Le temps du carême dans lequel nous sommes entrés est un temps de
conversion. Temps de conversion pour l’Église tout entière, temps de conversion pour chacun et chacune
d’entre nous qui allons être invités à renouveler les promesses de notre
baptême au moment de la célébration de Pâques. Ce n’est pas parce que ce temps
de conversion nous est proposé chaque année qu’il nous faut l’aborder d’une
façon désabusée devant les échecs que nous avons pu encourir dans les années
passées, comme si, puisque nous n’avons pas encore réussi à devenir des saints,
il valait mieux renoncer à emporter le projet et accepter finalement de finir
notre vie dans la médiocrité.
La miséricorde de Dieu s’est manifestée à l’égard du peuple élu quand il
l’a conduit à travers le désert pour le mener à la Terre promise. Dans
l’Écriture, ce cheminement du désert est exprimé sur une période de quarante
ans. Le temps des tentations de Jésus au désert est chiffré à quarante jours,
précisément pour nous indiquer qu’à travers l’épreuve du Christ, c’est comme un
nouvel exode qui nous est proposé, une nouvelle occasion après celle qu’avait
connue Israël, de passer de l’esclavage à la liberté.
Le récit des tentations de Jésus au désert ne manque jamais de provoquer
chez nous des réflexions, tellement nous avons répugnance à imaginer que Jésus,
le Fils de Dieu, ait pu être réellement tenté. La tentation, on s’imagine que
l’on sait ce que c’est parce que de temps en temps, on a envie de faire quelque
chose qui n’est pas bien et que cela nous coûte un peu de ne pas le faire !
Mais finalement, ce genre de tentation qui traverse chacune de nos existences
est une tentation morale qui ne touche pas encore au cœur du drame dont le
Christ est le principal acteur. Les tentations du Christ ne sont pas de cet
ordre-là, et nous avons bien raison de penser que ce n’est pas sous cette forme
qu’il éprouve la tentation. Comme l’Écriture l’atteste, les tentations qu’il
éprouve se présentent sous la forme d’un choc frontal avec le Diable,
c’est-à-dire avec l’esprit du mal alors que Luc se plaît à préciser que Jésus,
lui, est « rempli de l’Esprit » de Dieu. C’est ce choc qui est
l’enjeu, non seulement de la mission de Jésus pour laquelle il a reçu l’Esprit
Saint et qui l’a envoyé dans cette épreuve au désert, mais encore pour l’humanité
tout entière, car de la façon dont Jésus va faire face dans cette confrontation
dépend ce que l’humanité va devenir.
Dans le récit de l’Évangile, à chacune des tentations auxquelles il est
confronté, Jésus répond en citant la Parole de Dieu, y compris à la dernière où
le diable, n’ayant pas eu gain de cause, pour les deux précédentes, se sert
lui-même de la Parole de Dieu en la détournant à son profit. Bien sûr, Jésus
avait par lui-même suffisamment de moyens et de capacités d’entrer dans une
discussion, peut-être de convaincre, en tout cas d’imaginer qu’il pouvait
convaincre. Quand nous sommes tentés, nous imaginons qu’on peut s’en sortir à
condition de discuter, d’opposer des arguments, de convaincre ou de nous
convaincre qu’il faut faire autrement. Mais l’expérience nous montre bien que
de ce genre d’exercice, nous ne sortons jamais vainqueur. Car nous discutons de
bonne foi avec des arguments de raison face à un interlocuteur qui n’est pas
dans la bonne foi et qui ne s’appuie pas sur la raison ! Ainsi donc, toute
notre argumentation peut éventuellement nous intéresser, mais elle est vouée à
l’échec ! C’est pourquoi, quand nous sommes confrontés au mal, nous ne sommes
pas invités à le déconstruire mais à nous en détourner. On ne peut ni
s’accommoder du mal, ni négocier avec lui. La seule façon de nous en détourner,
comme Jésus nous le montre dans l’évangile, c’est de nous appuyer sur la Parole
de Dieu lui-même. Ce n’est pas l’homme qui vient à bout du démon, c’est Dieu
qui vient à bout du démon.
Que la Parole de Dieu que nous recevons régulièrement, que nous pouvons
méditer, dont nous possédons des bribes plus ou moins importantes présentes à
notre mémoire, soit le fer de lance de ce combat pour la conversion qui nous
conduira à renouveler l’engagement de notre baptême.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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