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samedi 8 mai 2010

Notice à paraître in "Caecilia" N°3/2010

Quand la Vierge Marie interpelle notre vision de la liturgie…

Souvent nous nous demandons ce que dit la liturgie de la Vierge Marie selon le principe de la lex orandi, lex credendi, qui établit que les mots de la prière sont normatifs pour la formulation du donné de la foi. Ici, de manière peut-être originale, nous proposons de faire le chemin inverse. Pour entrer plus avant dans une juste perception. En effet, en scrutant quelques textes importants du Magistère qui aborde la question mariale et la place de Marie dans la liturgie de l’Église, nous découvrirons combien la figure même de la Mère de Dieu est capable de renouveler et d’ajuster notre vision de la liturgie, notamment par l’enracinement de tout son être dans la Parole de Dieu, dont elle n’est que « l’humble servante ».

De par l’ampleur de ses résonances bibliques et théologiques, la Vierge Marie nourrit notre compréhension de la liturgie. Certes, les différentes fêtes mariales et leurs oraisons, les lectures qui s’y rattachent, les formulaires de messe « en l’honneur de la Vierge Marie » sont autant de moyen de nourrir notre intelligence du mystère marial. En retour, avec une perspective plus large, la manière dont le Magistère de l’Église évoque la figure de la Vierge Marie et surtout le lien qu’il établit entre elle et la liturgie, est particulièrement significatif.
Ainsi, en nous appuyant sur la constitution sur l’Église Lumen gentium et la constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II, sur l’encyclique Redemptoris Mater de Jean-Paul II (1987), nous allons discerner de manière non exhaustive plusieurs pistes dignes d’intérêt pour notre propos.

De l’Ancien au Nouveau Testament, le rôle de la Mère du Sauveur ne cesse de préciser. Elle est annoncée par les grandes figures féminines de l’ancienne Alliance (Judith, Anne…) et elle tient une place importante dans les évangiles. Marie est ainsi proposée à notre contemplation : cette dernière ne se focalisera pas sur Marie en tant que telle, comme nous l’enseigne la Tradition, mais en ce qu’elle est en quelque sorte la résonance des promesses divines qui traversent l’Ecriture et la femme en qui elles sont désormais rendues possibles.
« Les livres de l’Ancien Testament, en effet, décrivent l’histoire du salut et la lente préparation de la venue du Christ au monde […] Ces documents primitifs, tels qu’ils sont lus dans l’Église et compris à la lumière de la révélation postérieure et complète, font apparaître progressivement dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur ». Lumen gentium, 55.
Marie occupe alors la première place « parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur »[1] qui espèrent la venue du Sauveur. Avec eux, elle attend. La première elle rend grâce dans le Magnificat.
La Vierge Marie est non seulement une figure qui nous rappelle l’importance du « faire mémoire » en liturgie, cette opération qui sans cesse nous pousse à reconnaître les merveilles de Dieu dans l’histoire des hommes pour en célébrer la présence renouvelée, actuelle et bienfaisante ; elle est aussi une figure dynamique.
Marie fait passer du seul souvenir à l’action de grâce. Elle marche à la tête du peuple des sauvés.
« Dans la liturgie, l’Église acclame Marie de Nazareth comme son commencement parce que, dans l’évènement de sa conception immaculée, elle voit s’appliquer, par anticipation dans le plus noble de ses membres, la grâce salvifique de la Pâque… » Redemptoris Mater, introduction.
Parce qu’elle est modèle de l’Église en marche, « la Vierge Mère est constamment présente dans ce cheminement de foi du Peuple de Dieu vers la lumière »[2]. Elle suscite et habite l’acte mémorial de la liturgie.
« La liturgie, surtout pendant le temps de l’Avent, se place au point névralgique de ce retournement [entre l’homme dans le péché et l’homme dans la grâce et la justice] et en touche l’incessant ‘aujourd’hui’, alors qu’elle nous fait dire : ‘Viens au secours du peuple qui tombe et qui cherche à se relever’ ! ». Redemptoris Mater, 52.

b. Marie et le mystère du Christ : une liturgie médiatrice.

