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mercredi 27 mai 2009

Notice sur la "prière du matin" à paraître in "Caecilia" N°4 / 2009

- La prière du matin-

A première vue, il semble quelque peu paradoxal d’évoquer ici une prière habituellement personnelle et faisant partie de la vie spirituelle individuelle de chacun. Comment l’articuler avec les questions du chant ? A moins que de ne chanter tout seul ? Comment rejoindre la dimension communautaire et donc liturgique de cette prière ? A vrai dire, nous ne voulons pas retenir pour notre propos la prière privée mais nous souhaitons envisager la louange matinale telle qu’elle peut être effectivement célébrée modestement par plusieurs chrétiens ensemble, à des moments privilégiés et particuliers : au comencement d’une réunion matinale de laïcs, à l’accueil avant une journée de formation, etc…

Au cours des premiers siècles, le christianisme voit se développer deux formes de prière quotidienne, alors que l’eucharistie n’est pas systématiquement célébrée, quant à elle, chaque jour : l’office cathédral[1] et l’office monastique. Ainsi, s’appuyant d’ailleurs sur l’usage juif de prier à des moments déterminés de la journée pour en faire une seule et même louange, les premiers chrétiens s’approprient cette pratique. Dans la première Lettre aux chrétiens de Rome, datée de la dernière décennie du Ier siècle, saint Clément de Rome précise déjà que les croyants sont fidèles aux recommandations de leur Maître lorsqu’ils s’acquittent des fonctions liturgiques « non pas au hasard et de façon désordonnée, mais à des temps et à des heures déterminées ».
Sans entrer dans des considérations historiques quelque peu complexes quant à la préexistence de l’une ou l’autre forme, on peut affirmer que l’ « office cathédral » a des racines plus proprement pastorales puisqu’il visait à rassembler les chrétiens d’un même lieu pour la prière commune, tandis que l’ « office monastique » est lié à une communauté particulière dans la volonté de vivre l’idéal monastique qui lui est propre.
Les offices monastiques n’avaient pas de relation particulière à l’heure du jour à laquelle ils étaient célébrés ; ils étaient un stimulant de la prière ininterrompue du moine. Ils consistaient en une psalmodie continue suivant la numérotation du psautier.
Les offices de type cathédral, construits autour de la louange matinale et du chant vespéral, développaient un symbolisme du soleil levant et de la lampe du soir en tant qu’images du Christ, lumière du monde. A la différence des offices monastiques, les heures cathédrales étaient clairement mises en rapport avec le temps de la célébration. Les psaumes, les chants, les symboles étaient choisis pour s’adapter à l’heure.

I. – Des repères théologiques

Il convient dans un premier temps de retenir trois critères qui nous permettront d’habiter le plus justement possible notre propre prière.
a. Une sanctification du temps par la prière.
La plus forte impulsion pour la prière quotidienne de la communauté primitive vient assurément de Jésus lui-même. Il s’est conformé aux usages de la loi juive et de nombreux passages des évangiles nous rapportent qu’il était bien un grand priant, qu’il a appris à ses disciples à prier (Mt 6, 9-13 ; Lc 11, 2-4) et qu’il les exhortait « à prier sans cesse sans se décourager » (Lc 18, 1). La communauté des disciples a suivi fidèlement l’exemple du Seigneur comme l’attestent encore les Actes des Apôtres et les épîtres. Il n’est pas étonnant que, très tôt, des heures fixes aient été instituées pour la prière : parmi elles, les prières du matin et du soir. La prière chrétienne habite donc l’ensemble du temps de la journée, le marque autant qu’elle le sanctifie, en faisant une louange unique ininterrompue qui traduit l’attitude d’une âme tout entière tournée vers le Seigneur.
b. Prier par, avec et dans le Christ.
La « filiation » que nous avons pu repérée précédemment (Jésus se conforme à la prière du Peuple élu et aux recommandations de la Loi, ses apôtres suivent son enseignement, tout comme les premières générations chrétiennes) nous permet d’établir que les croyants en priant de la sorte à différents moments de la journée agissent comme le Christ et s’établissent dans la même filiation. Leur prière, personnelle et communautaire, est donc appelée à devenir authentiquement la prière même du Fils à son Père dans l’Esprit :
« La prière adressée à Dieu se relie au Christ, Seigneur de tous les hommes et unique Médiateur, le seul par qui nous avons accès auprès de Dieu […]. Car c’est dans le Christ et en lui seul que la religion humaine trouve sa valeur salvatrice et atteint son but. »[2]
c. La prière de l’Eglise
Depuis le temps des Apôtres, l’Eglise cherche non seulement à répondre à la sollicitude de Dieu en célébrant l’eucharistie par la louange et l’action de grâce, mais elle n’a jamais cessé d’intercéder pour tous les hommes. Elle se présente comme une « Eglise en prière » (Ecclesia orans). Cette attitude s’exprime particulièrement dans ce qu’on appelle la « liturgie des Heures ». En s’unissant à Jésus-Christ dans sa prière, l’Eglise accomplit sa nature, elle accomplit ce qu’elle est déjà et crée ainsi l’énergie qui lui permet de devenir ce qu’elle doit être et n’est pas encore. A ce titre, la prière qui marque les heures même s’il est de fait privée ou personnelle, par défaut, est toujours liturgique et doit se rattacher, si ce n’est dans les formes mais au moins en esprit, à la grande prière de l’Eglise qui dialogue avec son Seigneur.

