Les noces de Cana pourtant sont bien plus que tout cela. C’est le premier
signe que Jésus accomplit au début de son ministère public. Le premier miracle
qui va profondément éclairer le sens de tous les autres, jusqu’à sa mort et sa
résurrection. A Cana, Jésus nous indique quelle est la teneur de sa mission,
pourquoi Il est venu se faire proche de nous et ce qu’Il entend accomplir. Nous
venons de commencer le temps liturgique dit « ordinaire » : l’évangile
que nous venons d’entendre fait encore le lien avec ce que nous avons célébrer
les dernières semaines. A Cana, Jésus manifeste la puissance de Dieu, comme
elle a été révélée au bord du Jourdain à son baptême, et comme les mages l’ont
confessé avec leurs présents. Nouvelle épiphanie, donc.
Au moment de la présentation des dons, à la messe, le prêtre accomplit
un rite discret, qui s’accompagne de paroles dites à voix basse. Il verse une
goutte d’eau dans le vin du calice. Il dit : « comme cette eau se
même au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la
divinité de Celui qui a voulu prendre notre humanité ». De fait, la
tradition a vu, et avec elle la Bible, à la fois dans l’eau le symbole de l’humanité
et dans le sang celui de la divinité. Du côté ouvert du Christ sur la croix, jailliront
le sang et l’eau, jaillissement qui fera dire au centurion romain : « Celui-là
était vraiment le Fils de Dieu ». De l’eau et du sang du Christ naîtra l’Eglise
et, avec elle, les sacrements, c’est-à-dire la présence toujours actuelle et
agissante du Sauveur dans l’histoire des hommes et le moyen de nous unir à Lui.
Aujourd’hui donc, à Cana, les convives à la noce commencent à manquer
de vin. Il nous est permis de voir, par extension métaphorique, en ses invités
toute l’humanité conviée à la fin des temps aux noces de l’Agneau. De même, le
vin qui se tarit symbolise la part de divinité qui vient à faire peu à peu défaut
à l’humanité en quête du salut. Marie intercède et se tourne vers son Fils. Devant
une telle désolation, elle qui conserve tout dans son cœur depuis le premier
jour, sait que son Fils peut inverser le cours apparemment inéluctable des
choses. Que fait alors Jésus, lui « Dieu-avec-nous » ? Il
demande qu’on remplisse d’eau les six jarres qui servent aux purifications
rituelles des Juifs et même qu’on les remplisse à ras-bord. Là encore, cette
demande n’est pas anodine. L’eau demeure : c’est notre humanité qui
pourtant, sans cesse, est appelée à se purifier. Et Jésus entend toucher l’humanité
entière, de manière débordante et généreuse, comme Dieu seul le fait. La
présence du Christ opère à elle seule le miracle. A cette humanité dépourvue de
toute part divine, Jésus donne en partage le vin de la divinité. Vous noterez
qu’il ne s’agit pas d’un retour en arrière, à un état précédent, comme si la
fête pouvait se poursuivre sans qu’on ne remarque une différence. « Le
maître du repas appelle le marié et lui dit : ‘Tout le monde sert le bon vin en
premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu
as gardé le bon vin jusqu’à maintenant.’» Ainsi, le miracle de Cana montre à
tous combien la présence du Fils de l’Homme qui va consentir à épouser notre
humanité change radicalement la donne. Ce sera encore meilleur. Ce vin n’est
plus le « fruit de la vigne et du travail des hommes ». Il deviendra
le « sang de l’Alliance nouvelle et éternelle », sang du Christ versé
pour que nous ayons la vie et que nous partagions cette vie.
Pour peur que nous le voulions peu, par notre baptême, c’est ce sang
qui coule dans notre veines désormais sauvées et immortelles. Aucun scénariste
ne pourrait imaginer cela. Seul Dieu le peut, car à Dieu rien n’est impossible.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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