Parler Marie et de la liturgie demande toujours le rappel d’une vérité fondamentale. Toute liturgie chrétienne est entièrement tournée vers le Père : quand les croyants prient, ils le font « par Jésus, le Christ, notre Seigneur ». C’est-à-dire qu’ils s’intègrent à la prière de Jésus à son Père dans la communion de l’Esprit. Avec Jésus, ils supplient, ils rendent grâce, ils intercèdent. De même quand ils se tournent vers Marie, ils apprennent d’elle la juste attitude de la prière. « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2, 5). C’est grâce à Marie, par son « oui », qu’ils sont devenus fils dans le Fils, « fils adoptifs » (Ga 4, 5) du même Père.
« Ce divin mystère du salut se révèle pour nous et se continue dans l’Église, que le Seigneur a établie comme son Corps et dans laquelle les croyants, attachés au Christ chef et unis dans une même communion avec tous ses saints, se doivent de vénérer, en tout premier lieu la mémoire de la glorieuse Marie… » Lumen gentium, 52.
Si Jésus est bien l’Unique Médiateur (1 Tm 2, 5-5), si la liturgie le célèbre et devient en Lui le lieu de sa médiation, « le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu. »[3]. En effet, dans l’acte liturgique, le Christ se rend présent à son peuple et lui offre d’aller vers Dieu. En priant par Lui, le croyant a accès au Père des cieux.
C’est donc bien toute la liturgie qui devient médiatrice en ce qu’elle est à la fois le lieu où l’unique Médiateur se livre et le moment où lui-même agit. Rappelons-nous, à titre d’exemple, les paroles d’Augustin : « lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise »[4]. Marie fait entrer dans l’intelligence de cette médiation et la contemplation de sa vie évangélique nourrit en retour la juste et adéquate posture du croyant dans sa façon de vivre la liturgie.

c. Marie et le mystère de l’Église : une liturgie orientée.

Marie est honorée par bien des titres que déclinent notamment les litanies qui lui sont dédiées. Titres bibliques et titre ecclésiologiques, aussi. Ils ont pour but de mieux situer sa place dans la vie et la mission de l’Église. Ainsi, les titres « servante du Seigneur », « l’associée du Seigneur », « Mère de la grâce », « modèle de l’Église », « union des chrétiens »[5] manifestent-ils que son rôle déborde celui de sa maternité charnelle de Jésus. Dans l’Apocalypse, la figure de la femme qui enfante a été comprise par le Tradition comme celle de Marie dans le plan divin. Marie est donc une préfiguration de l’avenir du Royaume des Cieux que l’Église encore en chemin n’aperçoit qu’indistinctement.
La relation de Marie au Christ Sauveur en fait un exemple parfait pour le peuple de Dieu.
« En Marie, l’Église admire et exalte le fruit le plus éminent de la Rédemption, et, comme dans une image très pure, elle contemple avec joie ce qu’elle-même désire et espère être tout entière. » Sacrosanctm Concilium, 103.
Si Marie oriente la prière et la liturgie chrétienne vers Jésus, elle en fait de même vers l’horizon eschatologique, c’est-à-dire celui de la fin des temps. L’Église de la terre est déjà unie à l’Église du ciel. Le Royaume de Dieu n’est pas encore pleinement instauré et pourtant il est déjà là « au milieu de vous ».
C’est surtout dans la sainte liturgie que se réalise de la façon la plus haute notre union avec l’Église du ciel : là en effet, par les signes sacramentels s’exerce sur nous la vertu de l’Esprit Saint ; là nous proclamons, dans une joie commune, la louange de la divine Majesté ; tous, rachetés dans le sang du Christ, de toute tribu, langue, peuple ou nation (cf. Ap 5, 9) et rassemblés en l’unique Église, nous glorifions, dans un chant unanime de louange, le Dieu un en trois Personnes. La célébration du sacrifice eucharistique est le moyen suprême de notre union au culte de l’Église du ciel, tandis que, ‘unis dans une même communion, nous vénérons d’abord la mémoire de la glorieuse Marie toujours vierge, de saint Joseph, des bienheureux Apôtres et martyrs, et de tous les saints’. » Lumen gentium, 50
Marie, en outre, oriente toute l’activité liturgique de l’Église de la terre vers l’unisson avec la liturgie de la Jérusalem céleste ; elle rassemble et fédère encore derrière elle l’ensemble de l’histoire de l’humanité qu’elle entraîne à suivre le Christ :
« Elle se trouve aussi réunie, comme descendante d’Adam, à l’ensemble de l’humanité qui a besoin de salut ; bien mieux, elle est vraiment ‘Mère des membres [du Christ]... ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l’Église des fidèles qui sont les membres de ce Chef’.C’est pourquoi encore elle est saluée comme un membre suréminent et absolument unique de l’Église, modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité. » Lumen gentium, 63.

La Vierge Marie apparaît pour les croyants comme un signe d’espérance au cœur d’une vie liturgique qui, parfois, demanderait de revenir aux sources vives de la foi pour exprimer encore mieux la réalité de foi dont elle est lieu d’expression et d’expérience par excellence.
« Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2 P 3, 10), elle brille déjà devant le Peuple de Dieu en pèlerinage comme un signe d’espérance assurée et de consolation. » Lumen gentium, 68.
Que la figure de Marie interpelle tous les acteurs de la liturgie à œuvrer en faveur d’une liturgie toujours plus mémoriale, médiatrice et orientée, afin que modestement, mais justement, Dieu soit bien « tout en tous » (1 Co 15, 10) !



[1] Lumen gentium, 55.
[2] Redemtoris Mater, 35.
[3] Lumen gentium, 60.
[4] Saint Augustin, In Io. Evang. Tract. VI, I, 7 : PL 35, 1428.
[5] Cf. Lumen gentium, 55 et suivants.

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