La question – fameuse – de Jésus à ses disciples est une question qui nous est renvoyée : « Pour vous, qui suis-je ? ». Les réponses étaient déjà variées et indécises du vivant de Jésus, elles l’ont été plus encore dans les premiers siècles du christianisme et jusqu’à nos jours : simple prophète adopté par Dieu, simple apparence humaine de la Parole divine, personnage tantôt homme, tantôt Dieu, pure nature divine pour en rester aux « classiques » parmi ce qu’on appelle les « hérésies » chrétiennes. Mais il y en eut bien d’autres où des dénominations et des concepts chrétiens, vite devenus incontournables, étaient simplement empruntés et plaqués sur des systèmes philosophico-religieux totalement étrangers et incompatibles dans leur fond au christianisme. Les polémiques sur l’identité du Christ ne sont pas terminées. Elles renaissent sans cesse, les unes procédant d’une honnête volonté de recherche, d’autres volontairement pernicieuses, s’exprimant sous forme d’ouvrages savants, de romans de gare ou de films à scandale. Le chrétien est là, comme le prophète Isaïe. Comme lui, il ne devrait ni se révolter, ni se dérober aux coups et quolibets de ses détracteurs. Il devrait être capable d’accueillir toutes les polémiques, même les plus injurieuses, sans condamner personne à mort mais en acceptant le débat.
Cette attitude d’ouverture ne signifie
cependant pas ouverture au relativisme ni au laxisme. Le serviteur de Dieu, le
disciple, est aussi celui qui ne se révolte ni ne se dérobe devant le contenu
et l’exigence de la Parole de Dieu. Il est celui qui écoute cette Parole pour s’en
instruire et pour en témoigner. En témoigner « valablement », car il
faut être prêt à rendre compte de sa foi comme au tribunal ; il faut être prêt
à s’avancer soi-même et dire : « comparaissons ensemble ! ». C’est le
deuxième pas que veut nous faire faire l’évangile. Il ne suffit pas de
rapporter des opinions ni d’y croire comme à une opinion. Jésus demande que l’on
s’implique, que l’on s’engage, personnellement, dans une relation personnelle.
Et entre Dieu et l’homme, cette relation personnelle est celle de la foi.
La foi ! L’épître de Jacques complète utilement
le tableau qui risquerait, sinon, d’être abstrait. La foi sans les œuvres est
une foi morte ! Non seulement la foi nous implique dans nos convictions, mais
elle implique que l’on agisse, d’une action qui soit un témoignage du Salut en
Christ et donc pas de n’importe quel acte de bienfaisance. Déjà la semaine
passée, les paroles de saint Jacques venaient fortement nous interpeller.
J’oserais dire : ce dimanche encore plus explicitement. Je suis persuadé
que chacun de vous a une idée plus ou moins arrêtée sur la question de
l’accueil des migrants. Ce mouvement ne va pas de soi, il interroge et
questionne le fonctionnement sclérosé et parfois injustes de nos institutions
étatiques. Je note aussi que l’on fait appel aux chrétiens considérés, pour le
coup, des auxiliaires sérieux. Le pape François a demandé à toutes les
paroisses et les communautés de se montrer accueillantes. J’en ai entendu qui
ont dit : « Qu’il se mêle de ce qui le regarde ! », ou lu d’autres
réactions stupides sur les réseaux sociaux. Personnellement je m’interroge.
Mais peut-on le faire encore longtemps, une fois qu’on a entendu l’épître de
Jacques ?
« Supposons
qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller,
ni de quoi manger tous
les jours ;
si l’un de vous leur dit :
‘Allez
en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim !’
sans
leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise
en œuvre, est bel et bien morte. »
Ne faudrait-il pas que nous, Alsaciens, nous nous rappelions que le 1er septembre 1939, près de 500.000
personnes issues des 550 villages alsaciens situés le long du Rhin, furent
évacuées en seulement 48 heures, emportant avec elles trente kilos d’effets par
personne. A leur arrivée en Dordogne, certains les traitèrent de « sales
boches », alors qu’elles étaient poussées à l’exil par la guerre et la
barbarie nazie. C’était il y a seulement 76 ans.
"La peur de l’islamisation de l’Europe
marque un déficit d’identité des chrétiens », a déclaré ces jours-ci
l’évêque de Fréjus-Toulon dont le propos n’a pas manqué d’être relayé par la
presse. Voilà pourquoi la question de l’identité du Christ est-elle aussi
importante maintenant que quand elle fut posée à Pierre. Répondons au Christ
comme et avec Pierre : « Tu es le Messie ».
AMEN.
Michel Steinmetz †
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