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les saintes Ecritures… »[3],
il importe de bien comprendre que le Seigneur agit véritablement par cette parole efficace et vivante.

Laisser résonner les appels de l’Evangile

Si, entre deux personnes, la rupture peut être le fait de l’un ou de l’autre, leur réconciliation supposera toujours d’être le fruit de la volonté assumée de deux protagonistes. C’est un peu la même chose avec Dieu, à la différence fondamentale près que Dieu ne prend jamais l’initiative de la rupture : celle-ci viendra toujours de l’homme qui pèche. Comme dans la parabole du Fils prodigue (Lc 15, 11-24), Dieu attend notre retour et l’accueille avec joie et bonté. On pourrait dire que l’œuvre de réconciliation suppose un dialogue – non une négociation ! – et que la Parole de Dieu elle-même est invitation dialogale au sens où, annoncée et proclamée, elle suscite et appelle une réponse : confessante, liturgique et éthique. La Parole de Dieu, « plus pénétrante qu’un glaive à deux tranchants » (He 4, 12) pousse à la conversion et au retournement du cœur.
« Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et fait germer, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim, ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche : elle ne revient pas à moi sans effet, sans avoir fait ce que je désire, sans avoir réalisé ce pour quoi je l’ai envoyée » (Isaïe 55,10-11)
La deuxième orientation du Rituel de la Pénitence, partiellement honorée seulement, demande qu’une lecture de l’Ecriture trouve sa place dans la célébration du sacrement du Pardon[4], y compris dans les confessions individuelles. Ce rapport à la Parole de Dieu est essentiel à la qualité de la vie chrétienne. La Parole intervient de deux façons : elle est annonce d’un Dieu qui pardonne, elle fait retentir les appels de l’Evangile. Mais elle est aussi la source d’un examen de conscience ; le chrétien n’est pas celui qui conforme sa vie aux exigences d’une loi mais en fait une réponse naturelle, logique, gratuite à un amour pardonnant.

Dans un monde souvent écrasé par le poids du mal, que des chrétiens se disent leur espérance et la célèbrent, qu’ils mettent en commun leur démarche de réconciliation commencées au creux de leur existence, voilà qui devrait être mieux qu’une célébration, une reconnaissance. La pénitence est essentiellement action de grâce. Elle est le signe visible de l’espérance. Elle est parole eschatologique, car elle dit un Royaume toujours déjà là et encore à venir. Toujours attendu. « Célébrer la pénitence, c’est célébrer l’espérance. »[5]


[1] On pourra se reporter à Paul de Clerck, « Le salut, ou la réconciliation et ses réalisations sacramentelles », LMD 172, 1987, p. 33-36.
[2] Cf. Robert Taft, « La Pénitence aujourd’hui, état de recherche », LMD 171, 198, p 27 sq.
[3] Vatican II, Sacrosanctum Concilium, 7.
[4] Cf. Philippe Beguerie, « La vie du sacrement », in Le sacrement du Pardon entre hier et aujourd’hui, Paris : Desclée liturgie, p. 183 sq.
[5] Gérard Defois, « Célébrer la réconciliation », in Le sacrement de Réconciliation, ISPC, Paris : Fayard-Mame, 1971, p. 173.

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