II.- Deux modèles

A partir du moment où la prière du matin est célébrée en commun, il importe encore bien plus qu’on témoigne du souci de s’inscrire dans la prière de l’Eglise qui rend grâce pour le jour nouveau du Christ qui se lève, mémoire quotidienne du mystère de Pâques où Dieu fait toutes choses nouvelles et recrée l’univers dans la victoire de son Fils. On proposera ci-après deux modèles possibles qui permettront d’élaborer une trame.
a. La prière du matin dans l’office cathédral
La structure fondamentale de la louange du matin, telle qu’on peut la faire apparaître des différentes traditions locales jusqu’au VIème siècle, apparaît comme suit :
- Psaume d’ouverture (50 ou 62) suivie d’une oraison
- [ Psaumes (nombre variable) ]
- Lecture biblique
- Cantique de l’Ancien Testament
- Psaumes 148 à 150 avec oraison conclusive
- Hymne à la lumière
- Gloria in excelsis[3]
- Intercession et oraison
- Bénédiction conclusive
- Renvoi
b. La prière du matin (Laudes) dans la Liturgie des Heures
D’une structure, pour le coup, fort différente et héritière de l’office monastique, les « laudes » sont construites sur le schéma commun à la Liturgie des Heures. Aujourd’hui elles prennent en compte la vérité de l’heure et les textes proposés font référence à la louange matinale.
- Versets introductifs et doxologie (Gloire au Père…)
- Hymne (en lien avec le lever du jour)
- Psaume
- Cantique de l’Ancien Testament
- Psaume
- Lecture biblique brève
- [ Répons]
- Cantique de Zacharie (Lc 1)
- Intercession
- Notre Père
- Oraison
- Bénédiction conclusive.

A partir des repères théologique, qui sont autant de critères, à partir du donné historique, il est sans doute plus aisé d’envisager et de proposer une prière du matin qui entre dans le mouvement et rejoint la prière de l’Eglise. Bien sûr, les modèles proposés pourront, et devront, être adaptés en fonction des personnes, des moments et des lieux, mais on se gardera de dénaturer l’un et l’autre, et surtout les laudes qu’on aura tout avantage à célébrer telles qu’elles sont prévues[4] .
Il importe en effet de ne pas s’en tenir à une prière par trop personnelle qui ferait fi de tout lien à la prière proprement liturgique – matrice de toute prière !- dont le but est bien de nous orienter et de nous agréger à la prière même du Christ. Ce dessaisissement du chrétien de ses envies du moment, de ses angoisses, de ses marottes et dévotions personnelles lui garantit de grandir en liberté en s’abandonnant à une prière ecclésiale qui le porte lui-même en portant l’ensemble des croyants.

[1] Cet office n’a rien à voir avec la liturgie spécifique à une cathédrale, même si, primitivement, il était célébré par la communauté locale rassemblée autour de son évêque.
[2] Présentation générale de la Liturgie des Heures, N°6.
[3] On notera ici l’emploi de cette hymne avant qu’elle ne fasse partie intégrante de la messe au Xème siècle. Ce chant loue la divinité du Christ qui a pris notre nature humaine.
[4] On pourra se reporter soit à Prière du temps présent, soit à la Liturgie des Heures en 4 volumes. On trouvera aussi dans le mensuel Magnificat des propositions quotidiennes, ainsi que les textes officiels dans leur version intégrale et simplifiée sur le site : http://services.liturgiecatholique.fr/heures.php

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