La mondialisation devient de
plus en plus évidente, les territoires – dit-on – doivent toujours plus
s’élargir, jusque nos régions. Au cœur de ce processus, la barrière des langues
reste pour beaucoup un obstacle. Le miracle de la Pentecôte nous fait rêver.
Pouvoir franchir les barrières linguistiques ! Mais pas à la manière d’un
anglais qui tend à l’emporter sur toutes les autres langues ! Que chacun
s’exprime dans sa langue maternelle et que tous l’entendent aussi dans leur
propre langue, fidèlement et en simultané, nous en connaissons l’avant-goût
dans les rencontres internationales mais c’est encore un gros travail et la
fête de Pentecôte se présente comme un horizon où le ciel et la terre se
rejoignent.
Alors que « l’unité dans la
diversité » ne signifie pas toujours souplesse et harmonie, fêter la Pentecôte,
c’est s’inscrire dans un élan, prendre force et inspiration pour trouver un
nouveau souffle et vivre l’enthousiasme d’un grand projet qui ne soit pas
seulement humain mais le projet de Dieu ! Si la Pentecôte nous rappelle un
évènement passé, elle est plus encore un processus, un incendie qu’une
étincelle a allumé un jour en Palestine et qui se répand progressivement sur
tous les continents. Déjà dans les Actes des Apôtres, la Pentecôte se déroule
en trois étapes : à Jérusalem, entre Juifs de différentes langues, puis en
Galilée avec les Samaritains, enfin chez les nations païennes. Ce souffle de
Pentecôte ne s’est jamais éteint depuis, tout simplement parce qu’il est le
souffle de Dieu à l’œuvre au cœur du monde. L’Esprit de Dieu donne à ceux qui
le reçoivent la grâce de la communion : en étant en Dieu, ils sont aussi
capables de communion entre eux, tout en n’étant pas asservis les uns aux
autres. Cet Esprit continue son œuvre quand il donne à des croyants, désunis par
l’Histoire, de refaire une route commune. Je voudrais vous inviter à rendre
grâce aujourd’hui pour les fruits du voyage du Saint-Père en Terre Sainte dans
les relations avec nos frères orthodoxes. Je voudrais encore vous inviter à
vous unir de cœur à la prière qui réunira autour du pape François demain
après-midi le patriarche de Constantinople et les présidents israélien et
palestinien.
Vivre la Pentecôte, c’est
vivre d’un Souffle qui permet de surmonter la tentation du communautarisme
fermé, bien sûr mais aussi la tentation permanente d’une fausse unité, celle
qui ne respecte pas la diversité. Le mythe de la tour de Babel nous montre le
risque permanent d’une uniformité brutale qui écrase les individus dans un
projet où l’orgueil et le désir de puissance échoue à rejoindre le ciel et
sombre dans la folie. Des tours gigantesques se construisent partout. Le bruit
assourdissant des armes, le jargon informatique, le langage des chiffres et de
l’argent n’ont pas besoin de traduction.
Vivre la Pentecôte, c’est
vivre d’un Esprit qui n’est pas celui de la domination mais celui de l’amitié, du
respect et de la communion. L’Esprit de liberté relativise les règlements pour
mettre l’homme, le prochain, au cœur des préoccupations : les pauvres, les
faibles, les enfants, les vieillards, les cultures dominées. Cela nous pousse
clairement à renoncer à l’idéologie qui nie la différence entre les sexes, ou
qui s’attaque à la vie naissante ou à la vie finissante.
Vivre la Pentecôte, dans un
monde désenchanté, c’est l’émerveillement sans cesse renouvelé de la présence
de Dieu en nous, frères ennemis réconciliés, différents et semblables. C’est la
vie de Dieu versée à profusion dans notre cœur, l’amour plus fort que la mort,
la vie libérée de la peur. C’est vivre l’Alliance scellée en Jésus Christ,
l’amour définitif, offert sans retour.
La Pentecôte, le feu qui
prend parce que la communauté initiale n’est pas un refuge mais un tremplin ;
c’est être descellés de l’origine, propulsés à l’extérieur, envoyés. La
Pentecôte nous fait prophètes Parce que nous avons tout donné, nous n’avons
plus rien à perdre, mais tout à offrir, à proposer, parce que la faiblesse de
Dieu est plus forte que le monde et que seule la pauvreté peut désarmer les
puissants. C’est faire le pas d’aller de l’avant, à la rencontre du différent,
pour le découvrir et le valoriser. C’est vivre debout, pour la gloire de Dieu !
AMEN.
Michel Steinmetz †
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