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samedi 7 mars 2020

Homélie du Mercredi des Cendres - 26 février 2020

« Retire-toi dans ta pièce la plus retirée ». Quelle sorte de Carême allons-nous vivre ? Sera-t-il un Carême de « retrait » ? Mais alors retrait de quoi ? Du monde tel que nous le voyons et que nous le percevons peut-être comme insupportable ? De la société si peu apte, à notre goût, à servir l’homme ? De l’Eglise dont on doute de sa sainteté ? De nos familles mêmes ? Et si retrait il y a, pourquoi ? Pour nous préserver, nous protéger, nous réfugier ? Pour vivre un Carême comme une autruche, c’est-à-dire en enfouissant sa tête dans le sable ? Voire en guise de réflexe identitaire, telle celui d’une tribu menacée ? Retrait qui, alors, s’accompagnerait d’un raidissement tout azimut.
 
Au contraire, ce Carême devra avoir des allures de « sortie » dans une ouverture à l’autre, aux autres, et évidemment d’abord à Dieu. Car lui seul permet de poser sur moi et sur les autres un regard miséricordieux, valorisant et aimant. Son regard n’est en rien laxiste ou libertaire, il ne dissimule pas la vérité du voile pudique de la honte ou de la bien-pensance. Il n’est pas plus celui qui prendrait plaisir à nous prendre en défaut. Ce regard de Dieu sur nous et sur les autres nous impose de rejeter les étiquettes qui collent à la peau, avec leur lot de rengaines qui enferment et condamnent : « il/elle ne changer jamais ! », « c’est un bon à rien ! », « on n’en fera jamais quelque chose ! ». Kyrielle de condamnations et qui sont contraires l’agir de Dieu. Pas de retrait donc, mais une sortie. Pour voir les autres, il faut aller vers eux ; pour nous voir nous-mêmes, à la fois tels que nous sommes ou tels que Dieu nous désire, il nous faut prendre de la distance.
 
Il convient, dans ce Carême qui, aujourd’hui, s’ouvre à nous de revenir au Seigneur, et, revenant à Lui, de ne pas nous focaliser sur notre péché. Entendons-nous bien : le péché est détestable. Il nous enlaidit et il faut le fuir. Une fois que cela est dit, pourtant, rien n’est dit. Fuir le péché, certes, mais pour aller où ? Nous perdre dans notre introspection qui ne fera toujours plus que mettre au jour nos petitesses, nos infidélités, nos bassesses ? C’est en ce sens qu’il ne faut nous focaliser sur notre péché. Tel un virus (chinois ?), il prolifère, nous atteint et finit par se transmettre en atteignant les autres. Nous connaissons bien sa capacité de nuisance et de putréfaction. Il faut donc aller à l’antidote, revenir au Seigneur et refaire sa rencontre. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le sacrement du Pardon et de la Réconciliation – que nous pourrons peut-être redécouvrir d’ici Pâques – invite le pénitent à ce double mouvement inséparable : confesser l’amour de Dieu en même temps que notre péché. Car l’amour de Dieu est le seul point de référence.
 
 
Quand il s’agit de « se » rencontrer par la médiation symbolique de la liturgie, disons-le clairement, il ne s’agit pas de faire œuvre d’introspection au seul psychologique du terme. Le croyant qui consent à un tel mouvement va la rencontre de celui qui est plus intime à lui-même que lui-même: « « En suivant le sens de la chair, c’est toi que je cherchais !  Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même. Tu autem eras interior intimo meo et superior summo meo ! » [1] Augustin le désigne comme  le Maître intérieur.[2] Il faut se retirer, mais pour trouver celui qui est déjà là et que la vie, avec son lot de souffrances, de soucis ou de difficultés à croire, nous a fait oublier, ne plus voir, ne plus entendre. Le retrait n’aura rien d’une fuite en avant, toujours vaine, car nous traînons nos démons avec nous.
 
Ce Carême sera le « moment favorable », celui du rendez-vous galant, amoureux avec Dieu. Et nous nous y apprêterons ; ce sera l’occasion d’une fête, celles de nos retrouvailles, et donc de notre renaissance. Prenez rendez-vous et, dès aujourd’hui, prenez date ! A vos agendas !
 
Michel Steinmetz   


[1] Augustin, Confessions, III, 6, 11.
[2] Cf. Augustin, Homélies sur la première épître de saint Jean III, 13, BA 76, p.177-179 : « Car vous voyez là, mes frères, un grand mystère. Le son de nos paroles frappe les oreilles ; le maître est à l’intérieur. Ne croyez pas qu’un homme puisse apprendre quelque chose d’un autre homme. Nous pouvons vous avertir en faisant du vacarme avec notre voix ; s’il n’y a pas à l’intérieur quelqu’un pour vous instruire, c’est en vain que nous faisons du bruit. »

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