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vendredi 3 septembre 2021

Homélie pour le 23ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 5 septembre 2021

Il n’y a pas à dire : ce pauvre homme n’a guère de chance dans la vie. Comme si cela ne suffisait pas de ne pas entendre, il a du mal aussi à s’exprimer. Deux handicaps qui le laissent quelque peu en dehors de la communauté de ses semblables. Ces derniers pourtant – et c’est sans doute la première leçon de cet évangile – se soucient de lui. Hors de question de le laisser ain
si. Ils se sentent solidaires de celui que son mal met ainsi au ban de la communauté. Ils décident alors de l’amener à Jésus et de le supplier de faire quelque chose. Tant qu’à faire, cela ne coûte rien d’essayer. Au cas où…  


Au retour d’un passage en Phénicie, Jésus est donc de retour dans le territoire de la Décapole sur les rives du Jourdain. Il y est déjà reconnu comme thaumaturge. Marc prend le soin de préciser que c’est bien « un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler » qu’on conduit à Jésus. Or ce dernier verbe n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible, en Isaïe 35, 5-6, que la liturgie nous fait entendre en première lecture. Nous verrons la raison de cette référence. Jésus accède à la demande mais curieusement, au lieu d’opérer la guérison d’un mot et sur-le-champ, il entreprend une démarche thérapeutique mystérieuse même si l’on sait que de tels gestes étaient également pratiqués par les guérisseurs de l’époque. Alors que, si souvent, Jésus guérit d’une parole, ici il semble se heurter à un obstacle difficile qui d’abord exige le secret : l’homme doit expérimenter une rencontre seul à seul avec Jésus. Puis il faut des contacts, des touchers avec les organes malades. A juste titre, Jésus guérit d’abord l’ouïe car c’est à cause de la déficience de ce sens que l’homme ne parvient pas à s’exprimer. Le langage correct vient d’une écoute normale. Ensuite Jésus fait appel à la force divine : « les yeux au ciel, il soupire… » : il invoque « le Père qui est aux cieux » et appelle le Souffle de l’Esprit. Enfin il prononce un ordre que Marc a conservé dans la langue originale : « Effata » et que la liturgie du baptême a conservé jusqu’à nos jours. L’homme était enfermé en lui-même : n’entendant pas, il ne pouvait bien s’exprimer, il bredouillait des sons informes. Jésus lui rend la communication, le langage, la parole. Alors Jésus lui recommanda de n’en rien dire à personne ; « mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient ».


« La revanche de Dieu », ainsi que parle Isaïe, ou pour le dire autrement l’avènement du temps de Dieu, correspondra à ce moment où la communauté des hommes sera profondément rassemblée et unie. Elle ne sera plus défigurée par le mal, par ce qui oppose ou clive. Tous pourront s’entendre et tous pourront parler. Ce temps annoncé et espéré, Jésus vient en offrir les prémisses. En lui, l’humanité se réconcilie. Très astucieusement encore, Marc termine son petit récit en plaçant dans la bouche des païens la phrase d’Isaïe 35 : « il a bien fait toutes choses ». En fait ce texte évoquait l’allégresse du Liban lorsque les Judéens exilés revinrent de Mésopotamie au VIe siècle avant Jésus-Christ. Pour l’évangéliste, l’événement passé n’est pas qu’un souvenir à rappeler : il devient une promesse de l’avenir. En Jésus, effectivement, Dieu se révèle comme Celui qui ne juge pas selon les apparences mais comme Celui qui considère d’abord ceux qui « sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume », comme le disait saint Jacques. 


Nous savons bien ces derniers temps combien les opinions ont pu se cliver dangereusement et violemment, parce que les mois derniers ont ébranlé chacun à des titres divers. Pourtant, celui qui veut suivre le Christ ne peut céder à cette tentation. Il doit accueillir les signes du Sauveur comme des pansements en faveur de la réconciliation et de l’unité. Avant de parler, ou d’essayer de le faire, l’évangile nous rappelle qu’il est nécessaire d’entendre. Entendre les autres, mais avant tout Dieu lui-même en sa Parole. Et pour bien entendre, il faut aussi savoir se taire. Nous ne cèderons pas alors trop rapidement aux options tranchées qui opposent. Au contraire, nous poserons un regard juste et nous prononcerons des paroles qui unissent. Comme Jésus, qui « fait bien toutes choses ». 


AMEN.


Michel STEINMETZ †


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