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samedi 21 mars 2015

Homélie du 5ème dimanche de Carême (B) - 22 mars 2015

Jésus était-il suicidaire ? Comprenez ma question : des Grecs cherchent à le voir. Ils s’adressent à Philippe, qui porte un nom grec lui aussi. Ce sont des Juifs de la diaspora venus à Jérusalem, la capitale du judaïsme, pour y adorer Dieu. Puisque Jésus sait la radicalité du rejet dont il est l’objet de la part des autorités, pourquoi ne part-il pas avec ces Grecs sympathisants, vers d’autres horizons, d’autres peuples, d’autres cultures, mieux disposés à son égard ?
 
 
Nous le voyons : Jésus choisit délibérément de rester. Son horizon n’est pas de recommencer ailleurs, il est de poursuivre jusqu’au bout, là où il se trouve et là où la perversion est la plus développée, son affrontement au mensonge, à l’imposture et à l’instrumentalisation de Dieu. Son attitude peut sembler suicidaire, elle vient en fait d’une confiance paradoxale en son message, en sa mission et dans la victoire de la vérité. S’il partait, il éviterait la mort mais il esquiverait une part essentielle de sa mission. Jésus n’est pas un lâche, il n’est pas un fuyard, il n’est pas non plus un passif résigné. Ce n’est pas par faiblesse qu’il reste, ce n’est pas une forme de capitulation. Il dévisage le mal et le combat sur son terrain, de toutes ses forces et par delà même l’échec apparent. Il n’a pas peur des oppositions, de la calomnie ni du mépris, et cela de la part même de ceux qui devraient l’accueillir et l’aider : les disciples de Moïse, ses frères selon la foi d’Abraham, le monde juif qui est le sien. En attendant, Jésus est pleinement lucide sur ce qui l’attend : l’injustice, l’humiliation, l’exclusion. Mais il a fait son choix. Ce choix passe par la mort mais il est celui de la vie : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. Oui, vraiment je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 23-24). Par sa mort, il va annoncer que l’alliance de Dieu avec les hommes n’est pas quelque chose d’extérieur à eux : elle sera désormais inscrite au cœur de leur humanité, au plus profond de leur cœur, comme une inclination naturelle. L’amour de Dieu sera à ce point manifesté quand il sera élevé de terre sur la croix que tous le verront et le connaîtront clairement.
 
 
Soyons honnête cependant : qui accepterait aujourd’hui que son chemin passe de cette manière par la mort ? Si je mesure mon comportement à celui de Jésus, je ne peux qu’être frappé de l’immense fossé qui me sépare de lui ! Je prends conscience par là, de la trempe exceptionnelle de cet homme, de son envergure spirituelle inégalée, de sa clairvoyance inouïe sur les vrais chemins de la vie et de sa connivence profonde avec Dieu. Sa Parole, son action, son désir profond sont tellement accordés à Dieu qu’il en est pleinement la manifestation. Il est Dieu manifesté, qui vit comme nous, sans aucunement s’échapper de notre condition, qui ne fait pas semblant d’être un homme, qui ne fait pas semblant d’être Dieu. Sa manière d’assumer son humanité dans la finitude et la particularité, la misère et la douleur, l’angoisse et la souffrance a quelque chose d’absolu. Il s’avance vers la mort, nullement suicidaire, nullement victime consentante, mais fidèle aux plus hautes valeurs de la vie. Même s’il a conscience que sa détermination a un sens, il a horreur de ce qu’il va subir et il éprouve l’angoisse de tout être humain devant la souffrance et la mort. Dans son désarroi, il s’adresse à son Père : « Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Père, délivre-moi de cette heure ! » (Jn 12, 27). Il aimerait échapper à la mort, il n’est nullement complice avec le mal qui va subir. Mais, parce que tout le mouvement de sa vie est de rejoindre ceux que détruit la mort, il va être « glorifié » pour qu’eux aussi reçoivent la gloire de Dieu en partage.
 
 
Quelle gloire ? Celle de l’amour vainqueur. Celle de la vie qui va se déployer, en lui et en ceux qui lui sont attachés. La gloire de communiquer à tous l’amour du Père qui renouvelle toute chose dans une nouvelle alliance et une nouvelle création, la Résurrection. La gloire de Dieu qui nous rejoint chacun et chacune, parce que Dieu nous désire. Saint Augustin le résumait avec une géniale fulgurance : « Je ne te chercherais pas si toi, Seigneur, tu ne m’avais déjà trouvé. » Le grain tombé en terre d’Israël a produit partout du fruit.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

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