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dimanche 13 décembre 2009

Homélie à l'occasion de la messe d'action de grâce avec la commuanuté des Soeurs Trappistines de Notre-Dame d'Altbronn - 22 novembre 2009

Avant leur départ de l'Abbaye, le jeudi 3 décembre 2009, les Soeurs Trappistines avaient souhaité rendre grâce avec la communauté paroissiale pour leur 114 années de présence au coeur du village.
L’Eglise nous invite aujourd’hui à faire mémoire et à fêter le Christ, Roi de l’Univers. Alors que Pie XI avait instauré cette célébration en 1925, en une époque où le catholicisme devait s’imposer en réaction à une société qui cherchait à réduire son influence à la sphère privée, la réforme liturgique l’a judicieusement déplacée au dernier dimanche de l’année liturgique, nous offrant ainsi une prodigieuse leçon de théologie. Leçon sur notre manière même d’envisager l’Histoire des hommes à la lumière du temps de Dieu.
Mais voici que cette fête est aussi pour nous l’occasion d’une action de grâce. Au terme de quasiment jour pour jour, 114 années de présence ici à Ergersheim, l’histoire de votre communauté, mes Sœurs, s’écrira bientôt ailleurs mais toujours avec le même idéal et la ferme volonté de rester fidèle à votre règle de vie monastique. Car votre communauté est directement issue du retour à la stricte observance dans l’ordre cistercien et du mouvement spirituel qui préserva l’ordre suite à la Révolution française au début du XIXème siècle autour de Dom Augustin de Lestranges. Commençait alors un long exode à travers l’Europe jusqu’en Russie avant qu’il ne se terminât par un heureux retour en France. Retour marqué par une expérience forte et déterminante d’un absolutisme évangélique. Voilà que votre communauté s’installait à l’Oelenberg d’où une centaine de sœurs gagnèrent ensuite Ergersheim. Elles furent accueillies ici même le 6 décembre 1895, à la Saint-Nicolas, jour de la fête patronale. 114 ans plus tard, l’exode qui marque votre origine se poursuit vers Baumgarten : là vous y serez appelées, plus encore, à vous consacrer à la prière dans le silence, le retrait du monde, déchargées du poids de locaux trop grands et maintenant inadaptés à vos besoins et aux principes de votre vocation.
Fêter le Christ-Roi et rendre grâce avec vous, c’est à la fois envisager ensemble notre vie chrétienne à l’horizon du plan de salut de Dieu qui se déploie dans l’histoire humaine jusqu’à la consommation des temps, et nous laisser renouveler par le témoignage discret et caché de votre vie monastique.

Un Christ, roi et pauvre

Aux yeux des hommes précisément, Jésus n’a rien d’un roi : il n’a ni palais, ni armée, ni même couronne. Il aura bien pour palais son tombeau ; il aura bien pour armée ses disciples qui porteront au monde sa Bonne Nouvelle avec pour seules armes celles de la charité ; il portera bien une couronne, une seule et unique, celle d’épines ! La gloire de notre Messie est inséparable de sa Croix. C’est là qu’elle perd, du même coup, toute ambiguïté. La royauté que Jésus revendique indirectement se distingue profondément de celle dont les visées et les moyens sont du ressort du monde ; sa royauté à lui n’a pas besoin de la force et des procédés habituels de l’action politique, il la tient de Dieu. Jésus répond à Pilate : « C’est toi qui dis que je suis Roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ». Selon la volonté du Père, cette royauté-là n’utilisera pas la violence, elle se réalisera par l’accueil de la vérité de Dieu qui se manifeste en Lui, le Verbe incarné.
Votre vocation au cœur de l’Eglise, mes Sœurs, nous rappelle combien le silence et la solitude permettent l’accueil de cette Parole. Notre monde ne sait plus vivre sans bruit, sans bruit de fond continuel, au point que le silence fait peur. Sa vertu est incomprise : loin d’être absence, il est au contraire lieu de la présence, il est espace où nous laissons Dieu faire entendre sa voix.

Un Christ dont nous ne cessons d’attendre le Règne

Depuis les débuts de l’Alliance, Israël chante la royauté de Dieu. On sait que lui seul est roi depuis l’aube du monde et que sa domination sur les êtres est éternelle. « Dès l’origine, ton trône tient bon, depuis toujours tu es », chantions-nous avec le psalmiste. C’est une royauté de droit, mais non de fait. Nous ne le savons que trop bien, à regarder autour de nous. Il n’en demeure pas moins que l’attente de cette royauté est au cœur de la foi d’Israël qui ne désespère jamais et continue, quoi qu’il arrive, d’attendre avec impatience et ferveur celui qui instaurera sur terre ce royaume et que l’on appelle Messie. Jésus lui-même sera à maintes reprises presser de procéder à cette instauration : il sera en proie à l’incompréhension de plusieurs de ses disciples qui voyaient en lui un messie politique, un révolutionnaire patenté comme eux qui bouterait hors des frontières de la Palestine l’occupant romain. Pourtant, en Jésus, le Règne de Dieu est bel et bien inauguré. En lui, la seigneurie divine est instaurée. Mais ce Royaume-là est profondément ancré dans la tension entre un « déjà-là » et un « encore-à-venir ».
Vous, mes Sœurs, par votre vie de veille et de prière, vous nous rappelez l’exigence évangélique de nous tenir prêts pour le retour du Fils de l’Homme, « car Dieu seul connaît le jour et l’heure ». Votre fidélité communautaire à la prière est un aiguillon pour la nôtre, en même temps que nous savons que votre prière englobe et porte tous ceux que les soucis du monde accaparent.

Un Christ qui bouleverse notre vision de l’Histoire

La fête liturgique de ce jour nous invite à contempler le Christ-Seigneur dans sa gloire à la fin des temps, lorsque, enfin, toutes choses pourront être fondées et établies à jamais en Dieu. Alors ce jour-là, le plus beau jour de l’Histoire, qui sera aussi le dernier, tout sera récapitulé dans le Christ, c’est-à-dire que tout sera placé et inféodé à l’unique tête qui est précisément le Christ, alors ce Christ pourra remettre tout le corps que nous formons avec lui au Père « pour un règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d’amour et de paix » (préface). Ce jour, « Dieu sera tout en tous ». Si bien souvent, nous sommes tentés de ramener l’histoire de notre monde à notre échelle, à ce que nous pouvons en appréhender comme pour mieux la posséder et la dominer, aujourd’hui la perspective s’élargit génialement aux mesures de l’infini. Malgré tout, Dieu ne cesse de réaliser son œuvre ; son Royaume ne cesse de progresser ; notre histoire humaine ne va pas à vau l’eau : elle a un sens et un avenir. Elle est espérance.
Votre vie de détachement des choses de ce monde, mes Sœurs, est pour un rappel de cette réalité. Bien sûr, vous ne vivez pas hors du monde. Pour nous porter dans la prière, vous demeurez intéressées à ce qui fait la vie des hommes ; mais plus fondamentalement cette réalité mondaine demeure secondaire. Déjà vous vous engagez dans la vie monastique au service d’une réalité supérieure, celle du Royaume des Cieux, réalité qui vous a fait tout quitter par amour du Christ, votre seul et unique bien.

Pour toutes ces raisons, nous rendons grâce avec vous et pour vous ! Que votre fidélité accrue à votre vocation spécifique au cœur de l’Eglise dans le respect de votre règle de vie demeure pour tous un témoignage. Que ce témoignage fasse signe qu’il est déjà au milieu de nous, le temps de Dieu, le Règne de son Christ !


AMEN.

Michel Steinmetz †


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