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samedi 9 juin 2007

Homélie de la Fête-Dieu - 10 juin 2007


« Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu Très-Haut. ». Genèse 14, 18

La Fête-Dieu… Un peu curieux comme nom, ne trouvez-vous pas ? Il nous faudrait faire la fête à Dieu, faire la fête pour Dieu. Mais Dieu a-t-il besoin de nos fêtes ? Et que faisons-nous quand nous nous retrouvons à chaque fois que nous célébrons son eucharistie ? N’est-ce pas précisément une « fête » puisqu’ « eucharistie » signifie « action de grâce » ? Ne célébrons-nous pas déjà d’une manière toute particulière le mystère de l’eucharistie au soir du Jeudi-saint, alors que nous commémorons son institution ?
Quand nous communions au corps du Christ, nous ne recevons pas qu’un signe, aussi fort soit-il, de sa présence, nous le touchons véritablement, lui, Jésus, homme et Dieu à la fois. Communier, c’est recevoir et participer à la fois. Recevoir parce que nous faisons là l’expérience d’un don et participer parce que dans la matérialité de l’eucharistie, par l’apport du pain et du vin, et par sa célébration, nous nous unissons au sacrifice de louange du Christ.
La figure énigmatique de Melkisédek nous permet sans doute de mieux comprendre ce que nous faisons quand nous demeurons fidèles à l’ordre du Seigneur : « Faites cela en mémoire de moi » ;

I.- La rencontre avec Melkisédek.

Melkisédek, roi de Shalem, vient saluer Abraham alors qu’il n’est pas cité parmi les rois qui se sont affrontés au cours cette guerre. Son nom est formé à partir de ‘mélekh’, roi, et de ‘tsédeq’, justice, et peut se comprendre comme ‘Roi de justice’ ou ‘Mon roi est juste’. Ce roi, dont la Bible précise qu’il n’a ni père, ni mère, ni aucune généalogie, règne sur Shalem, un nom de lieu formé sur la racine hébraïque qui a donné ‘shalom’, la paix, racine qui figure aussi dans le nom de Jérusalem, la ville que David choisira comme capitale d’Israël ; la tradition juive a, par la suite, identifié Shalem à Jérusalem (cf. Psaume 76). Melkisédek, roi de justice et de paix, accueille Abraham et lui offre un repas de pain et de vin. Peut-être ce repas a-t-il un caractère religieux puisque la mention du pain et du vin est suivie par une précision concernant Melkisédek : Il était prêtre de Dieu, le Très-Haut. C’est la première fois depuis le début de la Genèse, donc la première fois dans la Bible, qu’un prêtre est nommé. Le prêtre Melkisédek bénit Abraham en disant : « Béni soit Abraham par le Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre ! Béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains ! ».
La première invocation appelle sur Abraham la bénédiction du Dieu Très-Haut, créateur du ciel et de la terre ; elle demande donc que le patriarche soit comblé des bienfaits de Dieu. La seconde bénédiction est adressée à Dieu et bénir Dieu est une manière de le louer : Melkisédek loue Dieu d’avoir agi en faveur d’Abraham, de lui avoir donné la victoire contre ses adversaires.

II. – Le Dieu d’Abraham et le Dieu de Melkisédek.

Melkisédek est à la fois roi et prêtre, ce qui était fréquent dans l’Antiquité : les Pharaons, les souverains de Babylone, les premiers rois d’Israël parfois, exerçaient ces deux fonctions. Cependant Melkisédek est prêtre d’un dieu différent de celui des peuples qui l’entourent. Le nom du dieu de Melkisédek est (14, 19) ‘El Elyon’, le Dieu Très- Haut. Son nom implique qu’il n’est pas lié à un lieu, à une communauté, mais que c’est un Dieu d’une grandeur qui dépasse les petits dieux locaux. C’est le Dieu transcendant. De plus, ce Dieu est créateur du ciel et de la terre. Il n’est pas comme la lune ou le soleil un élément de la nature, du monde créé ; au contraire il a, Lui, créé l’univers visible et invisible, il est au dessus, au-delà de l’univers, du cosmos.
Ce Dieu est non seulement créateur et maître de la nature, il intervient aussi dans l’existence des hommes : Melkisédek le loue pour avoir donné la victoire à Abraham, comme il le dit à ce dernier « Lui qui a livré tes adversaires entre tes mains ! », il reconnaît en Dieu celui qui a accordé la victoire au patriarche. Ce Dieu est donc maître de l’histoire. La prière que Melkisédek adresse à Dieu est une prière de bénédiction : il bénit Dieu pour ses bienfaits, autrement dit il le loue ; il bénit les hommes c'est-à-dire qu’il demande à Dieu de leur accorder ses bienfaits ou qu’il reconnaît en eux l’oeuvre de Dieu en marche.
Abraham connaît le nom YHWH (que nous rendons par le Seigneur) : à Béthel il lui a élevé un autel et il l’a invoqué par son nom et il a fait de même aux chênes de Mamré, près d’Hébron. En écoutant Melkisédek, il a compris que le Dieu du roi et prêtre de Shalem était aussi son Dieu, le Dieu qui l’avait appelé et mis en route, le Dieu qui était intervenu en sa faveur en Egypte puis dans son combat récent contre les rois coalisés.

Quand il choisit de dire, après la consécration, la première Prière Eucharistique, comme ce sera le cas en cette fête, le prêtre qui célèbre présente à Dieu le sacrifice en disant : « Et comme il t’a plu d’accueillir les présents d’Abel le Juste, le sacrifice de notre père Abraham et celui que t’offrit Melchisédek ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait, regarde cette offrande avec amour et, dans ta bienveillance, accepte-la… ». Nous sommes ainsi invités à nous souvenir des hommes qui ont été des ‘figures’ du Christ, et en particulier de Melchisédek que nous avons rencontré aujourd’hui ; ces hommes ont annoncé, de manière voilée, le sacrifice de Jésus Christ, l’unique sacrifice qui est actualisé, rendu présent, quand nous célébrons la messe, le sacrifice parfait qui achève et dépasse tous les sacrifices de la Première Alliance.

Jésus est prêtre à la manière de Melkisédek, disions-nous dans le psaume, mais il est prêtre à jamais. En offrant le pain et le vin, il annonce sa mort et sa résurrection, il nous appelle à « faire cela en mémoire » de lui, jusqu’à ce qu’il revienne pour vivre de sa présence. Jésus est roi de justice et de paix. Jésus n’appelle pas sur nous la bénédiction de Dieu : il est lui-même bénédiction de Dieu pour nous acquise et définitivement donnée. C’est lui que nous tenons en nos mains quand nous communions.

AMEN.

+ Michel Steinmetz.

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