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samedi 14 septembre 2013

Homélie du 24ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 15 septembre 2013


« Comme il approchait de la maison, il entendit de la musique et des danses… » Suivons de plus près la lettre de l’évangile : il entendit « la symphonie »… Comme il approchait… Approchons-nous donc, nous aussi, et, pour cela, tirons parti – bon parti – de la distance qui nous sépare encore de là-bas. Si nous avons bonne oreille, si nous avons fine et bienveillante l’oreille du cœur, il nous est bon d’être encore loin. Mettons donc notre oreille au clair en préservant, en corrigeant notre cœur des dissonances qu’y pourrait produire tout sentiment d’amertume, de colère et d’envie. Car rien ne servirait d’entendre de loin la symphonie si nous l’entendions d’une oreille acariâtre. Et la musique ? D’où vient-elle sinon du repas servi à l’intérieur de la maison et que le Père réserve à ses proches ? Cette musique, dans l’évangile, n’est autre que celle de la louange. Le repas n’est autre que celui qui annonce le Royaume et dont nos eucharisties sont ici le signe.

Il y a décidément du large dans cette histoire, de l’espace. À vrai dire il y en a trois. Il y a la distance qui sépare encore le fils aîné de la symphonie : comme il approchait, il entendit… Il y a la distance qui sépare encore le père de l’enfant qui revient : comme il était encore loin, son père le vit. Et puis bien sûr, pour commencer, il y a la distance – finalement positive – que l’enfant a mise entre son père et lui : « il partit dans une région lointaine ». Tout cela marche ensemble : retirez cette distance-ci, et les deux autres n’ont plus lieu d’être, et ce serait vraiment dommage pour les yeux, pour la joie des yeux, car il n’y aurait plus d’enfant à voir accourir ; dommage pour l’oreille, pour la joie de l’oreille, car il n’y aurait plus de symphonie à deviner de loin. Il n’y aurait plus toute cette histoire de Tendresse. La Tendresse (autre nom du père, naturellement), la Tendresse ne peut combler son bien-aimé qu’elle n’ait une certaine distance à couvrir pour le rejoindre ; cette distance ajoute à son mystère et lui est même essentielle, et vitale, car la Tendresse passe le plus clair de sa vie – jusqu’à la perdre – à couvrir cette distance. Mais aussi, dans l’autre sens, l’on ne saurait être comblé de tendresse, par la Tendresse même, que l’on n’ait soi-même une certaine distance à couvrir pour aller jusqu’à elle, comme on remonte à la source : et cette distance que nous couvrons à notre tour, que nous passons notre temps à couvrir et à recouvrir sans cesse (car nous ne cessons d’aller et de revenir) fait toute notre histoire. En tout état de cause, dans un sens comme dans l’autre, autrement dit de la Tendresse à nous comme de nous à elle, la distance n’est pas une fatalité, mais cet entre-deux où la grâce a lieu d’être : elle se mesure et s’évalue à l’aune de cette embrassade et de ce baiser profond qui l’annule en un instant, mais sans qu’il s’en perde mémoire, car l’on n’oublie jamais que l’on revient de loin.

La symphonie : mais qu’est-ce à dire encore, au juste ? Approchons-nous. Ce n’est pas assez : entrons, ou plutôt laissons-nous introduire, laissons-nous défaire sur le seuil de tout ce qui nous empêche d’entrer, de tout ce qui nous empêche d’entendre et de consonner. La symphonie est celle ici du père et du fils, l’un disant : « Tu es mon fils, aujourd’hui je j’ai engendré » (Ps 2, 7), à l’instant même ou l’autre déclare : « Père, maintenant je viens vers toi » (Jn 17, 13). Finalement, la parabole de l’évangile ne vient pas nous raconter une histoire. Elle nous livre notre histoire. Elle nous fait entrer dans une symphonie bien particulière : celle qui unit le Père au Fils. Aussi, dès là que Dieu, dans le Christ, s’est réconcilié le monde (2 Co 5, 19), la symphonie s’est considérablement augmentée, sans détriment pour la simplicité de ce duo inouï sur lequel elle se construit, car elle n’est faite que de cet homme qui, toujours à l’unisson du Père, reçoit les pécheurs et mange avec eux (Lc 15, 2). La distance qui nous sépare encore du Père, la grâce qui nous est faite de cette distance à combler, la joie d’entendre déjà au loin les chants de la fête, tout cela nous place déjà au cœur de cette histoire. En réduisant la distance, en nous jetant à corps perdu dans les bras de la tendresse du Père, nous entrons en symphonie.

AMEN.

Michel STEINMETZ †



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