La peur de l’absence
« Vous savez ce qui s’est passé à travers
tout le pays des Juifs.. »
C’est ainsi que commence le discours de Pierre chez un centurion de l’armée
romaine. Oui, tout le monde sait ce qui s’est passé. Au point que, ce soir, les
deux disciples qui feront route vers Emmaüs, s’étonneront grandement que leur
compagnon de route n’en sache rien. Nous-mêmes, nous savons bien ce qui s’est
déroulé à Jérusalem. Depuis dimanche dernier, nous en sommes. Nous avons été
associés à ces tragiques instants. Jésus, Celui que nous croyions le plus fort,
en qui nous mettions tout notre espoir, a été suspendu à la croix. Il y est
mort comme un criminel. La pierre roulée devant son tombeau a fermement scellé
nos désillusions et y a enfoui nos rêves. C’est fini.
Or, voici que ce
matin, Marie-Madeleine se rend au sépulcre. Il fait encore nuit, certes, mais
elle sait ce qu’elle voit. Le corps n’y est plus. Et, chose troublante : les linges, qui avaient servi à
enveloppé le corps de Jésus, sont posés à
plat. C’est ce que constate tout d’abord Jean, puis ce qu’authentifie
Pierre. Où est donc le Seigneur ? On n’en sait rien, mais une chose est sûre,
aussi sûre qu’elle soit instantanée : il
vit et il crut. Cela suffit à Jean. L’expérience lui fait dépasser sa
raison, son intelligence, son sens pratique. Sa certitude est celle du cœur, d’un
cœur qui comprend de manière fulgurante qu’il n’a pas été trompé. Tout prend du
sens. Toutes les paroles de Jésus, ses miracles, ses signes, tout.
Nous voici, penchés
au-dessus du tombeau, et ce matin nous n’avons d’autre signe que celui d’une
absence. Une absence toute remplie d’une présence incroyablement forte. Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la
fin des temps. Beaucoup ont déjà fait l’expérience douloureuse d’une
absence, celle d’un être cher notamment. « Un seul être vous manque et
tout est dépeuplé », dira Lamartine dans son poème. Il faut beaucoup de
temps, et de foi, pour trouver dans son absence une forme nouvelle de sa
présence. C’est ce que nous appelons la « communion des saints », qui
est comme un premier fruit de la Résurrection en nous montrant que la mort ne
sépare pas ceux qui sont en Dieu. L’absence, c’est parfois pour d’autres le
sentiment que Dieu lui-même les a abandonnés ou que Dieu ne peut plus rien pour
eux. Cette absence alors semble plonger dans un abîme. Pourtant, les Apôtres et
les saintes femmes découvriront, à leur corps défendant, que le Christ n’a jamais
été aussi présent et agissant en eux et pour eux qu’après sa résurrection, c’est-à-dire
au cœur de son apparente absence. La pâte qu'ils étaient sera désormais pétrie
de ce ferment nouveau qui leur fera repousser toutes les limites. Leur peur se
transformera en courage. Elle ne les paralysera plus. Et bientôt, eux, des gens
simples, relativement peu instruits, seront baignés de la force de l’Esprit.
Il y a quelques
semaines s’est achevée au Saint-Sépulcre de Jérusalem, la restauration du
monument élevé au-dessus du tombeau du Christ. C’est là un fait historique à un
double titre : la dernière restauration remonte à plus de deux cents ans,
et le rocher a été dégagé. Quelques rares témoins ont ainsi pu toucher de leurs
mains la pierre qui a recueilli le corps de Jésus. Expérience bouleversante.
Des instruments de mesure très perfectionnés se seraient même emballés et
seraient tombés en panne au moment où la pierre a été dégagée. Comme les
Apôtres, ils se sont penchés et, comme eux, ils ont vu. À la différence des
textes des évangiles, il n’y avait plus ni linceul, ni suaire. Il n’y avait que
du rocher nu. C’est pour cela qu’il n’y a rien à décrire. Une journaliste
française, travaillent à l’ombre du Saint-Sépulcre, en a été. Elle témoigne :
« Je suis entrée et j’ai vu qu’il n’y avait rien à voir. C’est ça qui est
extraordinaire. On nous demande de rendre compte de rien, puisqu’il n’y a rien
à voir. Pas facile à suivre le gars… C’est Jésus, quoi ! » Dans le monde
actuel qui trouve quotidiennement de nouvelles raisons de se torturer,
l’expérience de ces témoins redit ce que la foi chrétienne professe : le monde
est sauvé, il appartient aux chrétiens d’en témoigner, voire de l’incarner. Entrons
dans le tombeau pour voir qu’il n’y a rien à voir. Entrons, voyons et croyons !
Le Christ est ressuscité et Il l’est pour l’éternité.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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