A y regarder de près, l’annonce que fait Jésus de son mystère pascal conserve un
caractère quasi-secret : seuls ses disciples sont mis dans la confidence.
C’est, dans l’évangile de Marc la deuxième annonce de sa Passion. Jésus
traverse la Galilée mais ne souhaite pas qu’on le sache car, déjà, l’issue
tragique de sa mission commence à se dessiner. Le Christ est en proie à
l’incompréhension de beaucoup, y compris des siens. L’entrée à Jérusalem est
proche et il devient capital que les disciples entrent dans la compréhension de
ce qui va advenir. Rien n’y fait cependant. Car pour comprendre un tant soit
peu ce qui signifie la mort et la résurrection de Jésus au troisième jour, il
faut être dans l’intimité de Jésus, en communion spirituelle d’offrande avec
lui et d’ouverture à la volonté de Dieu. « Les disciples ne comprenaient
pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger ». Cette peur
s’explique sans doute par le caractère lourd et insécurisé de ces jours-là.
Alors plutôt que de s’attacher à la personne de Jésus, à essayer d’entrer dans
la profondeur de cette annonce, de la relire à la lumière de tout ce qu’ils ont
déjà vécu et de ce que dit l’Ecriture, les disciples préfèrent préparer
l’avenir. Sans le dire ouvertement, ils sentent que bientôt Jésus ne sera plus
là. C’est lui qui le dit. Il faut donc savoir qui reprendra les rennes. S’ils
avaient mieux compris à ce moment-là qui est véritablement le Christ – nous
revenons à la question de l’identité de Jésus posée dimanche dernier –, ils
auraient saisi que Jésus tire son pouvoir de l’offrande totale de lui-même à la
cause de Dieu, et non d’une fantasmagorique côte de popularité issue de ses
miracles. Est premier aux yeux de Dieu celui qui consent à s’abaisser comme
Jésus le fera, jusqu’à devenir le serviteur de tous. Est premier pour Dieu
celui qui accepte de renoncer à lui-même par amour.
Pour bien se faire comprendre, Jésus place au
milieu du groupe un enfant. « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme
celui-ci, c’est moi qu’il accueille ». Ce geste et cette phrase de Jésus nous
semble aujourd’hui bien sympathique et nous en recevons très volontiers la
leçon. Mais dans le contexte où Jésus a posé ce geste, il devait apparaître
comme déplacé et même choquant. En effet, dans l’Antiquité, l’enfant n’était
pas considéré pour ses qualités d’enfant mais uniquement comme futur adulte.
Dans ce geste de Jésus, ce sont bien les qualités de l’enfance que Jésus « met
au milieu », donne comme référence. Et non point seulement comme une petite
leçon de pédagogie nouvelle mais comme condition indispensable, incontournable,
pour prétendre accueillir Dieu dans sa vie. Accueillir Dieu, c’est-à-dire s’ouvrir
à ce qu’il attend de nous pour se laisser connaître.
Quelles sont ces qualités d’enfance que Jésus «
met au milieu » ? Elles ne sont pas citées ici mais on peut les identifier assez
facilement. Une qualité absolument essentielle est la capacité de confiance.
Pouvoir faire confiance est une condition essentielle pour grandir, tous les
pédagogues s’en accordent. C’est cette relation-là que Dieu veut avec nous, que
nous devons vouloir avec lui, et non une relation de soumission, de ritualisme,
de marchandage ou de partage de pouvoir. Car ce que Dieu a à nous offrir de
plus précieux, c’est de nous faire partager sa propre vie. C’est là, vous ne
conviendrez avec moi, une perspective plus intéressante encore qu’une
distribution de postes, même prestigieux ! Or l’accès et le partage du
pouvoir, voilà le lieu où ont l’air de se situer les disciples. Ils mettent la
charrue avant les bœufs. Le pouvoir est service, et le service n’est vécu que
dans l’imitation de Jésus. Tout découle de cela.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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